Il y a des Arabo-Américains très qualifiés qui se présentent cette année à des charges publiques aux États-Unis, peut-être l'une des plus importantes nouvelles générations de candidats que la communauté ait jamais vue. Mais ils continuent de miner leurs chances de succès en croyant que les électeurs dont ils ont besoin pour les élire se soucient avant tout du Moyen-Orient. Cela peut être valable dans la ville de Dearborn, dans le Michigan, où la population arabe est importante, mais cela n’est pas applicable dans le reste du pays.
Cette année est très importante pour les élections, et le fait d’être élu pourrait permettre de se faire entendre et de se donner une chance d'apporter des changements. Mais vous ne pouvez pas effectuer de changements si vous n'êtes pas élu – et vous ne pouvez généralement pas vous faire élire en tant que candidat «arabe». Vous devez plutôt vous présenter en tant que candidat «américain».
Les Arabo-Américains sont une minorité institutionnellement opprimée, ce qui signifie qu'ils sont souvent exclus de certains des atouts fondamentaux dont jouissent les autres Américains. Il ne s'agit pas tant de discrimination active que d'exclusion systématique.
Les Arabo-Américains sont exclus du recensement américain, qui aide les minorités à établir une base électorale. Ils ne reçoivent pas leur part des aides fédérales, étatiques et de comté qui leur sont dues en raison de leur paiement d'impôts, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas renforcer leur identité culturelle, à l’instar d'autres groupes minoritaires. Par ailleurs, ils ne sont presque jamais recrutés pour des postes gouvernementaux, ce qui signifie qu'ils n’ont pas vraiment leur mot à dire dans les décisions concernant les procédures sociétales dans lesquelles ils vivent.
Dans les cas où ils sont victimes de discrimination pour des raisons raciales ou religieuses, la communauté ne dispose pas des réseaux de soutien influents des autres groupes minoritaires. Les principaux médias d'informations les traitent comme un sujet intéressant et leur sont souvent favorables, mais pas en tant que cause qui exige de l'attention.
Est-ce notre faute ou est-ce la faute de la société américaine? Je crois que c’est la nôtre. Nous avons tendance à faire passer nos préoccupations avant celles des autres électeurs que nous essayons de représenter.
Trop d'Arabo-Américains pensent que le Moyen-Orient est la question la plus importante, du fait qu’elle l’est effectivement pour eux. Mais ce n'est pas le problème le plus important pour les autres Américains. La souffrance de notre peuple nous remplit d’émotion, et nos émotions nous empêchent de puiser dans notre bon sens. Nous avons peur que si nous ne défendons pas les droits des Palestiniens, les autres membres de notre communauté nous le reprochent.
Dans les élections qui ont lieu à travers le pays, les candidats arabo-américains ont fait de leur soutien à la Palestine le fondement de leur campagne. C'est une erreur qui leur coûtera des voix et qui coûtera à leurs donateurs un financement de campagne substantiel qui aurait pu contribuer à résoudre d'autres problèmes. Mais lorsque vous essayez de les convaincre de retirer la Palestine, la Syrie ou le Liban de leur discours de campagne, ils s’en trouvent offensés.
«Ce qui se passe en Palestine est un crime», m'ont dit de nombreux candidats au cours de mes quarante-cinq années de couverture de la politique et des élections américaines. Et ils ont raison. C’est un crime. Pour nous, mais pas pour le reste de l'Amérique. Tant que nous n'aurons pas su comment communiquer avec l'électeur américain moyen sur les questions qui lui tiennent à cœur, nous ne pourrons pas défendre les questions qui nous tiennent le plus à cœur.
La vérité est que si un Arabo-Américain veut aider le peuple de Palestine, du Liban, du Yémen ou de Syrie, la première chose qu'il doit faire est de cesser d'être un candidat arabe. Ils doit se présenter en tant que candidat américain. Et cela est très difficile à faire.
En Amérique, la perception d’une chose en est la réalité. Cela signifie que les problèmes ne portent pas vraiment sur les faits, mais plutôt sur ce que le public croit. Les candidats arabo-américains doivent savoir en quoi les électeurs américains croient, et ce qu'ils veulent. Ensuite, ils doivent «devenir eux-mêmes». Mon message serait le suivant: arrêtez de parler de vous. Parlez d'eux, les électeurs. Faites-en la priorité, et non pas la Palestine, le Liban, le Yémen ou la Syrie.
Les Américains s'inquiètent de la hausse des taux de criminalité – la récente vague de fusillades dans les écoles et les cas dramatiques de violence armée les ont mis à bout de nerfs. Ils s'inquiètent pour l'économie et pour le fait que les prix de la nourriture et de l'essence augmentent, alors que leurs revenus sont relativement stagnants. Ils veulent que leurs enfants puissent aller à l'université sans s'endetter lourdement et qu'ils puissent trouver un emploi lorsqu'ils obtiendront leur diplôme.
«Dans les élections qui ont lieu aux États-Unis, les Arabo-Américains ont fait de leur soutien à la Palestine le fondement de leur campagne.»
Ray Hanania
Les personnes âgées, qui votent plus volontiers que tout autre électorat, ne veulent pas entendre parler des problèmes des Arabo-Américains. Ils en ont suffisamment eux-mêmes. La plupart d’entre eux vivent avec des revenus fixes et stagnants et ont comme préoccupations majeures les soins de santé et les services de soins à domicile.
Lorsqu'un candidat arabo-américain place la Palestine en tête de sa liste de priorités, tout ce qu'il fait, c'est s'assurer qu'il ne sera jamais élu. Les questions de la Palestine et du Moyen-Orient devraient être mises de côté, au moins jusqu'à ce qu'ils soient élus. Ensuite, la Palestine peut être insufflée dans leur activités militantes en tant qu'élus. C’est alors seulement qu’ils pourraient peut-être changer véritablement les choses, tant pour leurs électeurs nationaux que pour les gens de «chez eux».
- Ray Hanania est un éditorialiste et ancien journaliste politique primé auprès de l’hôtel de ville de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter: @RayHanania
NDRL: L’opinion exprimée dans cette rubrique est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com