L’Arabie saoudite s’est engagée dans une mission de dix ans destinée à faire de sa capitale l’une des villes les plus agréables et les plus compétitives du monde. Son ambition officielle est de devenir une ville mondiale ouverte aux affaires et prête à accueillir le monde entier. Avec une population jeune, en croissance rapide, de plus de 7 millions d’habitants, Riyad a changé de visage ces dernières années; elle s’est transformée en une métropole compétitive et attractive.
Dans cette perspective, la ville a choisi de surprendre, d’aller là où on ne l’attendait pas forcément, investissant massivement ces quatre dernières années dans les domaines culturel et artistique.
Toutefois, pour accomplir cette mutation, qu’illustre par exemple le remarquable travail du projet intitulé «Riyadh Art», avec deux cent soixante-dix événements et plus de mille œuvres exposées sur la voie publique, il a fallu faire en quelques années ce qui n’avait jamais été fait.
Le développement de la politique culturelle a coïncidé avec la forte restriction des pouvoirs de la police religieuse (le Comité pour la prévention des vices et la promotion de la vertu) en 2016 et en 2017
Arnaud Lacheret
En effet, la vie culturelle saoudienne a toujours existé: des cinéastes, des artistes, des sculpteurs du Royaume ont régulièrement rayonné à l’international. Mais les restrictions légales à la pratique artistique sur la voie publique et à la diffusion culturelle empêchaient les artistes locaux et internationaux d’exposer à l’échelon local. De même, il y a encore quatre ans, les musées, les cinémas et les théâtres n’étaient pas autorisés en Arabie saoudite.
Le développement de la politique culturelle a coïncidé avec la forte restriction des pouvoirs de la police religieuse (le Comité pour la prévention des vices et la promotion de la vertu) en 2016 et en 2017. Concrètement, le Royaume a profité de ces mesures d’allègement de la surveillance pour faire un pari: s’ouvrir au monde tout en gardant son identité et sa culture.
Afin de rattraper son retard, l’Arabie saoudite est devenue, entre 2017 et aujourd’hui, le pays du monde qui a le plus investi dans la culture et dans les arts avec la construction de centaines de cinémas, de théâtres, de musées, tout en développant, à l’exemple de Riyadh Art, des saisons culturelles en plein air de niveau mondial. On voit également à l’œuvre cette diplomatie culturelle et patrimoniale avec le développement de sites comme AlUla ou de centres culturels comme celui du roi Abdelaziz à Dharan (Ithra). Ce site, avec son architecture futuriste, peut rivaliser avec les plus grands musées internationaux.
Le Royaume a parié sur le fait que cette ouverture culturelle se ferait sans heurt, tout en conservant les bases culturelles et traditionnelles de la société. Force est de constater que ce pari est en passe d’être gagné.
L’objectif affiché de cette diplomatie culturelle est, en outre, de rendre les Saoudiens fiers de leur pays en développant encore sa capacité à accueillir. Cette intention s’inscrit dans le récent programme qui vise à attirer en Arabie saoudite les sièges régionaux de compagnies multinationales.
Dans ce cadre, il reste aux habitants de Riyad quelques jours encore pour assister à l’une des démonstrations les plus éclatantes de cet éveil culturel: l’événement Noor Riyadh, qui réunit soixante artistes autour du premier festival d’art et lumière organisé en Arabie saoudite. Il a ouvert ses portes le 18 mars dernier pour une période de dix-sept jours avec ses nombreuses installations qui éclairent le ciel nocturne de la capitale saoudienne.
Parmi ces artistes, deux français, Daniel Firman et Daniel Buren, exposent leurs œuvres. Buren a d’ailleurs parfaitement perçu les enjeux de cette diplomatie culturelle et artistique: «La région est en plein essor et découvrir de nouvelles scènes artistiques régionales est ce que je trouve de plus intéressant en tant qu’artiste international. Riyad est une ville que je ne connais pas et je suis ravi d’avoir l’occasion de l’explorer et d’y exposer cette nouvelle installation.»
À travers un jeu de couleurs, de reflets, de transparences et de contrastes, l'œuvre de Daniel Buren exposée à Noor Riyadh 2021 (Colored Triangles by Myriad, for Riyadh work in situ, «Triangles colorés par Myriad, pour un travail in situ à Riyad», KAFD Conference Center) présente le centre de conférence du quartier financier du roi Abdallah (King Abdullah Financial District, ou KAFD) sous un tout nouveau jour. Firman, quant à lui, présente Butterfly, une installation de néons qui évoque la biodiversité.
Ce genre de projets est une manière de rendre la ville et le pays plus attractifs, mais avant tout de montrer la voie d’une modernité arabe ouverte sur le monde et qui n’en conserve pas moins des repères culturels solides, ainsi qu’une identité forte.
Arnaud Lacheret est Docteur en science politique, Associate Professor à l’Arabian Gulf University de Bahreïn où il dirige la French Arabian Business School, partenaire de l’Essec dans le Golfe. Il est l’auteur de « La femme est l’avenir du Golfe » paru aux éditions Le Bord de l’Eau.
Twitter: @LacheretArnaud
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.