L'Iran poursuit une stratégie d’extorsion contre le reste du monde

Le président iranien, Ebrahim Raïssi, lors de son investiture au Parlement, à Téhéran, le 5 août 2021. (Reuters)
Le président iranien, Ebrahim Raïssi, lors de son investiture au Parlement, à Téhéran, le 5 août 2021. (Reuters)
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Publié le Mercredi 19 janvier 2022

L'Iran poursuit une stratégie d’extorsion contre le reste du monde

L'Iran poursuit une stratégie d’extorsion contre le reste du monde
  • Depuis sa création, en 1979, la République islamique continue sa politique d’extorsion vis-à-vis de la communauté internationale; c'est là l’un de ses axes principaux
  • Faisant fi des règles du jeu établies, le régime iranien s'assure de soumettre la communauté internationale à ses exigences

Depuis sa création, en 1979, la République islamique poursuit sa politique d’extorsion vis-à-vis de la communauté internationale; c'est là l’un de ses axes principaux.
Le régime iranien ne s'est jamais montré disposé à respecter les règles ni la législation de la communauté internationale. Cela tient en partie à la nature même de ce régime théocratique qui repose sur les idéaux révolutionnaires des religieux qui le dirigent plutôt que sur la structure moderne de l'État-nation basée sur le droit international.
Faisant fi des règles du jeu établies, le régime iranien s'assure de soumettre la communauté internationale à ses exigences. Dans un premier temps, la stratégie d'extorsion passait par la prise d'otages. À peine établi, le régime a détenu cinquante-deux Américains qu'il a libérés au bout de quatre cent quarante-quatre jours dans ce qui constitue la plus longue prise d'otages de l'histoire moderne. Téhéran s'est ensuite servi du programme nucléaire qu'il possède, des milices qu'il soutient et des cyberattaques qu'il mène; ces outils lui procurent davantage de poids pour mener à bien cette stratégie d'extorsion.
Aujourd'hui encore, Téhéran reste fidèle à cette tradition de la prise d'otages. La République islamique prend des otages étrangers et se sert d'eux pour arracher des concessions économiques ainsi que des avantages géopolitiques et financiers. Les otages lui servent également d’outil pour museler l'opposition et contraindre l'Occident à fermer les yeux sur les agissements de l'Iran: aventurisme militaire, atteintes au droit international et développement de son programme de missiles balistiques. Ainsi, l'administration Obama a versé à l'Iran la somme de 1,7 milliard de dollars (1 dollar = 0,88 euro) en espèces pour obtenir la libération d'otages irano-américains.
Le régime iranien va jusqu'à se vanter de la stratégie de prise d'otages qu'il emploie. En 2016, le Corps des gardiens de la révolution islamique a ainsi fait remarquer que «c'est une question de temps avant que les États-Unis ne proposent de payer […] plusieurs milliards de dollars pour que soient libérés» deux citoyens irano-américains, Siamak Namazi et son père, Bagher. À ce jour, plusieurs citoyens étrangers sont encore détenus en otages dans les prisons iraniennes. On peut citer l’Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe ainsi que des otages américains comme Siamak et Bagher Namazi, Morad Tahbaz et Emad Sharghi.
Le programme nucléaire iranien constitue le deuxième fondement de cette politique d'extorsion. Supposons que le régime iranien ne cherche pas à acquérir des armes nucléaires, il continue pourtant, par sa défiance et ses violations continues, sa politique d’extorsion contre la communauté internationale et bénéficie grandement de la menace que représente son programme nucléaire. Rappelons que le programme nucléaire de l'Iran a offert à Téhéran un grand nombre de concessions en 2015 lorsque les puissances mondiales (P5+1) ont conclu l'accord sur le Plan d'action global commun (PAGC).
Le PAGC a établi un délai pour la levée de l'embargo sur les armes; or, ce dernier ne devait pas être intégré à l'accord sur le nucléaire en premier lieu. Il a malheureusement été supprimé en 2020, quand l'Iran violait toutes les dispositions de ce traité. En vertu de l'accord de 2015, le Conseil de sécurité des nations unies a par ailleurs levé les quatre séries de sanctions paralysantes qui ont mis des dizaines d'années avant d'être imposées à la République islamique. Les autres pays occidentaux lui ont emboîté le pas: l'Union européenne a supprimé l'ensemble des sanctions économiques et financières imposées à Téhéran en raison de ses activités nucléaires et elle a repris ses activités commerciales avec le régime théocratique.
En effet, l'aventurisme militaire de l'Iran et les violations des droits de l'homme dont il fait preuve ont été passés sous silence. Téhéran est parvenu à obtenir la reconnaissance de la communauté internationale, à s'intégrer à nouveau dans le système financier mondial et à commercialiser des produits de base interdits jusqu’alors.
La création, le financement et l'armement de milices et de groupes terroristes constituent le troisième pilier de la stratégie d'extorsion poursuivie par l'Iran. Le régime iranien se sert de ces groupes pour déstabiliser de manière indirecte d'autres nations en y semant le chaos, la violence et la guerre. Une fois que ces sociétés et ces entités politiques étrangères pâtissent de ces perturbations, l'Iran veille à ce que ses milices prennent le pouvoir ou jouent un rôle important dans les nouveaux établissements politiques. C'est notamment auprès des nations arabes sunnites que cette stratégie trouve son expression la plus flagrante. Là, Téhéran s'efforce de changer l'équilibre des forces en sa faveur, de renforcer son emprise et d'affaiblir ces nations.

La République islamique prend des otages étrangers et se sert d'eux pour arracher des concessions économiques et des avantages géopolitiques et financiers.

Dr Majid Rafizadeh

Le quatrième pilier de la politique d'extorsion poursuivie par l’Iran n'est autre que les cyberattaques qu'il entreprend. Le régime iranien en lance depuis longtemps contre des organisations étrangères et des pays qu'il perçoit comme des rivaux. À titre d'exemple, l'Arabie saoudite a été la cible de cyberattaques compromettantes de la part du groupe de hackers iraniens connu sous le nom de «Cadelle and Chafer». Cette information a été communiquée par de nombreuses agences de renseignement et par plusieurs responsables en 2017. Dans ce contexte, deux personnes qui habitaient l’Iran ont été accusées de comploter des cyberattaques contre des cibles américaines au mois de novembre 2018.
Ces attaques ont paralysé les activités du gouvernement de la ville d'Atlanta en ciblant ses hôpitaux, ses écoles, ses institutions publiques ainsi que d'autres établissements. Les racketteurs ont exigé le paiement d'une rançon pour que soient récupérées les données de ces institutions. L'ancien chef de la division criminelle du département de la justice, Brian Benczkowski, affirme que ces individus «se sont livrés de manière délibérée à un chantage numérique sans précédent au XXIe siècle en attaquant et en escroquant des victimes fragiles comme des hôpitaux et des écoles – des victimes qui pouvaient et qui n'hésiteraient pas à payer, ce dont les racketteurs étaient conscients».
En somme, l'extorsion est au cœur de la politique étrangère du régime iranien; ce dernier emploie ces quatre méthodes pour intimider les autres gouvernements ainsi que la communauté internationale.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

TWITTER: @Dr_Rafizadeh


NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.


Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com