Alors que les Frères musulmans jouissaient encore du pouvoir dans leur dernier bastion au Moyen-Orient, le peuple tunisien entrait en lutte contre la détérioration des conditions économiques, politiques et médicales de son pays. Les prix du gaz, du carburant et de l'alimentation ont grimpé en flèche et le taux de chômage a connu une augmentation rapide.
Le peuple tunisien, désespéré, n'a eu d'autre choix que de se soulever contre l'injustice et la corruption, tout comme il s'était révolté contre l'ancien président Zine el-Abidine ben Ali il y a onze ans. Cette fois, sa colère s’élève contre le parti des Frères musulmans, Ennahda, qui a lamentablement échoué dans sa tentative pour construire un État institutionnel.
Leurs cris de révolte n'ont pas été vains, car le président tunisien, Kaïs Saïed, s’est rapidement exécuté, annonçant des mesures strictes afin de mettre fin au chaos structurel et d’empêcher ainsi une éventuelle guerre civile.
Saïed a baissé le rideau sur la dernière scène jouée par ces acteurs répugnants qui ont utilisé leur slogan religieux pour voler tout un pays. Il a invoqué les pouvoirs d'urgence que lui confère la Constitution de son pays afin de limoger le Premier ministre, Hichem Mechichi, à qui il a été reproché de manquer à ses fonctions, de suspendre le Parlement pendant trente jours et de lever l’immunité des députés.
Un couvre-feu national strict mais sage d'un mois a été annoncé pour garantir la sécurité de la population, au cas où le groupe islamiste décidait de reproduire le scénario égyptien de 2013, lorsque feu Mohamed Morsi, le président de l’époque, avait été destitué.
Washington a été pris par surprise par les développements politiques en Tunisie, mais il ne s’est pas précipité pour défendre le groupe islamiste et s'est abstenu de qualifier les événements de «coup d'État». Lundi dernier, Jen Psaki, porte-parole de la Maison Blanche, a déclaré aux journalistes que l’administration américaine n'avait pas déterminé s'il s'agissait d'un coup d'État, ajoutant qu'elle souhaitait que le département d'État procède à une analyse juridique.
Saïed a baissé le rideau sur la dernière scène jouée par ces acteurs répugnants qui ont utilisé leur slogan religieux pour voler tout un pays.
Dalia al-Aqidi
Pas un coup d'État: cette déclaration a provoqué une vive déception du côté des pays qui voyaient dans le parti Ennahda une puissance importante des Frères musulmans dans la région après ses échecs en Algérie, au Maroc, en Égypte, au Soudan, en Jordanie, entre autres.
Il semble que le président américain, Joe Biden, ait tiré les leçons du mandat de l'ancien président Barack Obama lorsqu'il s'était rallié au groupe islamiste en 2013 sous prétexte de démocratie et contre la volonté du peuple égyptien, provoquant une rupture de plusieurs années dans les relations entre les deux pays.
Le secrétaire d'État, Antony Blinken, s'est quant à lui entretenu avec le président Saïed et il a souligné le soutien que l'Amérique apportait au peuple tunisien face au double défi de la crise économique et de la pandémie de coronavirus, rapporte Ned Price, le porte-parole du département d’État, qui ajoute que Washington continuera à surveiller la situation et à rester engagé.
Biden et le Parti démocrate doivent comprendre le danger que représentent les Frères musulmans, qui ont prouvé au cours de leurs brèves expériences dans différentes parties de la région que leur mode de gouvernance est basé sur la marginalisation, la corruption, le radicalisme et le terrorisme – au nom de la démocratie. Il n'y a pas de factions ni de membres modérés au sein de ce groupe radical qui utilise la religion pour tromper les gens et les forcer à suivre leur idéologie.
Les États-Unis ne doivent pas ignorer la volonté et les revendications de ce peuple tunisien qui a manifesté contre la corruption, la pauvreté et la répression politique. Il a fait entendre sa voix lorsqu'il a rejeté les appels du président du Parlement, Rached Ghannouchi, à le rejoindre devant le Parlement à 3 heures du matin afin de défendre le parti Ennahda contre le «coup d'État».
Des défis importants attendent la Tunisie, qui cherche un nouveau gouvernement capable de répondre aux aspirations de son peuple et de sortir le pays des dix années de troubles sous le parti Ennahda. L'administration Biden dispose d’une occasion en or pour prendre enfin une bonne décision dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord en faisant pression sur les principaux acteurs qui soutiennent les Frères musulmans afin qu'ils s'abstiennent de s'ingérer dans les affaires intérieures de la Tunisie et laissent les Tunisiens décider de leur avenir.
Dalia al-Aqidi est chercheur principal du Center for Security Policy. Twitter : @DaliaAlAqidi
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com