Le sort des Kurdes est en constante évolution dans tous les pays qui comptent une importante minorité kurde.
Les efforts des États-Unis pour consolider l’identité kurde en Syrie se poursuivent sans relâche. À première vue, cela peut sembler incompatible avec la politique américaine qui consiste à déplacer son attention du Moyen-Orient vers le Pacifique, mais ce n’est pas le cas. La politique américaine à l’égard des Kurdes fait partie intégrante de la sécurité d’Israël et devrait le rester pendant longtemps.
Tout le tissu de la Syrie est en train de se modifier profondément. Le gouvernement syrien négocie avec les Kurdes les conditions de leur intégration dans les futures structures étatiques, tandis que les États-Unis veulent les utiliser comme monnaie d’échange pour faire pression sur le régime d’Assad.
Compte tenu du soutien reçu par les Kurdes de la part de la Russie et des États-Unis, ils tenteront probablement de s’approprier le plus grand nombre possible de compétences durant ce processus. Mais le jeu est loin d’être terminé et la lumière au bout du tunnel, n’est pas en vue. Trop de facteurs interagissent en Syrie pour déterminer le résultat final.
Le président américain Donald Trump, lassé de l’engagement militaire américain inutile dans diverses parties du monde, pourrait souhaiter trouver un arrangement avec la Russie — et la Syrie pourrait servir de pays-test pour cet arrangement. En raison l’instabilité de la situation en Syrie, il est trop tôt pour dire si cette coopération se concrétisera. Cette stratégie, si elle aboutissait, présenterait l’avantage pour la Turquie d’une collaboration avec les 2 superpuissances, mais aussi le risque que les politiques des deux superpuissances contredisent celle d’Ankara.
En Iran, à la promotion de la cause kurde s’ajoute la provocation de la dissidence dans le but de déstabiliser le pays. L’impact sur la sécurité d’Israël est une cible un peu plus éloignée.
En Irak, la cause kurde a abouti à une demande d’indépendance en 2017, mais cela s’est retourné contre elle pour plusieurs raisons liées aux circonstances qui prévalaient à l’époque. Les États-Unis se sont opposés à cette proclamation pour des raisons d’opportunisme politique, mais le processus ne peut être considéré comme achevé. Il est conservé au frais pour le moment.
Le traitement par les États-Unis du dossier kurde en Turquie diffère de celui des autres pays dans lesquels il existe des minorités kurdes. Ces derniers considèrent le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) comme une organisation terroriste, tout comme l’Union européenne (UE) et d’autres pays membres de l’Organisation du traité de l’atlantique nord (Otan). Les autorités américaines ont même été les principaux acteurs dans la capture du leader du PKK Abdullah Ocalan à l’ambassade de Grèce du Kenya et dans l’obtention de son extradition vers la Turquie. Mais les autorités américaines continuent de nier que le parti politique kurde le plus puissant en Syrie, le Parti de l’union démocratique (PYD), est la branche syrienne du PKK.
Sur le lien entre la cause kurde et la sécurité d’Israël, des vidéos circulent parfois en Turquie, affirmant que même la création du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir en Turquie, y est liée. Ces images montreraient qu’en 1998 un groupe d’Américains est venu en Turquie pour rencontrer des intellectuels et des hommes politiques, et aurait négocié avec eux pour les aider à prendre le pouvoir, leur fournir des financements et neutraliser les obstacles qui se dressaient sur leur chemin. En échange de cela, les Américains auraient demandé un soutien pour la sécurité d’Israël.
Le journaliste Abdurrahman Dilipak a affirmé avoir travaillé sur ces propositions et rencontré des personnes influentes à Ankara afin de les persuader de traduire ces idées en actions. C’est ainsi que l’AKP a été créé. Au début, les vidéos ressemblaient à une théorie du complot, mais Ali Bulac, un des journalistes qui aurait assisté aux négociations, a publié en 2014 un article dans le quotidien turc Zaman admettant sa présence.
Indépendamment de ce contexte, les nouvelles sont encourageantes sur la question kurde en Turquie. Il y a deux mois, Ocalan a été autorisé à parler à son frère pour la première fois en vingt et un ans et lui a indiqué que le PKK ne devrait pas se battre avec les dirigeants kurdes irakiens. Entre temps, le leader des Kurdes syriens, Mazloum Kobani Abdi, a annoncé la semaine dernière avoir achevé le premier cycle de leurs négociations avec le Kurde irakien Masoud Barzani.
Ces messages manquent de clarté, mais nous sommes peut-être à l’aube de nouveaux développements sur la question kurde au Moyen-Orient. Concernant la Turquie, il pourrait s’agir d’un élément de la stratégie d’Erdogan pour gagner plus de votes kurdes pour son parti.
Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti AKP au pouvoir.
Twitter: @yakis_yasar
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com