Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les relations entre les puissances européennes et les États-Unis ont rarement été aussi incertaines. Le 47e président a injecté cette crainte dans de nombreuses relations à travers le monde. En effet, Donald Trump a ébranlé certains des piliers du système international. Cela se produit à un moment où de nombreuses puissances européennes clés, dont la France et l'Allemagne, sont confrontées à leurs propres défis internes.
La relation entre les États-Unis et l'Europe occidentale est au cœur de la principale alliance économique et de sécurité de ce système. Ils constituent le fondement de l'alliance militaire la plus puissante du monde, l'Otan. Les États-Unis et les puissances européennes se sont associés dans de nombreuses interventions militaires, comme contre Daech ou au Koweït en 1991. Depuis 2022, ils ont agi de concert pour soutenir l'Ukraine.
Rien de tout cela n'est acquis aujourd'hui. Pour Donald Trump, l'Europe a vécu aux crochets des États-Unis et est devenue trop dépendante de la couverture militaire américaine sans être prête à payer pour cela. Il n'est pas le seul président américain à faire ce constat, mais il est prêt à agir.
C'est l'une des questions les moins complexes à résoudre pour les puissances européennes. Elles savent au moins ce qu'elles doivent faire: augmenter les dépenses de défense jusqu'à 5% de leur revenu national. Certains pays, comme la Pologne et l'Estonie, vont de l'avant, motivés par la crainte d'une agression russe à la suite de l'invasion de l'Ukraine. Ce sera douloureux sur le plan économique, mais la voie est tracée.
Mais même si les puissances européennes investissent davantage, Trump les soutiendra-t-il? Que se passera-t-il si un membre de l'Otan est attaqué et déclenche l'article 5, qui oblige ses alliés à lui venir en aide? Trump n'a pas confirmé que les États-Unis honoreraient cette obligation.
Entre-temps, le Groenland pourrait faire sombrer cette relation titanesque. Trump souhaite que le Groenland fasse partie des États-Unis. Il a déclaré aux journalistes à bord de l'Air Force One: «Je pense que nous allons l'avoir.» Pourtant, la plus grande île du monde est un territoire danois souverain. Le Danemark est censé être un allié des États-Unis. Le Groenland est stratégiquement important, il se trouve à mi-chemin de l'Atlantique et possède d'importantes richesses minérales. Le Danemark insiste sur le droit des Groenlandais à décider de leur avenir.
Il ne s'agit pas d'une querelle territoriale mineure. Le Danemark est un membre fondateur de l'Otan et un membre de l'UE. Trump n'a pas exclu de recourir à la force ou à la coercition économique. Il pourrait contraindre de nombreuses puissances européennes à faire un choix. Le ministère français des Affaires étrangères a reconnu que l'envoi de troupes européennes au Groenland avait été discuté, mais le Danemark ne souhaite pas poursuivre cette option pour l'instant.
Copenhague devra travailler dur avec ses alliés européens pour garantir une position unifiée et solide afin de limiter les ambitions américaines. Un compromis est peut-être possible.
Beaucoup pensent qu'il pourrait s'agir d'une autre manœuvre d'ouverture de Trump. Fait-il pression pour obtenir un meilleur accès au Groenland pour les bases militaires et les droits miniers? C'est fort possible, mais si c'est le cas, que fera-t-il sur d'autres questions?
Les guerres commerciales ont déjà commencé. Trump a imposé des droits de douane sur les produits canadiens et mexicains, et les deux pays ont promis de rendre la pareille. L'Union européenne figure sur la liste des cibles du président, notamment parce qu'elle exporte beaucoup plus vers les États-Unis qu'elle n'importe. Le président estime que les droits de douane dynamiseront l'économie américaine, mais ses détracteurs affirment qu'ils ne feront que relancer l'inflation. L'Union européenne ne souhaite pas une guerre tarifaire, mais il semble qu'elle n'ait pas vraiment le choix.
Une diplomatie créative pourrait s'avérer nécessaire pour limiter les retombées. Trump voudra tenir ses promesses protectionnistes, mais pourra-t-il être persuadé de minimiser les droits de douane?
En ce qui concerne les questions géopolitiques plus générales, les puissances européennes s'inquiètent de la manière dont les États-Unis traiteront la Russie et l'Ukraine. Trump veut mettre fin à la guerre, ce que son prédécesseur n'avait guère fait. Pourtant, l'Ukraine et de nombreux États baltes et d'Europe de l'Est craignent que la paix ne se fasse à leurs dépens et ne nuise à leur sécurité.
L'UE figure sur la liste des cibles du président, notamment parce qu'elle exporte beaucoup plus vers les États-Unis qu'elle n'importe.
Chris Doyle
Au Moyen-Orient, Donald Trump a déjà fait bouger les choses. Sa position ferme à l'égard d'Israël a permis de faire passer l'accord de cessez-le-feu, mais veillera-t-il à ce que les phases deux et trois soient mises en œuvre? Lui seul peut s'assurer qu'Israël respecte ses engagements.
Pour l'Europe, il n'est pas suffisant que ce conflit et d'autres se calment. Il faudrait qu'ils soient résolus. L'instabilité à ses frontières est loin d'être dans son intérêt, car elle est un moteur de l'immigration et de l'extrémisme.
L'Iran a été un autre sujet de discorde avec l'Europe au cours du premier mandat de Trump. La stratégie du président sera déterminante. L'UE ne sera pas mécontente si Trump fait ce qu'il a laissé entendre et s'engage avec l'Iran pour un accord. Les puissances européennes devraient l'encourager dans cette voie, tout en essayant de l'aider en faisant des suggestions constructives sur les contours de ce qui pourrait être possible.
Tout cela montre pourquoi l'Europe a besoin d'une stratégie Trump. Le président américain prend toutes les initiatives et fixe l'ordre du jour à sa guise. C'est sa prérogative. Mais si les intérêts européens fondamentaux doivent être protégés, le continent va devoir se serrer les coudes et trouver des moyens d'engager la Maison Blanche collectivement. Agir unilatéralement n'aura probablement pas beaucoup d'impact.
Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding à Londres.
X: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com