La répression des sunnites en Iran devrait s'intensifier sous l'administration radicale du président iranien, Ebrahim Raïssi.
Arrivé au pouvoir en août dernier, M. Raïssi a formé son cabinet de membres des institutions qui jouent un rôle phare dans la répression des sunnites, comme le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) et le ministère du Renseignement. L'année dernière, le régime iranien a adopté deux amendements alarmants aux articles 499 et 500 de son Code pénal, qui facilitent la discrimination des minorités par les autorités.
Les sunnites constituent la plus grande minorité religieuse en Iran, nombre d'entre eux appartenant aux groupes ethniques arabe, baloutche, turkmène ou kurde. Selon le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l'homme en Iran, les sunnites du pays s'inquiètent depuis longtemps du fait que les «autorités ne les nomment pas ou ne les emploient pas à des postes gouvernementaux de haut niveau, tels que ceux de ministre ou de gouverneur. Ils s'inquiètent également des restrictions qui seraient imposées à la construction de mosquées sunnites dans les zones à majorité chiite, notamment dans la capitale Téhéran, et de l'exécution imminente de militants sunnites que le gouvernement soupçonne d'être impliqués dans des activités liées au terrorisme.»
Le régime iranien considère généralement la minorité sunnite et les chefs religieux du pays comme un groupe d'opposition ou des étrangers.
En outre, l'un des grands principes révolutionnaires et religieux des autorités religieuses au pouvoir en Iran étant d'exporter l'idéologie chiite, les groupes non chiites sont généralement considérés comme des rivaux, des conspirateurs ou des menaces pour la réalisation des objectifs idéologiques du régime.
Par conséquent, il n'est pas surprenant que, même si les sunnites représentent près de 10 % de la population iranienne, aucun sunnite n'ait été nommé à un poste gouvernemental de haut niveau depuis l'instauration du régime en 1979.
Au lieu de cela, le régime iranien utilise très probablement le ministère des Renseignements, les bassidjis (chargés de la sécurité intérieure et extérieure de l'Iran) et le système judiciaire pour intimider et contrôler les sunnites du pays. Et les sunnites n'ont pas réussi à invoquer la Constitution iranienne, qui garantit des droits aux traditions islamiques autres que chiites.
L'article 12 stipule: «Les autres écoles islamiques et leurs adeptes, notamment les hanafites, shafi'ites, malikites, hanbalites et zaydites, doivent bénéficier d'un respect total et ils sont libres d'agir conformément à leur propre jurisprudence dans l'accomplissement de leurs rites religieux. Ces écoles jouissent d'un statut officiel pour les questions relatives à l'éducation religieuse, aux affaires de statut personnel (mariage, divorce, héritage et testament) et aux litiges connexes devant les tribunaux.»
Cette situation est due à l'absence d'équité et de procédure régulière dans le système judiciaire iranien, ainsi qu'aux accusations forgées de toutes pièces et ambiguës portées par le régime contre de nombreux sunnites. Les articles constitutionnels qui garantissent les droits des sunnites semblent n'être qu'une façade pour faire croire à la communauté internationale que les dirigeants iraniens respectent les libertés religieuses et les droits de l'homme de tous les groupes, indépendamment de leur origine ethnique ou religieuse.
Même sous les administrations dites «modérées», les droits des sunnites et de leurs dirigeants ne se sont pas améliorés. Selon le dernier rapport de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale: «La persécution des musulmans sunnites par l'Iran s'est également poursuivie en 2021. Le soir du Nouvel An 2020, le gouvernement a exécuté trois prisonniers politiques musulmans sunnites à la prison de Vakilabad, sans en avertir leurs familles au préalable. En janvier, il a démoli les fondations d'une mosquée sunnite à Iranchahr, et il aurait également interrompu la construction de deux nouvelles mosquées sunnites dans la région. En mars, les autorités ont arrêté un auteur et traducteur sunnite et l'ont envoyé à la prison de Zahedan. Le même mois, le tribunal révolutionnaire d'Urmia a condamné un musulman sunnite à trois ans de prison pour appartenance à un groupe salafiste.»
Les groupes non chiites sont généralement considérés comme des rivaux, des conspirateurs ou des menaces pour la réalisation des objectifs idéologiques du régime.
Dr Majid Rafizadeh
Malheureusement, le régime ne subit aucune pression pour réformer son système judiciaire répressif ou ses politiques discriminatoires à l'égard des sunnites. Pendant ce temps, l'administration américaine de Joe Biden semble se concentrer uniquement sur la négociation d'un nouvel accord nucléaire avec l'Iran et les puissances européennes continuent d’apaiser le régime.
En bref, l'intransigeante administration de M. Raïssi risque de renforcer la répression du pays à l'encontre de sa principale minorité religieuse. Les sunnites d'Iran ont le droit d'exercer leur foi religieuse et il incombe aux groupes de défense des droits de l'homme et à la communauté internationale de faire pression sur le régime iranien pour qu'il mette fin à ses politiques d'intimidation, de persécution et de harcèlement. Si les puissances occidentales telles que les États-Unis et l'Union européenne (UE) défendent réellement la liberté de religion, la justice sociale, la liberté et la démocratie, elles ne doivent pas considérer l'Iran uniquement à travers le prisme de l'accord nucléaire. Au contraire, elles doivent placer la répression de la minorité sunnite par le régime de Téhéran en tête de leurs priorités.
Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.