Espoirs pour l’Arménie

Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (Parti AK), Recep Tayyip Erdogan, prononce un discours alors qu'il assiste à la réunion d'un groupe du parti à la Grande Assemblée nationale turque à Ankara le 22 décembre 2021.(AFP)
Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (Parti AK), Recep Tayyip Erdogan, prononce un discours alors qu'il assiste à la réunion d'un groupe du parti à la Grande Assemblée nationale turque à Ankara le 22 décembre 2021.(AFP)
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Publié le Vendredi 31 décembre 2021

Espoirs pour l’Arménie

Espoirs pour l’Arménie
  • La Turquie et l’Arménie ont ouvert il y a quelques jours un processus de dialogue en vue de la normalisation de leur rapport de voisinage
  • Ankara et Erevan viennent de s’entendre pour désigner chacun un «envoyé spécial» chargé de travailler à la normalisation de leurs relations mutuelles.

PARIS : Alors que l’année 2021 s’efface, les bonnes nouvelles sont bien rares au Moyen-Orient. Pourtant, en cherchant bien, en voici une qui est plutôt inattendue: la Turquie et l’Arménie ont ouvert il y a quelques jours un processus de dialogue en vue de la normalisation de leur rapport de voisinage. Le fait est d’autant plus surprenant que la Turquie a beaucoup aidé l’Azerbaïdjan dans sa récente guerre éclair contre l’Arménie pour la reprise des territoires qu’il avait perdus en 1993 lors de la première guerre du Haut-Karabakh.

Il semble que l’initiative de cette avancée diplomatique revienne à l’Arménie. Toujours est-ilqu’Ankara et Erevan viennent de s’entendre pour désigner chacun un «envoyé spécial» chargé de travailler à la normalisation de leurs relations mutuelles. On n’en est certes pas à aborder la question cruciale du génocide perpétré en 1915 par l’Empire ottoman contre l’importante minorité arménienne qui y était établie de longue date. Sagement, les deux gouvernements ont écarté ce sujet de leur ordre du jour, tout en sachant qu’une normalisation durable devra bien s’y atteler un jour ou l’autre. Mais pour le moment ce dont il s’agit, c’est de la réouverture des frontières fermées en 1993 à l’initiative de la Turquie par solidarité avec son allié Azéri. Ce serait déjà un très grand progrès que d’envisager la reprise de relations diplomatiques normales entre les deux voisins.

Chacun de leur côté, les deux gouvernements peuvent y voir leur avantage. L’Arménie lapremière y a le plus grand intérêt. Petit pays de trois millions d’habitants, d’une grande pauvreté, elle peine à survivre, coincée entre la Turquie et l’Azerbaïdjan beaucoup plus puissants qu’elle, et qui sont unis par des liens qui datent de l’Empire ottoman. Pour Erevan, la réouverture des frontières ouvre des perspectives positives pour les échanges économiques, y compris avec une voie reliant le territoire turc avec l’Iran. En outre, la normalisation des rapports diplomatiques entre les deux pays peut laisser à l’Arménie l’espoir de faciliter à terme un règlement pacifique honorable du conflit du Haut-Karabakh grâce à l’entremise de la Turquie . 

C’est le point-clé. Il s’agit d’une région montagneuse située à l’intérieur du territoire azéri, mais peuplée traditionnellement d’Arméniens. Pour gérer un problème de cette nature, la confrontation n’a pas d’avenir et ne peut rien promettre d’autre que d’interminables drames. Certes, la réconciliation entre Bakou et Erevan sera très difficile et exigera beaucoup de concessions mutuelles. La Turquie est bien placée pour y contribuer, au moins autant que la Russie. Elle y a intérêt a un moment où, ayant pris la mesure de son isolement international, le Président Erdogan cherche, par une politique d’ouverture, à infléchir sa diplomatie.

Entre la Turquie et l’Arménie, la route de la normalisation sera longue et probablement semée d’embûches, d’autant que des deux côtés il y a des va-t’en guerre qui ne manqueront pas de s’y opposer . Mais il est vrai que les circonstances présentes sont nouvelles: l’Arménie a perdu ses illusions d’annexer purement et simplement le Haut-Karabakh; l’Azerbaïdjan a besoin de trouver une issue pacifique à cette crise pour se consacrer à son développement; et la Turquie semble intéressée à rechercher un chemin de réconciliation entre eux. Mais pour Ankara il y a un préalable: renouer avec l’Arménie.

Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire. 

TWITTER: @HdeCharette

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.