Les Arabes de Jérusalem sont victimes d’une haine approuvée par l’État

Des manifestants agitent des drapeaux israéliens et le drapeau du parti d’extrême droite, Lehava, près de la mosquée Shurbaji à Jérusalem, le 29 mai 2022. (AFP).
Des manifestants agitent des drapeaux israéliens et le drapeau du parti d’extrême droite, Lehava, près de la mosquée Shurbaji à Jérusalem, le 29 mai 2022. (AFP).
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Publié le Vendredi 03 juin 2022

Les Arabes de Jérusalem sont victimes d’une haine approuvée par l’État

Les Arabes de Jérusalem sont victimes d’une haine approuvée par l’État
  • Israël exerce un contrôle de plus en plus grand sur Al-Haram al-Sharif, une voie qui conduira à la confrontation non seulement avec les Palestiniens, mais aussi avec l’ensemble du monde islamique
  • Aucun pays n’a réussi à dissoudre le groupe juif israélien extrémiste, Lehava, qui orchestre une grande partie des chants racistes et dont les drapeaux étaient exhibés pendant la marche

Dimanche, des extrémistes israéliens ont défilé dans Jérusalem en scandant des slogans ignobles comme «Mort aux Arabes», «Un bon Arabe est un Arabe mort», «Bientôt, la deuxième Nakba», «Vous finirez dans des camps de réfugiés» et «Puisse votre village brûler». Telle fut la représentation la plus flagrante de racisme institutionnalisé dans l’Histoire de la ville.

Bien sûr, si les manifestants avaient crié «Mort aux juifs» ou «Mort aux Noirs», nous aurions pu en voir davantage dans les médias. Les grands politiciens auraient condamné ces actes. Mais les Arabes ne semblent avoir aucune importance.

La marche des drapeaux, qui commémore le Jour de Jérusalem, célèbre l’occupation israélienne de la partie orientale de la ville en 1967. Pour les manifestants, il s’agit de l’unification de Jérusalem – un mythe compte tenu de ses divisions cruelles. Le niveau de brutalité que les forces israéliennes ont infligé aux Palestiniens démontre que c’est le seul moyen pour elles de conserver la ville.

Étant donné que le défilé de 2021 a déclenché la guerre de onze jours contre Gaza, on peut s’interroger sur le fait qu’un gouvernement de coalition israélien autorise une répétition des événements, soit permettre à des milliers de juifs ultranationalistes de défiler dans Jérusalem-Est, y compris dans le quartier musulman de la vieille ville – un acte délibérément provocateur. La police israélienne ne se contente pas de rester les bras croisés. Une vidéo qui circule montre des policiers arrêtant et tabassant une Palestinienne à la porte de Damas.

Avant même le début de la marche, les tensions étaient palpables. Un charmant raciste applaudissait à la porte de Damas tout en criant: «Ce n’est pas Shireen. Shireen est morte», en faisant allusion à la journaliste arabe d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, qui a été assassinée. Nul besoin de rappeler aux Palestiniens que la «voix de la Palestine» ne couvrirait pas la marche cette année, comme elle l’avait fait tant de fois dans le passé.

Des extrémistes israéliens ont jeté des bouteilles sur des brancards transportant des blessés palestiniens, tout en criant «Mort aux Arabes». Un autre sympathique Israélien a aspergé de poivre une Palestinienne âgée. Comme toujours, il y a eu les habituels crachats sur les Palestiniens et les coups contre leurs devantures fermées. Les journalistes internationaux sont qualifiés de «terroristes». Les manifestants israéliens assouvissent également leur appétit de violence en attaquant des Palestiniens dans des zones voisines comme Cheikh Jarrah. Pour les extrémistes qui n’ont pu se rendre à Jérusalem, des marches similaires, où l’on scandait «Mort aux Arabes», ont eu lieu dans d’autres endroits comme Lydda, où ils ont appelé à l’élimination des Palestiniens devant une école, sous les yeux de la police.

Ce défilé a mis en lumière la suprématie juive israélienne. Les Palestiniens ont été contraints de quitter le quartier de la porte de Damas. La police israélienne a contrôlé les Palestiniens et n’a autorisé l’entrée qu’aux résidents de la vieille ville. Bien sûr, n’importe quel juif israélien peut se rendre où bon lui semble. Ils sont protégés, tandis que les Palestiniens sont punis. La police israélienne a battu des Palestiniens, et c’est la même unité qui a frappé des personnes en deuil lors des funérailles de Shireen Abu Akleh il y a deux semaines à peine.

Plus tôt dans la journée, l’accent a été mis sur Al-Haram al-Sharif (Esplanade des mosquées), où les autorités israéliennes violent le statu quo à volonté. C'est ce qui s'est produit une fois de plus lorsque l’entrée a été refusée aux musulmans palestiniens tandis que deux mille six cents juifs, dont le membre kahaniste de la Knesset, Itamar Ben-Gvir, ont pénétré dans l’enceinte et se sont mis à prier, tout en se filmant. La Cour suprême a confirmé que c’était illégal, mais malgré la présence de milliers de policiers dans la vieille ville, aucun de ceux qui priaient n’a été arrêté. La police leur a même facilité l’accès. Les Palestiniens ont protesté et, une fois de plus, les forces israéliennes ont tiré des balles en caoutchouc, profanant ce site sacré.

Les Palestiniens craignent que des groupes israéliens réussissent à s’emparer véritablement de la mosquée Al-Aqsa. Ils ont vu cela se produire avec la mosquée Ibrahimi à Hébron. Israël exerce un contrôle de plus en plus grand sur Al-Haram al-Sharif, une voie qui conduira à la confrontation non seulement avec les Palestiniens, mais aussi avec l’ensemble du monde islamique.

Ces racistes hurlant ainsi des chants de mort ont peut-être défilé et dansé à Jérusalem, mais nombre d’entre eux brandiront des armes plus tard. Un grand nombre sont des colons israéliens vivant en territoire occupé. Ils sont autorisés à porter des armes, et de fait, à tirer sur des Palestiniens et même à les tuer. Une illustration du climat d’impunité qui règne. D’autres prendront les armes au besoin.

Personne ne sait à quoi cela mènera en 2022. L’année dernière, le Hamas a répondu à la marche des drapeaux et aux violations d’Al-Aqsa par six attaques à la roquette contre Israël. Israël a alors riposté par un bombardement massif de Gaza.

Tout État responsable arrêterait ces racistes et veillerait à ce qu’ils ne soient plus jamais autorisés à porter des armes. Israël n’en fait pas partie. Il s’agit d’une marche approuvée par l'État et protégée par celui-ci. Le commandant de la police israélienne pour le district de Jérusalem s’est contenté de rester là, tranquillement, pendant que les extrémistes scandaient «Mort aux Arabes».

Le fait d’agiter les drapeaux fait partie intégrante du conflit. Alors que les ultranationalistes israéliens sont encouragés à défiler et à agiter des drapeaux israéliens dans les territoires palestiniens occupés, la police israélienne arrache les drapeaux palestiniens, non seulement à Jérusalem-Est, mais également partout en Cisjordanie. Le drapeau palestinien n’est pas illégal en Israël, mais le devient de facto. Ailleurs à Jérusalem-Est, des Palestiniens brandissant le drapeau palestinien sont arrêtés. C'est le système d’apartheid en action.

«Le racisme antiarabe et antipalestinien est si normalisé et accepté que les politiciens occidentaux ne s’en étonnent même pas.» - Chris Doyle

Il est incroyable de constater à quel point un morceau de tissu coloré peut être puissant. Les drapeaux peuvent susciter des émotions et renforcer des tendances nationalistes et tribales dangereuses. Les drapeaux sont agités; les drapeaux sont brûlés. Mais toutes ces tensions auraient pu être évitées. Les responsables politiques israéliens auraient pu interdire ce défilé dans le quartier musulman. Ils auraient également pu s’en tenir aux dispositions du statu quo à Al-Haram al-Sharif. Qu’ils ne s’y soient pas tenus démontre une imprudence qui conduira à de nouvelles effusions de sang et à une haine accrue.

La communauté internationale ne dit rien. Les chants génocidaires antiarabes ne suscitent ni inquiétude ni indignation. Le racisme antiarabe et antipalestinien est si normalisé et accepté que les politiciens occidentaux ne s’en étonnent même pas. Aucun pays n’a réussi à dissoudre le groupe juif israélien extrémiste Lehava, qui orchestre une grande partie des chants racistes et dont les drapeaux étaient exhibés pendant la marche. Cette situation, et bien plus encore, rend la communauté internationale complice de ce qui se passe.

Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, situé à Londres.

TWITTER: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com