L’ambassade du royaume d’Arabie saoudite en France, dans le cadre de sa politique de relations publiques, a lancé un appel d’offres pour l’assister en termes de communication. Les thématiques sur lesquelles l’ambassade insiste sont «politique et géopolitique», «économie», «art et culture», «développement durable et énergies».
Pour les trois premières, il n’y a rien de bien étonnant. La plupart des pays au monde souhaitent communiquer sur ces thèmes. Le développement durable et l’énergie sont pour autant plus surprenants pour qui ne connaît pas vraiment l’Arabie saoudite. Le Royaume a en effet connu son essor économique grâce aux énergies fossiles, le pétrole en particulier et ne paraît donc pas particulièrement en pointe en ce qui concerne les énergies renouvelables.
Or, les courbes ne mentent pas, la part du pétrole dans le produit intérieur brut (PIB), selon les données de la Banque mondiale, est passée en 2000 de 41 % à 24 % en 2019. Les derniers chiffres montrent que cette baisse est confirmée et se poursuit, indépendamment de l’évolution des cours, ce qui reflète une volonté, affichée à de nombreuses reprises, notamment à travers le plan Vision 2030, de réduire la dépendance au pétrole. De même, dans le mix énergétique de l’Arabie saoudite, le gaz est désormais passé largement devant le pétrole. En 2017, plus de 64 % de son électricité était produite à partir de gaz naturel, et 36 % à partir de pétrole.
Pour autant, réduire la dépendance au pétrole ne garantit pas un développement durable et de l’énergie propre. Ainsi, le plan Vision 2030 prévoit des investissements colossaux en matière d’énergies renouvelables et de lutte contre la pollution de l’air.
C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre par exemple le récent contrat avec le Centre national pour la conformité environnementale en vue d’étendre et d’améliorer la mesure de la qualité de l’air dans le pays. C’est d’ailleurs l’entreprise française Envea qui va équiper les stations de mesure de tous les pays en analyseurs de gaz et de particules.
C’est aussi une volonté d’utiliser les atouts du Royaume et tout particulièrement le soleil. Avec en premier lieu le plus grand parc de panneaux solaires au monde, une installation de 2 GW dans la région du Najd. La volonté affichée est même d’aller, d’ici à 2030, vers un objectif de production de 200 GW. À titre de comparaison, un réacteur nucléaire en France a une puissance moyenne de 1 GW, la puissance du parc de production d’électricité en France est de 135 GW.
Le Royaume a également choisi d’investir dans l’éolien.
Au cœur de cette stratégie, il existe des partenaires saoudiens spécialistes du développement durable, comme Acwa Power, qui sont innovants, et parfois en avance technologiquement, notamment en matière de désalinisation de l’eau.
On trouve aussi le plus puissant parc éolien du Golfe, déjà à moitié achevé, notamment grâce à un partenariat avec l’entreprise française EDF renouvelables, qui devrait commencer à produire cette année. Ce champ d’éoliennes est situé à Dumat al-Djandal, à 900 km au nord de Riyad, dans la région d’Al-Jawf. Cet ensemble de 99 éoliennes devrait atteindre les 400 MW soit un peu moins de la moitié de la capacité d’un réacteur nucléaire.
Cette transition énergétique, dont on parle beaucoup en Europe souvent sans se donner les moyens de la réaliser, est en cours en Arabie Saoudite qui profite de ses atouts géographiques. D’après le chercheur de l’Institut français des relations internationales (Ifri) Hugo Le Picard, le Royaume a l’intention d’installer plus de 40 GW de photovoltaïque et 2,7 GW de solaire thermodynamique (Concentrated Solar Power) d’ici à 2030, et près de 20 GW de photovoltaïque d’ici à quatre ans, pour atteindre 27,3 GW d’énergies renouvelables en 2023 – contre 9,5 GW prévus initialement. Il s’agit clairement d’une accélération monumentale de la transition qui, en effet, mérite d’être soulignée, d’autant plus, nous l’avons vu, que des sociétés françaises sont pleinement associées à ces projets.
Il reste à voir de quelle manière les Saoudiens seront en mesure de former une main d’œuvre qualifiée et prête à accompagner ce changement. C’est tout l’enjeu de la formation de «Chief Sustainability Officers» («responsable du développement durable») au sein des grands groupes saoudiens. La plupart de ces groupes se sont dotés de ces cadres dirigeants capables de transformer durablement l’état d’esprit des entreprises et de développer une mentalité davantage orientée vers le développement durable de la part des salariés.
Arnaud Lacheret est Docteur en science politique, Associate Professor à l’Arabian Gulf University de Bahreïn où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe. Il est l’auteur de « La femme est l’avenir du Golfe » paru aux éditions Le Bord de l’Eau.
NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News