Les Arabo-Américains doivent s’investir dans le processus électoral

De nombreux Arabo-Américains pensent que c’est à un parti politique, qu'il soit démocrate ou républicain, qu’ils doivent leur autonomisation; or, ce n'est pas vrai. Elle est liée à leur indépendance et ils ne devraient pas suivre aveuglément un parti ou un autre, mais conserver leur liberté de choix. Ils ont parfaitement le droit de revendiquer leur affiliation à un parti, mais cela ne veut pas dire qu'ils sont dans l’obligation de soutenir toutes ses politiques ou de lui laisser penser que leur vote lui est forcément acquis.

Pour réussir dans la politique américaine, les Arabo-Américains doivent accepter un principe fondamental qui repose sur le consensus et le compromis. Il ne s'agit pas de loyauté partisane, mais de loyauté aux principes, à la primauté du droit, à la justice ainsi qu’aux droits civils et humains.

Au lieu d'être fidèles à un seul parti politique, les Arabo-Américains devraient prendre en compte leurs propres problèmes. Et il est nécessaire qu’ils puissent travailler avec des gens qui ne sont pas toujours d'accord avec eux sur tout.

La politique américaine s’apparente au jeu Monopoly, voire à Risk. Le but est d'étendre son influence stratégique et son contrôle pour avancer. Si la politique est un jeu, les Arabo-Américains doivent apprendre à y jouer. La question n’est pas de savoir comment atteindre nos objectifs, mais de les atteindre.

J’écris cela parce que ni le Parti républicain ni le Parti démocrate ne se sont jamais véritablement penchés sur les préoccupations arabo-américaines. Aucun de ces deux partis n'est fidèle à ses principes fondamentaux, en particulier lorsqu'il s'agit des sujets les plus importants pour les électeurs arabo-américains.

En ce qui concerne les Arabes, ni les républicains ni les démocrates ne se soucient vraiment, par exemple, de l'essence même des droits civils et humains. Ce qui les préoccupe, c'est de savoir de quelle manière leur parti peut tirer profit d’une question; or, le fait de soutenir les droits arabes ne profite généralement à aucun d'eux.

En raison de leur adhésion au système des partis politiques, les Arabo-Américains se sont retrouvés pris dans la polarisation de la politique du pays et ont souvent pris parti contre Donald Trump et en faveur de Joe Biden. Cependant, aucun de ces dirigeants n'a vraiment été déterminant pour la communauté arabo-américaine.

Alors qu'il faisait campagne pour être président, l'année dernière, Biden a publié un «plan de partenariat» avec les Arabo-Américains dans le but de gagner leur soutien. Il a ensuite nommé environ deux douzaines d'Arabes américains à des postes gouvernementaux de rang intermédiaire, mais aucun dans son cabinet. Ces personnes ont été paralysées par les critiques de la communauté pro-israélienne. Aucun d'entre eux n'a été jusqu'à présent en mesure d'atteindre un niveau de leadership important ou de jouer un rôle majeur dans l'élaboration des politiques de l'administration. La plupart ont gelé leurs comptes sur les réseaux sociaux parce qu’ils ont craint que des militants pro-israéliens ne découvrent des commentaires passés controversés qui auraient entraîné leur licenciement.

Biden est-il meilleur pour la communauté arabo-américaine que Trump? Dans le principe, peut-être; mais pas en substance.

Les Arabo-Américains restent exclus du recensement américain, même s’il est dit que nous sommes traités sur un pied d'égalité. La dernière fois que le recensement m'a envoyé un formulaire, j'ai refusé de le remplir parce que je sais que, quelle que soit la force de nos convictions, nous serons toujours marginalisés, ou même exclus.

Au lieu d'être fidèles à un seul parti politique, les Arabo-Américains devraient prendre en compte leurs problèmes.

Ray Hanania

Plusieurs Arabo-Américains se sont présentés cette semaine à des élections, à différents niveaux: villes, comtés, États. Une seule victoire a été significative, au bout du compte: celle d'Abdullah Hammoud, un législateur de l'État du Michigan. C’est la première fois qu’un Arabe devient maire de Dearborn.

Depuis, cette ville représente la base du pouvoir de la politique arabo-américaine En tant que maire de Dearborn, Abdullah Hammoud, qui est démocrate, est en mesure d’exercer une puissante influence sur les appareils politiques dans le Michigan.

Il peut utiliser les pouvoirs de son bureau, qui sont étendus et comprennent l'accès au financement, pour forger un nouveau mouvement politique susceptible de se propager dans tout le Michigan. Il aidera ainsi davantage d'Arabo-Américains à obtenir des postes dans d'autres villes. Ce mouvement peut s'étendre à la Conférence des maires des États-Unis, où Hammoud peut former des coalitions et faire des demandes qui, sans lui, ne seraient pas formulées.

Hammoud peut incarner la voix du changement, qui s’ajouterait à celles d'autres élus de principe, comme la représentante Rashida Tlaib, le seul membre palestinien américain du Congrès, et ses collègues non arabes, qui risquent leur avenir politique en défendant leurs principes et en rappelant l'État de droit au sujet d’Israël et de la Palestine. Parmi les champions non arabes les plus notables de la justice et du principe moral figurent les représentants Betty McCollum, du Minnesota, Marie Newman, de l'Illinois, Cori Bush, du Missouri, et Mark Pocan, du Wisconsin.

En tout, trente et un membres au Congrès ont résisté au lobby israélien pour défendre les droits humains et civils palestiniens; mais il pourrait y en avoir plus. De nombreux membres juifs du Congrès ont plaidé en faveur de la justice à la fois pour les Palestiniens et les Israéliens. Il est nécessaire que les deux groupes trouvent un moyen de fusionner et de travailler ensemble, et non séparément.

Si ces coalitions étaient disposées à soutenir d'autres membres du Congrès sur la base d'intérêts qui se chevauchent tout en ignorant les domaines où elles divergent, leurs voix pourraient être deux fois plus fortes et disposer de cent membres au Congrès.

Il est possible que le maire récemment élu Hammoud soit le catalyseur de cette stratégie, qui n'a jamais été mise en place auparavant par les Arabo-Américains.

Construisez des coalitions basées sur le consensus et le compromis, pas sur la totalité. Ne mettez pas la loyauté partisane au-dessus de la possibilité de faire avancer les objectifs de notre communauté. Si les Arabo-Américains agissaient ainsi, ils pourraient facilement et rapidement transformer ce pays.

Ray Hanania est un ancien journaliste et chroniqueur politique primé à l'hôtel de ville de Chicago. Il peut être contacté sur son site Internet personnel à l'adresse www.Hanania.com.

Twitter : @RayHanania

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.