Un mémoire de recherche d’étudiants du MBA de l’Arabian Gulf University vient d’être publié, et s’avère passionnant pour mieux comprendre la région et les aspirations de la jeunesse. La thématique de l’enquête qu’ils ont menée portait sur le rôle de la jeunesse koweïtienne dans les réformes économiques du pays.
Comme tous les pays du Golfe, le Koweït a pour objectif de réduire sa dépendance au pétrole et de promouvoir une économie ouverte. À cette fin, l’Émirat peut compter sur une forte proportion de jeunes dans sa population, qui sont plutôt éduqués et diplômés. Mes étudiants ont mis au point une enquête quantitative en leur posant des questions assez sensibles sur leur vision de l’avenir, et leurs solutions pour réussir l’ambitieux plan de développement du pays.
Au Koweït, 70% de la population est âgée de moins de 35 ans. Aucune réforme ne peut donc faire l’économie d’écouter les aspirations de sa jeunesse. Une importante partie des salariés koweïtiens sont employés dans le secteur public, et l’un des objectifs des réformes lancées par le pouvoir est de permettre aux Koweïtiens de travailler dans le secteur privé ou de créer leur entreprise.
Une ambition qui semble fortement partagée par la jeunesse, dans le sondage réalisé par les étudiants: 53,3% des jeunes interrogés préfèreraient l’entrepreneuriat à un travail assuré dans le secteur public. De même, on note un véritable fossé entre les aspirations des jeunes et celles de la génération précédente en ce qui concerne la volonté d’intégration dans le marché du travail. Ainsi, 82% des jeunes Koweïtiens seraient prêts à accepter des emplois qui n’étaient pas «valorisés culturellement» dans le passé, ce qui démontre une réelle volonté d’ouverture professionnelle.
Toutefois, cet élan est aussi tempéré par une vision de l’avenir qui n’est pas forcément très optimiste. Et pour cause: 61% des personnes interrogées ont une vision négative de la situation économique dans le pays au cours des quinze prochaines années, ce qui révèle un chantier auquel le gouvernement va devoir s’attaquer très sérieusement.
Le plus grand défi du gouvernement koweïtien – qui est celui de la plupart des pays du Golfe – va consister à apporter une réponse adéquate aux aspirations de la jeunesse. Cette réponse passera aussi par une grande pédagogie en matière fiscale
Arnaud Lacheret
De même, pour les jeunes Koweïtiens, les priorités auxquelles le gouvernement doit s’attaquer sont, d’après cette enquête, la lutte contre la corruption (80% des réponses) et la transparence financière (61%). Il s’agit clairement d’une demande forte, dont les réformes en cours au Koweït semblent porter la trace.
L’autre découverte réalisée par les étudiants concerne le degré de connaissance de l’économie par les jeunes Koweïtiens. Il est remarquable de constater que plus de 54% d’entre eux ont une connaissance avancée de l’économie, et sont parfaitement conscients qu’il est nécessaire de posséder une vision financière et économique précise de leur propre futur.
Le plus grand défi du gouvernement koweïtien – qui est celui de la plupart des pays du Golfe – va consister à apporter une réponse adéquate aux aspirations de la jeunesse. Cette réponse passera aussi par une grande pédagogie en matière fiscale. En effet, la mise en place d’éventuelles nouvelles taxes n’est acceptée que de 19% des jeunes. Et lorsqu’on les interroge sur leur scepticisme fiscal, ils répondent essentiellement qu’ils ne sont pas suffisamment informés sur la destination de l’argent collecté.
Ces paramètres semblent avoir été pris en compte par les autorités dans leur plan stratégique intitulé «New Vision 2035» qui favorise l’entrepreneuriat, l’investissement dans le secteur privé et la formation professionnelle. Toutefois, l’un des défis des gouvernements du Golfe sera aussi de rendre plus tangibles et visibles ces réformes. Ils devront effectuer un travail de pédagogie sans précédent pour pouvoir emporter l’adhésion et la confiance des plus jeunes, qui sont la clé de voûte de la réussite de ces plans de transition économique.
Arnaud Lacheret est Docteur en science politique, Associate Professor à l’Arabian Gulf University de Bahreïn où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe. Il est l’auteur de « La femme est l’avenir du Golfe » paru aux éditions Le Bord de l’Eau.
TWITTER: @LacheretArnaud
NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.