Ces dernières semaines, je me suis entretenu avec plusieurs personnes influentes ainsi qu’avec des décideurs au Moyen-Orient. Ils sont tous inquiets.
Ils observent, non sans appréhension, les efforts concertés de l'Iran pour développer des missiles à longue portée, des missiles de croisière et des missiles à guidage de précision susceptibles de menacer la stabilité dans la région. C'est avec angoisse qu'ils observent les provocations répétées de l'Iran à l'égard de la communauté internationale ainsi que la violation des engagements que ce pays a pris en vertu du Plan d'action global conjoint de 2015. En effet, ils observent, avec crainte, la reprise de l'enrichissement de l'uranium par l'Iran (à 20 % de pureté), qui constitue une violation du PAGC (accord de Vienne sur le nucléaire iranien) et limite l'accès des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique aux installations nucléaires iraniennes.
Consternés, ils observent l'Occident et constatent que ce dernier est incapable de freiner ces développements belliqueux, voire dangereux. Nombreux sont ceux qui ont perdu confiance en l'Amérique et en l'Europe. En effet, certains envisagent de se tourner vers la Russie et la Chine. Ils se trouvent tous dans un contexte déconcertant et angoissant, conscients qu'ils se situent à un tournant décisif.
Cependant, j'ai également perçu, au cours de ces conversations, quelques signes encourageants que je n'avais jamais observés auparavant. Pratiquement tous les Arabes avec lesquels je me suis entretenu affirment que le seul allié (contre l'Iran) en qui ils ont une confiance inconditionnelle est Israël. En outre, presque tous les Israéliens avec lesquels je me suis entretenu affirment que le seul allié (contre l'Iran) en qui ils ont une confiance inconditionnelle est le monde arabe.
Voilà que le conflit arabo-israélien, qui dure depuis un siècle, touche aujourd’hui à sa fin. C'est le traité entre l'Égypte et Israël qui a lancé ce processus en 1979, suivi par le pacte entre Israël et la Jordanie en 1994. Cependant, les accords de paix signés en 2020 par Israël et par les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc viennent enfin inaugurer une véritable révolution au niveau de la région. En revanche, d'autres pays arabes modérés qui n'ont pas encore adhéré aux accords d'Abraham entretiennent des relations avec Israël en toute discrétion. À mesure que leurs craintes à l'égard de l'Iran grandissent et que leurs doutes à l'égard de l'Occident s'approfondissent, les Arabes et les Israéliens se rapprochent plus qu'ils ne l'ont jamais fait auparavant.
Face à la menace croissante d'un Iran malveillant et à la faiblesse d'un monde ravagé par les coronavirus, la voie vers l'autonomie semble être la seule voie à emprunter pour aller de l'avant.
Il convient que les Israéliens et les Arabes tirent parti de l'opportunité qui leur est offerte et d’œuvrer de concert pour sauver le Moyen-Orient de la catastrophe imminente que représentent l'extrémisme et la nucléarisation
Ronald S. Lauder
Au terme de cette série de discussions stimulantes, une idée m'est venue: le moment n'est-il pas venu de combiner la lutte colossale contre l'Iran avec ce partenariat arabo-israélien en pleine effervescence? Le moment n'est-il pas venu de faire un nouveau pas audacieux au-delà des accords d'Abraham? Est-ce le moment pour les Arabes et les Israéliens de nouer une alliance stratégique?
Dans les années 1980, j'ai travaillé au Pentagone et j'ai occupé le poste d'ambassadeur des États-Unis en Autriche. Là, j'ai vu, de mes propres yeux, le rôle crucial que l'Otan a joué pour préserver la sécurité et la stabilité de l'Europe face à la menace de l'Union soviétique. Aujourd'hui, en ce début de troisième décennie du XXIe siècle, le moment est sans doute venu de former une Otan arabo-israélienne capable d'assurer la sécurité et la stabilité du Moyen-Orient face à la menace de l'Iran.
Les membres constitutifs de cette nouvelle alliance – l'Organisation de défense pour le Moyen-Orient (Medo) – seraient les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord qui entretiennent déjà une relation ouverte ou un traité avec Israël : l'Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Je pense que d'autres nations arabes rejoindront bientôt les Accords d'Abraham. La Medo pourrait également entretenir des relations étroites avec la Grèce, Chypre et certains pays africains en vue de préserver leur stabilité et de favoriser un développement économique rapide.
Ainsi, cette organisation permettrait d'établir un rempart redoutable pour lutter contre l'Iran. Elle pourrait donc freiner les ambitions impérialistes de la Turquie, combattre l'extrémisme et le terrorisme et favoriser une réconciliation prudente et progressive entre Israéliens et Palestiniens. Elle pourrait profiter de la percée historique réalisée au cours de l'année écoulée pour créer un Moyen-Orient véritablement nouveau. La Medo défendrait les intérêts de tous les pays de la région qui recherchent la stabilité ainsi que ceux de tous les citoyens qui souhaitent sortir de la pauvreté et des difficultés et améliorer leurs conditions de vie. Ainsi, cette nouvelle organisation défendrait de manière indirecte les intérêts de l'Occident et de la communauté internationale en apaisant l'une des régions les plus chaudes du monde, sans recourir à un seul soldat des États-Unis ou des Nations unies, ni solliciter des services auprès d'autres puissances mondiales.
Certes, la décision de créer une Otan pour le Moyen-Orient doit être prise par les pays souverains de la région seuls. Personne d'autre ne peut leur ordonner de lancer cette initiative, à savoir la création d’une Organisation de défense pour le Moyen-Orient (Medo), ni les y contraindre. Personnellement, j'ai l'impression que le temps est venu de créer une alliance stratégique au niveau de la région. Face à la menace croissante d'un Iran malveillant et à la faiblesse d'un monde ravagé par le coronavirus, la voie de l'autonomie semble également être la seule voie à emprunter pour aller de l'avant. Il convient que les Israéliens et les Arabes tirent parti de l'opportunité qui leur est offerte et d'œuvrer de concert pour sauver le Moyen-Orient de la catastrophe imminente que représentent l'extrémisme et la nucléarisation.
Ronald S. Lauder est le président du Congrès juif mondial.
Twitter: @lauder_ronald
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com