Pourquoi la dissuasion israélienne sans plan de paix est vaine

De la fumée et des flammes s’échappent d’un bâtiment lors d’une frappe aérienne israélienne sur la ville de Gaza, le 14 mai 2021 (Reuters)
De la fumée et des flammes s’échappent d’un bâtiment lors d’une frappe aérienne israélienne sur la ville de Gaza, le 14 mai 2021 (Reuters)
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Publié le Samedi 22 mai 2021

Pourquoi la dissuasion israélienne sans plan de paix est vaine

Pourquoi la dissuasion israélienne sans plan de paix est vaine
  • Il devient de plus en plus clair qu’Israël ne dispose d’aucune justification militaire pour continuer à bombarder la bande de Gaza
  • Le pire aspect de cette stratégie de dissuasion réside peut-être dans le fait qu’elle n’accorde aucune importance aux relations à long terme entre Israël et le peuple palestinien

Il devient de plus en plus clair qu’Israël ne dispose d’aucune justification militaire pour continuer à bombarder la bande de Gaza. Il n’essaie ni d’acquérir des terres ni de défendre son territoire internationalement reconnu. Les Israéliens ne cachent pas que la poursuite des attaques contre Gaza vise la dissuasion.

Cette dissuasion stratégique est définie comme «une stratégie destinée à dissuader un adversaire d'entreprendre une action qui n'a pas encore commencé au moyen d'une menace de représailles». Cependant, lorsque de tels actes ne peuvent plus être distingués du châtiment collectif, les auteurs de ces actes sont considérés comme des criminels de guerre. Le procureur général de la Cour pénale internationale a déjà averti Israël qu’il était surveillé de près pour des crimes de guerre.

Le droit international humanitaire, qui s'applique aux situations de conflit, souligne qu'il est inacceptable d'utiliser une force disproportionnée ou excessive. La dernière campagne éclair contre la population de Gaza comportait des attaques interdites contre des femmes et des enfants innocents, ainsi que la destruction délibérée d’immeubles hauts et le bombardement de bureaux des médias. Ce n'est rien de moins qu'une punition collective.

L'armée israélienne répète qu'elle a averti les habitants de certains de ces immeubles hauts de l'intention de les faire sauter, mais donner un préavis pour détruire un immeuble résidentiel ou des bureaux de presse n’enlève rien au fait qu’il s’agit d’une punition collective. Le président et PDG de l'Associated Press (AP), Gary Pruitt, déclare que le réseau mondial, aux États-Unis, est «choqué et horrifié que l'armée israélienne cible et détruise le bâtiment qui abrite le bureau de l'AP ainsi que d'autres organes de presse à Gaza. Ils connaissent depuis longtemps l'emplacement de notre bureau et savent que les journalistes étaient là… Le monde en saura moins sur Gaza à cause de ce qui s'est passé.»

Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a déclaré lundi dernier qu'il n'avait obtenu aucune preuve de la présence du Hamas dans le bâtiment, contredisant directement une affirmation du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.

Dans un écrit sur les crimes de guerre, le professeur de droit Michael Byers signale que «le droit international autorise la légitime défense “anticipée” ou “préventive”, mais seulement lorsque la nécessité est “instantanée, écrasante, ne laissant aucun choix de moyen ni aucun moment de délibération”.» Le concept de dissuasion a échoué à plusieurs reprises à chaque moment, que ce soit au sud du Liban ou dans la bande de Gaza occupée.

Pendant des années, les Israéliens ont adopté une théorie de la dissuasion à l'égard de la bande de Gaza. L'idée est la suivante: si les Gazaouis sont suffisamment opprimés, ils s'abstiendront d'attaquer Israël. Mais ce type de dissuasion stratégique ne fonctionne tout simplement pas. Au contraire, les Gazaouis réagissent aux énormes souffrances infligées par Israël en étant encore plus déterminés à causer de la souffrance à leurs assaillants. De plus, une dissuasion dénuée de toute possibilité de règlement politique offre la garantie que cette folie se prolongera indéfiniment.

Lorsqu’il explique la théorie israélienne, en 2012, le ministre des Affaires stratégiques de l'époque, Moshe «Bogie» Ya’alon, déclare que, «si les organisations terroristes ne cessent pas leur feu, nous serons prêts à durcir notre réponse autant que nécessaire, jusqu'à ce qu'ils disent: “Ça suffit.”» Le ministre de l'Intérieur, Eli Yishaï, proclamait également à l'époque: «Nous devons renvoyer Gaza au Moyen Âge.»

Certains stratèges et théoriciens de la sécurité soutiennent que la dissuasion peut être moralement acceptable si elle n'affecte pas directement la vie et le bien-être d'une population civile. Toutefois, lorsque la dissuasion devient impossible à distinguer de la punition collective, elle est beaucoup plus difficile à justifier et beaucoup moins susceptible d'atteindre le résultat escompté.

Des militants palestiniens affirment qu'ils ont commencé à lancer des attaques à la roquette pour répondre aux appels au soutien des Palestiniens qui étaient attaqués quotidiennement à la mosquée Al-Aqsa et qui, pour faire place aux colons juifs, ont été expulsés de leurs maisons dans le quartier de Cheikh Jarrah de Jérusalem. Le droit international interdit à une puissance occupante de transférer sa population vers les territoires qu'elle occupe.

Cependant, les récentes actions militaires d’Israël ont été scandaleusement disproportionnées: elles ont visé des zones densément peuplées d’où les civils assiégés n’avaient aucun moyen de s’échapper.

La violence d'Israël et des militants de Gaza montre que la dissuasion échoue ou, au mieux, que son efficacité se détériore. Dans le même temps, le coût en vies humaines et l’aggravation de la haine continue de croître.

Ce qui donne à la prétendue dissuasion stratégique d’Israël la dimension la plus irréalisable, c’est qu’elle est employée sans un plan global qui comprenne une composante politique. En refusant de traiter politiquement et sérieusement avec les Palestiniens, y compris avec ceux qui sont au pouvoir à Gaza, Israël cherche une solution militaire à ce qui est essentiellement un conflit politique.

Les récentes actions militaires d’Israël ont été scandaleusement disproportionnées: elles ont visé des zones densément peuplées d’où les civils assiégés n’avaient aucun moyen de s’échapper.

Daoud Kuttab

Le pire aspect de cette stratégie de dissuasion réside peut-être dans le fait qu’elle n’accorde aucune importance aux relations à long terme entre Israël et le peuple palestinien. Après avoir été forcés de quitter leur terre en 1948 et de nouveau en 1967 – poussés à seulement 22% des frontières d'origine de la Palestine établies par les Britanniques –, les Palestiniens ont l'intention de ne pas reculer davantage. Cela signifie que les Israéliens et les Palestiniens devront trouver une formule pour vivre côte à côte à l'avenir.

La communauté internationale, notamment avec l'administration Biden, a appelé à plusieurs reprises à une solution à deux États, ce qui signifie qu'Israël doit mettre fin à son occupation de la Cisjordanie – territoire conquis depuis 1967 –, y compris Jérusalem-Est et Gaza. Mais, jusqu'à présent, ces appels sont restés vains, et les Israéliens ne se sont jamais réellement souciés de mettre fin à l'occupation et de permettre l'existence d'un État palestinien indépendant.

 

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien, plusieurs fois primé, de Jérusalem. Il a été professeur Ferris de journalisme à l'université de Princeton. Twitter: @daoudkuttab

Avertissement: les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.