Pour la troisième fois consécutive en un mois, l’horreur a de nouveau frappé la France.
Pour la troisième fois en un mois, la France est ensanglantée et endeuillée.
Trois personnes dont deux femmes ont été égorgées à l’intérieur de la cathédrale Notre-Dame de Nice par un assaillant muni d’un couteau.
Le même mode d’emploi, le même terrorisme à bas coût, mais cette fois-ci un cap a été franchi et une digue a sauté.
Les hostilités sont ouvertement déclenchées et la haine est ouvertement exprimée.
Les églises de France ont sonné le glas à l’unisson pour dénoncer la barbarie et marquer la gravité de l’acte qui les a une fois de plus touchées.
(En juillet 2016, le père Jacques Hamel a été assassiné par deux jeunes islamistes dans son église à Sainte-Etienne-de-Rouvray)
Dans la classe politique, le mot «guerre» est prononcé et répété en boucle notamment par les responsables de droite et d’extrême droite.
Les réactions modérées et nuancées ne sont presque plus audibles et n’aident plus à endiguer la colère et le rejet qui submergent une majorité de citoyens.
Les hostilités sont ouvertement déclenchées et la haine est ouvertement exprimée.
Arlette Khoury
C’est l’acte odieux de trop qui pousse la France au bord de la crise de nerfs et incite les Français à affirmer haut et fort qu’ils ne sont plus prêts à accepter l’inacceptable.
Comment empêcher que ces Français, qui vivent au moins depuis 2012 dans l’angoisse des attentats répétitifs, ne se sentent visés et persécutés dans leur propre pays.
Toutes les facettes de leur identité, de leur modèle social et de leur liberté ont été prises pour cible et bafouées.
Les auteurs d’attentats n’ont épargné ni les policiers, ni les enseignants, ni les journalistes, ni les religieux, ni les simples citoyens attablés à la terrasse d’un café ou assistant à un concert musical.
Comment leur faire accepter une fois de plus que ces actes de barbaries sont le fait d’individus dont les parcours particuliers les font basculer dans cette horrible violence croyant ainsi rendre justice à leur religion?
Comment convaincre ces Français que la République les protège et que la laïcité est un véritable rempart à la radicalisation et au fondamentalisme?
Comment les convaincre que leurs concitoyens musulmans souffrent comme eux de cette dérive et que, comme eux, ils payent de leur vie leur insoumission aux dictats de l’intégrisme?
Les autorités publiques – du président de la république, Emmanuel Macron, en passant par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin et d’autres – ont beau répéter que le problème qui se pose ne concerne pas la religion musulmane mais ceux qui détournent cette religion pour commettre des actes abjects, elles ne parviennent pas à dissiper ce ressentiment palpable vis-à-vis des musulmans et même des Français d’origine arabe.
Parce que, une fois de plus, la haine et le rejet s’affichent désormais au grand jour.
Sur les plateaux de télévision certaines figures politiques succèdent aux journalistes et aux chroniqueurs, relayant des messages qui appellent à se débarrasser «de ceux qui ne sont pas d’accord avec nos valeurs».
Parmi ces intervenants, nombreux sont ceux qui réfutent l’idée qu’il y a en France des millions de musulmans et parmi eux quelques «méchants islamistes» et que «l’islamisme est au sein de l’islam».
Comment convaincre ces Français que la République les protège et que la laïcité est un véritable rempart à la radicalisation et au fondamentalisme?
Arlette Khoury
D’autres ont déjà tranché. Pour eux, les musulmans «ne sont pas compatibles avec notre mode de vie», et la solution consiste à les renvoyer chez eux, d’autant plus que, souvent, ils ont une double nationalité.
Face à ce discours autrefois tabou, mais aujourd’hui malheureusement banalisé, que peuvent faire les musulmans de France?
À chaque attentat perpétré, ils ont multiplié les condamnations. À chaque victime abattue par le terrorisme, ils ont exprimé leur solidarité et affirmé leur attachement indéfectible à la République et à ses valeurs.
Ils ont manifesté, ils ont organisé des prières communes, créé des associations de lutte contre la radicalisation, écrit des livres, des tribunes dans les médias…
Rien n’y fait, ils sont toujours montrés du doigt et vilipendés par les adeptes de l’extrême, du repli et de la haine de l’autre.
Ce sont ceux-là que les auteurs des différents attentats commis pour défendre l’islam ont renforcés.
Ce sont ceux-là dont la voix porte maintenant plus fort que celle du président de la République qui a affirmé depuis Nice que «c’est la France» dans son ensemble «qui est attaquée» appelant à l’unité de tous les Français.
Le confinement que les Français vivront pendant un mois, pour stopper la propagation du virus de la Covid-19 sera une période teintée de tristesse et d’un sentiment de malaise profond.
La grande crainte est de savoir comment ce malaise va s’exprimer dès que le confinement sera levé.
Arlette Khoury vit et travaille à Paris depuis 1989.
Pendant vingt-sept ans, elle a été journaliste au bureau parisien d’Al-Hayat.
TWITTER : @khouriarlette
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.