Le président américain Joe Biden a surpris le monde la semaine dernière lorsqu’il a annoncé la mort du chef de Daech, Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, qui dirigeait le groupe terroriste depuis l’assassinat de son prédécesseur, Abou Bakr al-Baghdadi, lors d’une frappe américaine en 2019.
D’après le président, l’Irakien al-Qourachi était responsable de l’attaque récente d’une prison dans le nord-est de la Syrie, où étaient détenus des combattants de Daech, et était également à l’origine du génocide du peuple yazidi dans le nord-ouest de l’Irak en 2014.
«Nous nous souvenons tous des histoires déchirantes: les massacres qui ont anéanti des villages entiers, les milliers de femmes et de jeunes filles vendues en esclavage, le viol utilisé comme arme de guerre. Grâce à la bravoure de nos troupes, cet horrible chef terroriste n’est plus», a déclaré M. Biden.
En dépit des défis intérieurs et internationaux auxquels l’administration américaine est confrontée, notamment les craintes d’une action russe à la frontière ukrainienne, la Maison Blanche a voulu faire passer un message selon lequel Washington poursuivra sa guerre contre le terrorisme et l’extrémisme où qu’ils se trouvent. M. Biden a également souhaité effacer l’image négative du retrait chaotique de l’armée américaine d’Afghanistan et rétablir la confiance dans la capacité de celle-ci à mener à bien ses missions.
L’élimination d’un chef terroriste donnera au président et à son parti démocrate un élan bien nécessaire avant les élections de mi-mandat aux États-Unis et une victoire en politique étrangère au cas où ses efforts pour relancer l’accord sur le nucléaire iranien échoueraient.
Le monde est, sans aucun doute, beaucoup plus sûr sans Al-Qourachi, mais Daech va-t-il s’effondrer à la suite de sa mort? Absolument pas. La mort d’Al-Baghdadi n’a pas sonné le glas du groupe terroriste, et celle d’Al-Qourachi ne l'empêchera pas de perpétrer d’autres attentats contre des innocents, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Le Dr Hans-Jakob Schindler, directeur principal du Counter Extremism Project et ancien coordinateur de l’Équipe de surveillance de Daech, d’Al-Qaïda et des talibans du Conseil de sécurité de l’ONU, estime que des représailles seraient probables une fois que le groupe aura nommé le successeur d’Al-Qourachi. «Ce sera très probablement un Irakien, simplement parce qu’il y a une grande structure en Irak et que Daech est originaire de ce pays. Ils ont choisi Al-Qourachi en raison de son affiliation tribale», explique le Dr Schindler au Jerusalem Post.
Dès le début de l’année 2022, Daech est revenu en force sur le devant de la scène en menant des opérations dans des pays instables comme l’Irak, la Syrie et la Libye. L’année dernière, le groupe a réussi à augmenter considérablement son financement, ce qui a conduit à la réorganisation de ses rangs dans ces pays, notamment en Irak.
Il n’est pas surprenant que les opérations terroristes de Daech se soient intensifiées dans le contexte du conflit politique irakien. Les résultats des élections qui ont eu lieu en octobre dernier ont coupé l’herbe sous le pied des milices pro-iraniennes qui tenaient à s’attribuer tout le mérite de la libération de Mossoul et de la défaite de Daech en 2017. Les dirigeants des milices agissant pour le compte de l’Iran et leurs partisans se comportent comme s’ils contrôlaient l’Irak et ses citoyens sous prétexte de protéger leur honneur et de libérer leurs terres.
«Si Daech en venait à être vaincu, les nombreuses milices pro-iraniennes en Iraq n’auraient plus lieu d’être.»
Dalia al-Aqidi
Si l’on assiste un jour à la défaite de Daech et de toutes ses cellules dormantes en Irak, la présence de nombreuses milices pro-iraniennes ne serait plus nécessaire. Cependant, Téhéran s’y oppose fermement. Afin de servir leurs propres intérêts politiques, les patrouilles et les postes de contrôle de la milice doivent fermer les yeux sur les mouvements des membres de Daech et même faciliter leurs attaques.
Autrement dit, si Daech meurt en Irak, les milices pro-iraniennes mourront elles aussi.
Par ailleurs, en Syrie, la présence du groupe terroriste donne à Bachar al-Assad, qui continue à assassiner son propre peuple, une légitimité mondiale et un argument valable. Cela profite également au régime de Téhéran.
Si nous examinons de plus près la carte de cette région troublée, nous constaterons que tous les chemins mènent à Téhéran.
L’histoire décrira cette guerre contre le terrorisme comme l’une des guerres les plus longues et les plus sanglantes de tous les temps, tant que cette dangereuse idéologie restera en vie.
Dalia al-Aqidi est chercheuse principale au Center for Security Policy. Twitter: @DaliaAlAqidi
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com