L’annonce faite par Israël d’une possible annexion d’une partie de la Cisjordanie a suscité de vives inquiétudes en France et en Europe. Tous les pays européens ont souligné les dangers d’un tel projet pour la région. Cependant, il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur la position européenne à adopter au cas où le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, déciderait de passer à l’acte.
Les discussions européennes entamées sur le sujet n’ont débouché sur aucune mesure concrète. Il semble donc évident que l’Europe est dans l’incapacité de définir une position commune à ce sujet. Sa voix est inaudible sur cette question selon certains diplomates français car les désaccords sont profonds entre les pays membres de l’Union européenne.
Ce n’est pas un secret : certains Européens préfèrent aligner leur politique étrangère sur celle des États-Unis et rechignent à fâcher Israël. D’autres pays européens, dont la France, estiment qu’il faut faire entendre une voix divergente de celle des États-Unis, sans pour autant trop s’impliquer dans ce dossier épineux vu le contexte international déjà tendu.
Résultat : depuis que le président américain Donald Trump a dévoilé en janvier dernier son « deal du siècle », l’Europe s’en est tenue à la même position à minima. Cette position maintes fois répétée par Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, rappelle l’attachement de l’Europe à un règlement du conflit israélo-palestinien sur la base de négociations devant aboutir à la création d’un État palestinien viable.
Pour autant, les différents acteurs européens, au-delà de cette prise de position commune, sont divisés sur l’attitude à adopter. Certains pays comme la France, l’Allemagne, l’Irlande ou l’Espagne estiment par exemple que l’annexion partielle de la Cisjordanie doit entraîner une réponse forte. D’autres États européens, en particulier l’Autriche, la Hongrie ou la Pologne s’opposent à toute action qui pourrait froisser Israël.
Les contacts se poursuivent à ce sujet entre les pays européens selon une récente déclaration faite par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Le président français, Emmanuel Macron, a entre-temps jugé opportun de rappeler à Benyamin Netanyahou lors d’un entretien téléphonique que l’annexion « serait une mesure contraire au droit international » et à « l’établissement d’une paix durable. »
La diplomatie française a affirmé à maintes reprises que cette annexion constitue une « violation » évidente des résolutions internationales et compromet la solution de deux États. Mais au-delà de ces prises de positions rhétoriques, les leviers dont dispose la France sont trop faibles pour dissuader Israël de mettre à exécution son projet d’annexion partielle.
La date de cette annexion avait été annoncée pour début juillet, aucun projet de loi en ce sens n’a cependant encore vu le jour. Il paraît évident que le Premier ministre israélien prend le temps de peser le pour et le contre avant de prendre cette décision. Il est vrai aussi que la pandémie de Covid-19 et les dossiers judiciaires qui visent Netanyahou compliquent grandement sa tâche. Par ailleurs, la frange la plus extrémiste des colons israéliens rejette catégoriquement toute idée d’État palestinien, même dans le cas où celui-ci ne serait qu’un État « croupion » à la perspective très lointaine.
Ce sont ces considérations intérieures qui ralentissent Netanyahou plus que n’importe quelle critique ou prise de position française ou européenne. L’annexion est la suite logique des échecs accumulés tout au long des décennies précédentes.
Continuer aujourd’hui à parler de négociations et de deux États n’est en réalité qu’une illusion. Depuis que Netanyahou a accédé au pouvoir en 1996, il s’est consciencieusement appliqué à dénaturer de manière flagrante les accords de Madrid et d’Oslo, préparant ainsi le terrain au projet d’annexion actuel. D’autre part, l’opinion publique internationale, et surtout arabe, semble s’être résignée, après avoir tenté en vain de se mobiliser pour l’existence d’un État palestinien.
Dans ce contexte, le « deal du siècle » élaboré par l’administration Trump et l’annexion prévue ne font qu’officialiser une politique du fait accompli qui se poursuit depuis de nombreuses années.
La position européenne et même française ressemble surtout à une posture symbolique qui pèse bien peu au regard des enjeux considérables qui la lient à Israël. La reconnaissance de l’État palestinien soulevée récemment par Paris relève d’une déclaration de bonnes intentions, et pourrait se limiter en cas d’annexion à reconnaître la souveraineté palestinienne sur une ville telle que Ramallah par exemple.
Ainsi, face à la volonté affichée de Netanyahou de marquer l’histoire de son pays, les recours semblent minimes, sinon inexistants. Ce qui amène un ancien diplomate français chevronné à constater qu’il est fini le temps où, dans la déclaration de Venise, on affirmait que les Palestiniens avaient droit à l’autodétermination.
Il semble également lointain le temps où l’ancien président français François Mitterrand déclarait à la Knesset que les Palestiniens avaient droit à un État sans susciter des réactions hostiles, sachant, toujours selon l’ancien diplomate, qu’il s’agissait à l’époque d’un véritable État.
Arlette Khouri vit et travaille à Paris depuis 1989.
Pendant 27 ans, elle a été journaliste au bureau parisien d’Al-Hayat.
TWITTER : @khouriarlette
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.