Le Kosovo toujours au purgatoire à mesure que les tensions se font plus vives

Des soldats de maintien de la paix de l'OTAN patrouillent près de la ville de Zvecan au Kosovo (Photo, AFP).
Des soldats de maintien de la paix de l'OTAN patrouillent près de la ville de Zvecan au Kosovo (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 23 octobre 2023

Le Kosovo toujours au purgatoire à mesure que les tensions se font plus vives

Le Kosovo toujours au purgatoire à mesure que les tensions se font plus vives
  • Il y a toujours eu des affrontements entre Serbes et Kosovars – le dernier d’envergure date de 2020
  • Les affrontements ont repris le mois dernier, notamment dans la région de Mitrovica, faisant quatre morts, dont un policier kosovar et trois hommes armés serbes

Les petits problèmes sont parfois plus difficiles à résoudre que les grands. La reconnaissance officielle du Kosovo en fait partie, puisque la Russie la rejette – ou plutôt, elle s’oppose au statut controversé de la région de Mitrovica – au Conseil de sécurité de l’ONU.

Lorsque le défunt président Josip Broz Tito dirigeait la Yougoslavie, après la Seconde Guerre mondiale, il se souciait peu de Mitrovica, cette ville située au nord de la région autonome du Kosovo. Qu’elle appartienne à la Serbie ou au Kosovo lui importait peu. Mais c’est aujourd’hui l’une des plaies sanglantes au cœur des Balkans. Belgrade, après des décennies d’indifférence, a pris conscience du fait que Mitrovica se trouve en territoire kosovar.

Environ 90% de la population du Kosovo est albanaise. Mais les chrétiens – catholiques et orthodoxes – s’opposent à l’adhésion du Kosovo à l’Albanie, car cela ferait pencher encore plus la balance en faveur de la population musulmane.

Cet article se concentrera sur les problèmes entre la Serbie et le Kosovo.

Le Kosovo compte environ deux millions d’habitants. Il a proclamé unilatéralement son indépendance de la Serbie en 2008. L’Assemblée générale des nations unies a approuvé son indépendance et plus de cent pays reconnaissent désormais officiellement le Kosovo. La question de sa reconnaissance n’a pas été posée au Conseil de sécurité de l’ONU parce que la Russie s’y serait opposée.

La majorité des Albanais sont des musulmans sunnites. Parce que l’ancien dirigeant du pays Enver Hoxha a gouverné l’Albanie avec des mesures extrêmement oppressives, de nombreux Albanais ont déserté leur patrie et se sont dispersés presque partout dans le monde, notamment en Italie, en Argentine, en Grèce, en Roumanie, en Croatie, en Turquie, en Scandinavie, en Suisse, en Allemagne et aux États-Unis. Les Albanais se sont également installés en Australie, au Brésil, au Canada, en France, en Belgique, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande ainsi qu’aux Émirats arabes unis.

Bien que le Kosovo ne fasse pas partie de la Serbie, les Serbes le considèrent comme un territoire historique, car, il y a plus de six siècles, en 1389, un chevalier serbe blessé tua le sultan ottoman Mourad Ier alors qu’il examinait les conséquences d’une bataille. Cette bataille du Kosovo marqua le début de l’implantation des Ottomans dans les Balkans. Le courage du chevalier serbe est devenu un symbole de bravoure pour les Serbes au fil des siècles. Même si le Kosovo n’a jamais fait partie de la Serbie, le fait que la guerre turco-serbe s’y soit déroulée en fait une ville sacrée aux yeux des Serbes.

Plusieurs siècles plus tard, le Kosovo est redevenu un sujet de discorde, cette fois entre Serbes et Kosovars. Un conflit militaire éclate en 1998 entre le Kosovo et la Serbie et il dure près d’un an et demi. Les combats ont opposé la Yougoslavie, aujourd’hui disparue, et un groupe rebelle albanais appelé «Armée de libération du Kosovo». Les forces de l’Otan sont intervenues en faveur des Kosovars en procédant à des frappes aériennes et les forces yougoslaves ont dû se retirer du Kosovo. Un accord militaro-technique a été signé le 9 juin 1999 à Kumanovo, en Macédoine, entre la Force pour le Kosovo de l’Otan et la Serbie. Cette force est entrée au Kosovo le 11 juin, le lendemain de l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 1244, qui confirme que la Serbie devait évacuer le Kosovo.

«La question de la reconnaissance du Kosovo n’a pas été posée au Conseil de sécurité de l’ONU parce que la Russie s’y serait opposée.»
Yasar Yakis

Il y a toujours eu des affrontements entre Serbes et Kosovars – le dernier d’envergure date de 2020. Les affrontements ont repris le mois dernier, notamment dans la région de Mitrovica, faisant quatre morts, dont un policier kosovar et trois hommes armés serbes.

Environ 50 000 Serbes qui vivent dans le nord du Kosovo rejettent leur citoyenneté kosovare et continuent de reconnaître Belgrade comme leur capitale.

Au lendemain des affrontements, Belgrade et Pristina se sont mutuellement accusés d’avoir déclenché le conflit. 4 500 soldats de l’Otan sont toujours stationnés au Kosovo dans le cadre d’une mission de maintien de la paix, mais, sans mandat spécifique de l’alliance, ils pourraient rester aussi éloignés que possible de cet affrontement imminent. Le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby, a déclaré que la Serbie rassemblait un nombre «sans précédent» de forces le long de la frontière.

Rien ne laisse présager une stabilisation prochaine de la situation. Les responsables du Kosovo affirment que ceux qui ont été arrêtés à Mitrovica y ont été envoyés par les autorités serbes. Ils prétendent également que des terroristes sont envoyés de Russie, mais cette affirmation ne semble pas convaincante, car Moscou peut difficilement se passer de combattants au Kosovo. «Le Kosovo appartient à la Serbie et la Crimée à la Russie», disait un graffiti écrit sur le mur d’une maison du nord de Mitrovica.

Lors des affrontements du mois dernier, une trentaine d’hommes masqués ont ouvert le feu sur une patrouille de la police kosovare qui a répondu par le feu; les Serbes se sont barricadés dans un monastère serbe.

Quoi que prétendent les deux parties, la tension reste vive. La confiance mutuelle est faible et les positions des deux parties ne semblent pas pouvoir être rapprochées.

L’Union européenne et les États-Unis tentent de parvenir à un accord pour normaliser les relations entre la Serbie et le Kosovo. La Russie accuse l’Occident de ne pas avoir protégé les Serbes du Kosovo. Elle pourrait également tenter de détourner l’attention de la communauté internationale de la guerre en Ukraine vers les Balkans.

Les Serbes et les Kosovars ont vécu côte à côte pendant des siècles. Ces relations harmonieuses se sont malheureusement détériorées après le démembrement de la Yougoslavie.

Il reste à espérer que, avec l’aide d’acteurs internationaux impartiaux, le calme pourra régner dans cette belle partie du monde.
Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti AK, au pouvoir.
X: @yakis_yasar
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.



Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com