Les dirigeants iraniens ont estimé avoir remporté une victoire politique majeure contre les États-Unis, leurs alliés et les puissances régionales, lorsque le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté la semaine dernière contre une proposition visant à prolonger l’embargo sur les armes imposé à Téhéran, qui remonte à treize ans et doit prendre fin en octobre.
Cela signifie que, non seulement le régime iranien sera bientôt autorisé à acheter des armes et à faire progresser son industrie de l'armement, mais il sera également en mesure de vendre et d’exporter librement des armes. Cela aura sans aucun doute de graves répercussions sur la sécurité et la stabilité régionales, et pourrait éventuellement déclencher une course aux armements au Moyen-Orient.
Les politiciens et les médias iraniens ont célébré ce dénouement, le journal iranien Etemad soulignant notamment que : ‘’Les États-Unis sont vaincus chez eux: les tentatives à New York pour convaincre les États membres du CSNU ont échoué.’’ Les dirigeants iraniens semblaient savoir à l'avance que les États-Unis ne recueilleraient pas le soutien suffisant, comme l'a souligné avant le vote le Ministre des Affaires Etrangères Mohammed Javad Zarif : ‘’Même pas cinq États membres (Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne) ne voteraient pour la résolution proposée par les États-Unis.’’
La Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, qui se sont abstenues lors du vote, et la Russie et la Chine, qui ont opposé leur veto à la résolution, ont défendu leur décision soit en faisant valoir que la levée de l'interdiction des armements faisait partie du Joint Comprehensive Plan of Action - JCPOA (Plan d'Action Global Commun - PAGC), soit en avançant qu’une telle prise de position était importante pour préserver l'accord nucléaire.
Cependant, l'Iran viole toutes les restrictions de l'accord nucléaire, selon l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA). Les mollahs au pouvoir ont fait passer leur stock d'uranium faiblement enrichi de 1,1 tonne en février 2019 à 1,73 tonne au 20 mai de cette année. C'est environ huit fois plus que ce que le régime était autorisé à maintenir sous le désastreux PAGC. En outre, le régime iranien n'autorise toujours pas l'AIEA à inspecter ses sites - un problème à long terme, qui représente actuellement une ‘’grave préoccupation’’ pour les inspecteurs internationaux.
La Chine et la Russie ont vraisemblablement voté contre l'extension de l'embargo, du fait qu’elles sont intéressées par la vente d’armes à l'Iran. Cela renforcerait leur coopération militaire avec Téhéran, augmenterait leur influence dans la région et dynamiserait le pouvoir d’un allié qui s'oppose à leur principal rival, les États-Unis. L'Iran et la Chine seraient sur le point de signer un accord stratégique de vingt-cinq ans revêtant une dimension militaire. Les forces armées iraniennes ont organisé des manœuvres navales conjointes avec la Russie et la Chine à la fin de l’année dernière.
L'Iran intensifiera probablement son acquisition d'armement sophistiqué, comme les chasseurs russes Sukhoi Su-30, l'avion d'entraînement Yakovlev Yak-130, les chars T-90, le système de défense anti-aérienne S-400 et le système de défense côtière Bastion. Il devrait également chercher à utiliser la technologie militaire russe et chinoise pour fabriquer des sous-marins, des missiles et des navires de guerre plus avancés. Les Russes semblent plus que disposés à aider en ce sens, comme le déclarait en janvier Vladimir Zhirinovsky, chef du Parti Libéral Démocrate qui affirmait que Moscou devait ‘’offrir à l'Iran un accord de coopération militaire, et lui vendre de toute urgence les armes les plus modernes de sorte que personne n'ose rien jeter dans la direction de l’Iran.’’
Tandis que les raisons qui ont poussé la Russie et la Chine à s’opposer à la résolution américaine sont évidentes, il est tout à fait troublant de constater que les puissances européennes n'ont pas soutenu la décision de prolonger l'embargo sur les armes, malgré les protestations de plusieurs États arabes. La levée de l'embargo sur le régime iranien est contraire aux intérêts de l'Europe.
Le Conseil de Coopération du Golfe, composé de six pays, a présenté au Conseil de Sécurité de l'ONU une requête visant à la prolongation de l'embargo sur les armes de l’Iran. La lettre déclarait précisément que l'Iran ‘’n'a pas cessé, ni renoncé aux interventions armées dans les pays voisins, directement et par l'intermédiaire d'organisations et de mouvements armés et entraînés par l'Iran. Cela étant, il est inapproprié de lever les restrictions sur la circulation d’armes conventionnelles à destination et en provenance de l’Iran, jusqu’à ce qu’il renonce à ses activités déstabilisatrices dans la région et cesse de fournir des armes aux organisations terroristes et sectaires.’’
Les dirigeants iraniens tentent de répondre aux inquiétudes de leurs voisins avec des paroles creuses. Lors d’une réunion ministérielle la semaine dernière, le Président Hassan Rohani a insisté sur le fait que ‘’la puissance de défense et d’armement de l’Iran est dans l’intérêt de toute la région… La puissance de défense de l’Iran n’est pas une menace pour vos pays.’’ Mais l'armement par Téhéran de milices à travers la région a, par exemple, permis aux Houthis de lancer des attaques de missiles sur l'Arabie Saoudite, ce qui contredit la déclaration de Rohani. Après une telle attaque des Houthis, Hossein Shariatmadari, le rédacteur en chef du journal Kayhan, nommé à cette fonction par Khamenei, a écrit un article portant le titre provocateur suivant : ‘’Ansarullah tirent des missiles sur Riyad. Dubaï suivra.’’ Au début de cette année, l'Iran a également menacé d'attaquer Dubaï si les États-Unis ripostaient à leurs frappes sur des bases américaines en Irak.
En bref, la levée de l’embargo sur les armes du principal État qui soutient le terrorisme dans le monde aidera davantage le régime iranien à faire avancer son aventurisme militaire, et à armer les groupes terroristes et les milices d’un armement perfectionné. C’est là une menace dangereuse pour la stabilité régionale et mondiale, et elle déclenchera probablement une course aux armements dans la région.
Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com