L’administration Biden et les dirigeants européens semblent investir à tort tout leur capital politique dans la relance du Plan d’action global commun (JCPoA). Également connu sous le nom d’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, ce traité a été conclu en 2015 entre la République islamique et les puissances mondiales (P5+1) – les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine et la France, en plus de l’Allemagne – ainsi que l’Union européenne (UE).
L’Occident devrait simultanément poursuivre une autre stratégie de soutien aux puissances régionales pour faire face au régime théocratique de Téhéran, qu’un nouvel accord soit conclu ou non.
Car la menace sous-jacente du régime iranien dans la région ne s’est jamais limitée à son programme nucléaire. Lorsque l’accord a été conclu en 2015, l’accès à des fonds considérables a eu pour effet pervers de permettre à Téhéran de renflouer les caisses de groupes comme le Hezbollah et les Houthis. Les mises en garde de pays comme l’Arabie saoudite et le royaume de Bahreïn ont été largement ignorées, malgré leurs inquiétudes face à la menace directe représentée par l’enrichissement de ces groupes.
Joe Biden a précédemment suggéré que l’Iran avait cessé d’être un «mauvais acteur régional», après la conclusion de l’accord nucléaire
En conséquence, un retour à la politique américaine de l’ère Obama, où Washington considère que l’accord nucléaire suffit pour faire face au régime iranien, risque de saper la paix et la stabilité au Moyen-Orient.
Joe Biden a précédemment suggéré que l’Iran avait cessé d’être un «mauvais acteur régional», après la conclusion de l’accord nucléaire. «Je propose à Téhéran une voie crédible pour revenir vers la diplomatie. Si l’Iran revient au strict respect de l’accord sur le nucléaire, les États-Unis rejoindront l’accord, ce qui servira de point de départ pour les négociations de suivi», a-t-il déclaré.
Facile à dire pour quelqu’un qui vit à des milliers de kilomètres. Mais pour les personnes sur le terrain, qui sont victimes des armes du Hezbollah et des milices syriennes semant la mort et la destruction, l’Iran – via son réseau de proxys dans la région – est devenu un acteur plus malveillant que jamais. À moins que ces autres problèmes ne soient résolus, tout effort visant à faire de l’Iran un acteur international plus responsable est voué à l'échec.
Les quatre décennies qui se sont écoulées depuis la création de la République islamique ont prouvé que la diplomatie seule ne suffit pas
Du point de vue des dirigeants iraniens, aucun accord avec l’Occident ne changera les piliers fondamentaux de la révolution iranienne. Le régime théocratique utilise plutôt des accords internationaux et régionaux pour faire progresser ses idéaux révolutionnaires.
Concrètement, à l’heure où la présence militaire américaine dans la région est plus faible et où d’autres forces, comme la Chine et la Russie, cherchent à combler le vide, il est plus que jamais essentiel de travailler de concert avec les États du Golfe. La République islamique s’est clairement positionnée contre les alliés des États-Unis dans le Golfe, adoptant une ligne dure qui semble faire partie d’une stratégie plus large pour déstabiliser la région.
Les quatre décennies qui se sont écoulées depuis la création de la République islamique ont prouvé que la diplomatie seule ne suffit pas. Comme l’a si bien dit Henry Kissinger: «L’exercice de la diplomatie sans la menace de la force est sans effet.»
Le régime iranien devrait comprendre que ses provocations et son aventurisme militaire dans le Golfe auront des conséquences graves. Du point de vue des de ses dirigeants, l’échec des autres pays à réagir aux actions du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) est un signe de faiblesse. Autrement dit, pour le régime iranien, les concessions, la clémence et la diplomatie sont synonymes d’impuissance.
L’Iran cherche à semer l’instabilité dans la région, profitant du chaos dans d’autres pays
Une coalition arabe régionale – avec le soutien des États-Unis et d’autres alliés occidentaux – serait l’élément le plus important de l'équation, formant un rempart solide contre Téhéran. Il faut donc aller au-delà des simples discours et adopter de véritables mesures, en recourant notamment à une stratégie se déclinant en trois volets: renforcer les capacités navales, antimissiles et défensives de la coalition. Cela nécessite également un plan global d’accompagnement pour contrer l’interventionnisme de l’Iran en Syrie, en Irak et au Yémen.
L’Iran cherche à semer l’instabilité dans la région, profitant du chaos dans d’autres pays. Par exemple, c’est en raison de l’instabilité au Liban que l’Iran a donné naissance au Hezbollah. C’est en plein conflit en Irak que l’Iran a formé de puissantes milices. C’est au moyen de la guerre en Syrie que l’Iran a armé des proxys supplémentaires. C’est à travers la crise au Yémen que Téhéran renforce ses liens avec les Houthis. Et on pourrait continuer la liste. En cas d’instabilité, l’Iran élargit ses puissantes opérations et accroît son influence.
Il est essentiel que la communauté internationale contrecarre les ambitions et les provocations hégémoniques de l’Iran en se tenant aux côtés des puissances régionales prêtes à affronter Téhéran. Les dirigeants iraniens doivent être conscients que leurs actions déstabilisatrices dans la région auront de lourdes conséquences.
Sinon, les agressions et les provocations iraniennes continueront de se renforcer. Cela peut être évité au moyen du plan global susmentionné, ancré dans une coopération stratégique et militaire tridimensionnelle entre l’Occident et d’autres puissances de la région, y compris les États du Golfe.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com