Le président américain Joe Biden s'apprête à entamer un voyage qui sera sans doute le plus important de sa présidence jusqu'à présent. Effectivement, il se rendra dans la région riche en pétrole du Moyen-Orient, en particulier en Arabie saoudite, pour rappeler au Royaume qu'il reste un allié solide et que toute la région demeure indispensable aux intérêts stratégiques des États-Unis.
Je pense que cette visite présente une opportunité considérable que le Président devrait examiner puisqu'elle pourrait contribuer à la résolution de l'un des conflits historiques les plus anciens, un conflit qui empêche le renforcement des partenariats et l'instauration d'une paix durable dans la région. Je parle évidemment du conflit israélo-palestinien.
De nombreux dirigeants arabes reconnaissent à huis clos qu'ils aimeraient réellement adopter les mêmes mesures de réconciliation avec Israël que celles qui ont été prises dans le cadre des accords d'Abraham en 2020, mais qu'ils ne peuvent pas le faire tant que l'on n'a pas trouvé de solution avec les Palestiniens. Un officiel que j'ai rencontré a même avoué qu'il serait heureux de constater au moins «un plus grand effort du côté israélien.»
Nous avons également eu droit à des déclarations publiques jamais entendues auparavant. Dans une étonnante entrevue accordée à Al Arabiya en 2020, le prince Bandar ben Sultan, diplomate saoudien chevronné et ancien ambassadeur aux États-Unis, a évoqué en toute transparence les erreurs qu'ont commises les dirigeants palestiniens au fil des années en refusant d'accepter les propositions de paix d'Israël.
Le récent sommet militaire secret qui s'est tenu en Égypte entre le commandement central américain et des responsables militaires israéliens et arabes est une autre preuve du changement d'attitude provoqué par la menace iranienne.
Cela peut sembler paradoxal, compte tenu des décennies d'échecs des efforts de paix, mais je crois que c'est exactement le bon moment pour proposer aux Palestiniens une nouvelle initiative qu’ils ne pourront refuser. Je suggère un «plan Marshall» qui offrirait à la prochaine génération de Palestiniens un avenir de richesse, de réussite et d'autonomie, plutôt que les sombres perspectives du passé.
Le plan Marshall original, qui doit son nom au secrétaire d'État américain George C. Marshall, a servi de base à la reconstruction d'une Europe brisée après la Seconde Guerre mondiale et a été utilisé depuis lors comme modèle pour la résolution d'autres conflits. Cela s'explique par le fait que ce plan constitue probablement l'initiative de politique étrangère la plus réussie de l'histoire.
En effet, il a permis d'accomplir plusieurs choses à la fois: il a reconstruit et modernisé l'industrie européenne détruite pendant la guerre et a restauré la confiance de tout un continent démoralisé, mais il a surtout contribué à la pacification de l'Europe qui, en moins de 40 ans, avait enduré deux guerres mondiales qui ont fait plus de 100 millions de victimes.
C'est exactement le bon moment pour proposer aux Palestiniens une nouvelle initiative qu’ils ne pourront refuser.
Ronald S. Lauder
Si la paix entre les Israéliens et les Palestiniens semble impossible, nous devrions nous souvenir que l'Europe forte et stable que nous connaissons depuis sept décennies n'a pas été courue d'avance après la Seconde Guerre mondiale.
Tout comme le plan Marshall a permis à l'Europe d'avoir une base financière solide, le plan palestinien devrait mettre l'accent sur la mise en place de petites entreprises, la construction de maisons, d'hôtels, de restaurants ainsi que la création d'emplois qui offriraient un avenir prometteur à la prochaine génération.
Une somme d'argent fixe pourrait être accordée aux jeunes entrepreneurs pour qu'ils créent de nouvelles entreprises, dont l'évolution serait suivie de près. Si elles s'avèrent viables mais ont besoin d'un coup de pouce financier au bout d'un an, une autre petite somme pourrait être versée. En d'autres termes, il s'agit d'offrir aux Palestiniens tout ce qui a rendu Israël et d'autres pays financièrement viables, ce qui contribuerait à créer une nouvelle Palestine prospère.
D'ici trois à cinq ans, je pense que la richesse par habitant doublerait chaque année. Plus la future nation palestinienne sera riche, plus il lui sera possible de devenir le pays viable et prospère qu'elle devrait être, et tous les pays de la région profiteront de ce changement.
Le financement pourrait être partagé entre les États-Unis, l'Europe, l'Arabie saoudite et d'autres pays du Moyen-Orient, dont Israël qui serait le principal bénéficiaire, au même titre que les Palestiniens.
Israël est l'un des principaux incubateurs de haute technologie au monde. Les jeunes Palestiniens le savent et souhaiteraient vivement être impliqués dans ce secteur. Les parents palestiniens devront choisir entre leur haine pour Israël et l'avenir de leurs enfants. Détestent-ils leur ennemi au point de laisser leurs enfants grandir dans la pauvreté et mourir en «martyrs», ou préfèrent-ils partager un meilleur avenir économique avec leurs voisins juifs, mener une vie plus épanouie et avoir des familles plus heureuses ?
Dans le passé, les comptes n'ont pas toujours été correctement établis en ce qui concerne l'aide accordée aux Palestiniens. Le nouveau plan devrait être étroitement surveillé par une organisation digne de la confiance de toutes les parties, qui saurait où va l'argent et comment il est utilisé.
Il reste encore beaucoup de détails à finaliser; il y aura certainement des imprévus. Mais des problèmes sont également apparus lors de la mise en place du premier plan Marshall et ont été surmontés. Rien ne se déroule jamais parfaitement, surtout lorsqu'il s'agit de haines viscérales et de longue date. L'animosité entre la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne au lendemain de 1945 était suffisante pour semer la haine. Si ces pays ont été capables de choisir, malgré tout, un avenir meilleur et partagé, c'est le modèle que nous devons suivre aujourd'hui.
Le plan Marshall repose sur les bâtisseurs de ponts. Je sais qu'il y a des bâtisseurs de ponts au Moyen-Orient en ce moment. Je les ai rencontrés. Je sais qu'ils veulent aller de l'avant.
Après tout, le plan Marshall n'a pas uniquement aidé l'Europe, il a aidé le monde entier. De la même manière, un nouvel avenir pour les Palestiniens et les Israéliens aurait des avantages qui s'étendraient bien au-delà de la région immédiate.
Dans le cadre de leur prochaine visite au Moyen-Orient, le président Biden et son équipe ont l'occasion de créer le même modèle de paix dans une région troublée que celui établi par le plan Marshall il y a 75 ans. C'est un grand moment qui pourrait changer le monde pour le mieux.
• Ronald S. Lauder est le président du Congrès juif mondial.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com