L'indulgence des médias à l'égard d'Israël malgré l'attaque contre leur tour à Gaza

La tour A-Jalaa, qui abrite les bureaux d'Al Jazeera et de l'Associated Press, s'effondre après avoir été touchée par un missile israélien dans la ville de Gaza. (Reuters)
La tour A-Jalaa, qui abrite les bureaux d'Al Jazeera et de l'Associated Press, s'effondre après avoir été touchée par un missile israélien dans la ville de Gaza. (Reuters)
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Publié le Vendredi 21 mai 2021

L'indulgence des médias à l'égard d'Israël malgré l'attaque contre leur tour à Gaza

L'indulgence des médias à l'égard d'Israël malgré l'attaque contre leur tour à Gaza
  • Les médias américains traditionnels ne parviennent pas à contester Tel-Aviv, quoi qu'il fasse
  • Malgré certaines inquiétudes concernant les meurtres de civils palestiniens à Gaza, en Israël et en Cisjordanie, ne vous attendez pas à ce que les médias américains tiennent Israël pour responsable

Dans toute autre circonstance, les principales associations de presse et de journalisme américaines seraient unies afin de condamner un pays étranger qui cible un édifice de médias lors d’un conflit ou d’un assaut militaire. Mais Israël n'est pas un pays ordinaire. Les médias américains traditionnels ne parviennent pas à contester Tel-Aviv, quoi qu'il fasse.

Samedi, en milieu de journée, des missiles israéliens tirés par des avions de combat fabriqués et financés par les États-Unis ont frappé et détruit un immeuble de 12 étages au milieu d'une zone civile de Gaza. Le bâtiment abritait le personnel et les studios de plusieurs médias, dont l'Associated Press, et de plusieurs groupes de défense des médias qui, au fil des ans, ont critiqué les crimes de guerre d'Israël. La destruction du centre des médias ne devrait pas surprendre étant donné qu’Israël rejette régulièrement les règles du droit international en ce qui concerne ses actions militaires. Israël a répondu aux critiques qui ont suivi en affirmant que la tour abritait également des militants du Hamas et qu'il avait lancé un avertissement préalable à la frappe afin de permettre à ceux qui travaillaient à l'intérieur de quitter les lieux.

Par ailleurs, alors qu'Israël accentuait son assaut sur Gaza et d'autres cibles palestiniennes, le président américain, Joe Biden, a attribué une enveloppe de 735 millions de dollars [1 dollar = 0,82 euro] à l'armée israélienne pour remplacer les armements qu'elle a utilisés dans les assauts qui ont fait plus de 200 morts. Tel-Aviv insiste sur le fait que le total des tués à Gaza comprend 130 militants, ce qui constitue une reconnaissance indirecte du fait qu'il a tué au moins 70 civils.

Israël a eu recours à la tactique d'avertissement préalable dans le passé pour tenter de se présenter comme soucieux de la vie de civils innocents. Les appels téléphoniques passés à Al-Jalaa avant le bombardement démontrent toutefois que non seulement les militaires disposaient des numéros de téléphone des nombreuses entreprises basées dans le bâtiment, et qu’ils savaient aussi probablement que celui-ci était presque exclusivement utilisé par des civils.

Parmi les groupes qui ont protesté contre la frappe, citons le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), qui dénonce depuis des années la façon dont Israël censure les informations afin de manipuler la couverture médiatique internationale du pays. L'Association de la presse étrangère (APE) basée en Israël a également exprimé sa consternation et sa préoccupation face à la destruction du bâtiment Al-Jalaa. Elle a déclaré que cette attaque démontre qu’aucun journaliste n’est à l’abri des attaques militaires israéliennes.

Après plusieurs violentes attaques militaires qui ont détruit des cibles civiles, Israël affirme que les civils ont été utilisés comme «boucliers humains» par les militants du Hamas. Le pays utilise régulièrement cette affirmation afin de répondre aux informations selon lesquelles ses attaques ont entraîné la mort de femmes et d'enfants.

L'administration Biden a immédiatement réagi à cette attaque, affirmant qu'elle soutenait fermement la liberté de la presse. Mais à vrai dire, les protestations de la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, n’étaient que de façade. Elle a déclaré : «Nous avons directement dit aux Israéliens que garantir la sûreté et la sécurité des journalistes et des médias indépendants est une responsabilité primordiale.» L’administration Biden a été beaucoup plus accablante à l’encontre de la Russie pour son implication présumée dans le piratage de l’oléoduc de Colonial Networks ce mois-ci, le qualifiant d’«acte criminel».

 

Les militaires savaient probablement que le bâtiment Al-Jalaa était presque exclusivement utilisé par des civils.

Ray Hanania

Les véritables intentions d’Israël pourraient être plus odieuses encore. Les caméras de l'Associated Press et d'autres médias placés au sommet de la tour ont diffusé en direct le bombardement massif israélien de quartiers civils à Gaza. Ces vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux. Bien que Facebook et Twitter aient beaucoup fait pour censurer les vidéos et les publications trop critiques à l'égard d'Israël, celles qui demeurent sont éloquentes.

Malgré certaines inquiétudes concernant les meurtres de civils palestiniens à Gaza, en Israël et en Cisjordanie, ne vous attendez pas à ce que les médias ou aucune agence officielle aux États-Unis tienne Israël pour responsable. Qui va enquêter? La Cour pénale internationale (CPI)? Bien qu’elle prétende soutenir les droits de l’homme, l’administration Biden a condamné l’intention de la CPI d’enquêter sur les violences passées d’Israël. Pensez-vous vraiment que les États-Unis soutiendraient une nouvelle enquête sur les violentes agressions d’Israël contre Gaza?

Des groupes pro-israéliens et de nombreux politiciens américains défendent l’usage de la violence par Israël, affirmant qu’il a le droit de se défendre. Mais les frappes d’Israël à Gaza ne sont pas une mesure défensive. Elles font partie d'un assaut global contre les droits des Palestiniens, récemment commencé avec des plans visant à éloigner les Palestiniens de leurs maisons dans plusieurs communautés, notamment le quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est. De telles expulsions ne sont pas seulement illégales au regard du droit international – que personne ne veut appliquer – mais aussi immorales, d'autant plus que les chrétiens et musulmans chassés de leurs maisons sont rapidement remplacés par des colons juifs.

Israël a imputé la violence à l'organisation terroriste Hamas, qui opère dans la bande de Gaza. Mais quiconque a un fondement moral et condamne le Hamas en tant qu’organisation terroriste doit également condamner les organisations de colons israéliens et leurs partisans issus du gouvernement, comme étant des terroristes aussi. Cette équation a été malheureusement ignorée par la majorité des médias, qui se rétractent quand il s'agit de critiquer Israël.