Liban: 2022 l’année de tous les dangers?

Le président libanais Michel Aoun (Photo, AFP/HO/DALATI AND NOHRA).
Le président libanais Michel Aoun (Photo, AFP/HO/DALATI AND NOHRA).
Short Url
Publié le Lundi 27 décembre 2021

Liban: 2022 l’année de tous les dangers?

Liban: 2022 l’année de tous les dangers?
  • Beaucoup craignent que l’année à venir se solde par une crise politique sans précédent
  • Le tandem Aoun – Hezbollah irait même jusqu’à utiliser la rue, et faire couler du sang

Encore quelques jours pour tourner la page de l’année 2021, qui pour beaucoup de Libanais sera considérée comme l’une des pires années depuis la guerre civile, qui se déroula entre 1975 et 1990. Une année catastrophique sur tous les plans, économiques, sociaux et politiques. Du jamais vécu au pays du Cèdre.

Mais l’année qui est sur le point de démarrer s’annonce encore plus difficile à tout niveau : 2022 est aussi une année charnière, qui pourrait s’avérer encore plus critique pour les Libanais. Beaucoup craignent que l’année à venir se solde par une crise politique sans précédent, qui pourrait dégénérer au point de faire couler du sang entre Libanais. C’est un vrai danger qui se profile à l’horizon de mars – avril avec les élections législatives attendues au mois de mai 2022, et qui, si elles sont maintenues, ouvriront la voie à l’élection présidentielle, quelques semaines avant la fin du mandat de l’actuel président de la République Michel Aoun au 30 octobre 2022.

L’année 2022 est qualifiée par des observateurs libanais et étrangers, en particulier des diplomates en poste à Beyrouth, comme étant l’année de tous les dangers car l’histoire de la république libanaise nous apprend que toutes les échéances présidentielles se sont déroulées à l’ombre de conflits internes alimentés par les tensions régionales qui pèsent traditionnellement sur les évènements politiques majeurs au Liban. On se souviendra des élections présidentielles de 1957, 1970, 1976, 1982, 2004, 2008 et 2016, qui ont vu éclater des conflits parfois sanglants.

En 2022 deux échéances majeures sont attendues. Tout d’abord, les élections parlementaires qui risquent de voir un changement dans la balance des forces au sein de la Chambre des députés. Tout porte à croire que le parlement élu en 2018 et qui siégea Place de l’Etoile ( siège du parlement ) mené par une majorité acquise au Hezbollah, le parti pro-iranien, verra en 2022  un rééquilibrage dans sa configuration , où le Hezbollah et ses alliés perdront vraisemblablement leur majorité au profit d’un parlement qui accueillera de nouveaux visages représentant la société civile qui viendront remporter des sièges jusque-là occupés par les partis traditionnels, notamment l’allié principal du Hezbollah, le « Courant Patriotique Libanais » ( CPL) du président Aoun. Ce dernier pourrait perdre la moitié des 25 sièges qu’il occupe actuellement.  

Si les élections devaient avoir lieu aujourd’hui le parti du président Aoun, seul allié de taille du Hezbollah, devrait subir des défaites dans plusieurs circonscriptions, de quoi changer la donne politique au Liban

Ali Hamade

Le parti du président dirigé par son gendre M. Gibran Bassil a vu ces dernières années sa popularité dans les milieux chrétiens fondre. Beaucoup le rendent responsable de la crise politico – économique actuelle, et lui reprochent de mener une guerre tous azimuts pour garantir la succession de M. Aoun par M. Bassil à la Présidence de la République. D’autres partis comme le « Courant du Futur » premier parti sunnite, serait en passe de ne pas participer aux élections en raison des difficultés que rencontrerait son chef Saad Hariri. La majorité des sièges perdus par les deux partis mentionnés ci- dessus serait remportée par des listes formées de candidats indépendants. Le dénominateur commun entre ces candidats serait leur opposition à la mainmise du Hezbollah sur le Liban !

Si les élections devaient avoir lieu aujourd’hui le parti du président Aoun, seul allié de taille du Hezbollah, devrait subir des défaites dans plusieurs circonscriptions, de quoi changer la donne politique au Liban. Le Hezbollah pourrait perdre la majorité qui lui est actuellement acquise. Ce changement aurait de profondes conséquences sur le paysage politique libanais. Le Hezbollah devrait s’attendre à ce que la question incendiaire de ses armes, ainsi que son rôle militaire au Liban et dans la région soit sérieusement contesté et remis en question en tant que sujet de discorde entre les Libanais.

Tout cela fait craindre une réaction violente de la part des deux composantes de l’alliance (CPL – Hezbollah) qui dirigent le pays depuis 2016. Ces deux derniers utiliseraient tous les moyens afin d’ajourner les élections législatives. Ces élections que l’on croit susceptibles de changer la configuration de la Chambre des députés pèseront lourd lors de l’échéance des élections présidentielles, et pourraient ôter au Hezbollah sa capacité à porter à la Présidence de la République un candidat qui lui serait totalement dévoué, comme ce fut le cas de M. Aoun en 2016. Il ne faut pas oublier que les prochaines élections, si elles se déroulaient normalement, enterreraient le rêve du Président Aoun de se succéder à lui-même, en mettant en place son gendre et héritier politique au sommet de l’état libanais.

Le danger de faire capoter les élections parlementaires en 2022 est bel et bien présent. Les moyens pour y arriver ne manquent pas. Le tandem Aoun – Hezbollah irait même jusqu’à utiliser la rue, et faire couler du sang.

 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.

Twitter: @AliNahar

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com