Lorsque j'ai planifié mon voyage au Moyen-Orient la semaine dernière avec d’importants représentants des communautés juives d'Angleterre, de France, de Suisse et d'Allemagne, nous avions l’intention d'essayer d’aider à résoudre la situation des otages, ainsi que de promouvoir un plan de paix entre Israéliens et Palestiniens et une solution à deux États. Mes amis et collègues m’ont exhorté à ne pas y aller. Ils pensaient que l’idée même d’une paix entre Israéliens et Palestiniens semblait impossible en ce moment. Mais je n'étais pas d'accord.
Je me suis rendu en Jordanie, où j'ai rencontré le roi Abdallah et le prince héritier. J’ai ensuite rencontré au Qatar le Premier ministre, cheikh Mohammed ben Abdelrahmane ben Jassim al-Thani, puis je me suis entretenu avec l'émir, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani. Nous avons discuté des attaques terroristes du Hamas, ainsi que de la situation des otages et de la nécessité de protéger les civils de tous bords. Nous avons également exprimé notre reconnaissance pour les efforts du Qatar visant à trouver une solution et libérer les otages.
Même si les sujets et le moment choisi étaient difficiles et douloureux, nous avons eu des échanges francs et ouverts sur la base du respect mutuel, en sachant qu'en fin de compte, nous voulons tous la même chose: un avenir meilleur où Israéliens et Palestiniens vivront en paix, côte à côte. Un avenir où un «plan Marshall» pour les Palestiniens, comme je l’ai proposé dans un précédent article dans Arab News, offrirait une alternative au lavage de cerveau effectué par l’Iran et des organisations terroristes. Ce serait une étape importante vers la sécurité et la stabilité à long terme pour tous au Moyen-Orient. Un avenir où nous pourrions réellement nous rappeler que nous sommes les enfants d’Abraham et que nous devrions pouvoir vivre ensemble en tant que tels.
Je comprends que l’idée de parler de paix dans le climat actuel, généré par le Hamas après les attaques du 7 octobre, puisse paraître absurde. Cependant, je crois que l’Histoire me donnera raison.
Il y a cinquante ans, après les destructions causées par la guerre du Kippour en 1973, la paix entre l’Égypte et Israël semblait tout aussi inaccessible. Mais c’est précisément cette guerre qui a conduit le défunt président, Anouar el-Sadate, à se rendre à Jérusalem pour serrer la main de son homologue israélien. Lorsque le président Sadate a proposé un véritable traité de paix, le Premier ministre israélien de droite, Menahem Begin, a restitué sans hésitation le Sinaï à l’Égypte. Cette paix dure désormais depuis près d’un demi-siècle.
«L’idée de parler de paix dans le climat actuel pourrait paraître absurde. Cependant, je crois que l’Histoire me donnera raison.»
Ronald S. Lauder
Comme deuxième exemple, en septembre 1993, je faisais partie des invités, sur la pelouse de la Maison-Blanche, lorsque le défunt Premier ministre, Yitzhak Rabin, et le défunt président, Yasser Arafat, se sont serré la main et ont exprimé leur souhait de voir leurs peuples vivre en paix. Jamais je n’oublierai l’atmosphère de bonheur et d’espoir. Des gens qui n'avaient rien à voir les uns avec les autres se sont levés ensemble, ont applaudi, et nous sommes devenus amis ce jour-là.
Justement, parmi toutes les amitiés nouées ce jour-là, j’ai particulièrement apprécié mon amitié avec le regretté Dr Saeb Erekat qui a duré de nombreuses années. Je dirais qu’il était l’une des voix de la sagesse parmi les dirigeants palestiniens. Malheureusement, il est décédé en novembre 2020, une perte énorme pour tous ceux dans le monde qui voulaient un avenir de paix dans la région, et se considéraient comme des bâtisseurs de ponts.
Nous nous sommes rencontrés régulièrement, et je n’oublierai jamais comment sa femme m’a proposé de m’apprendre à faire de la maqlouba. C'est devenu l'un de mes plats préférés après qu'ils me l'ont gentiment fait connaître.
Saeb et moi n'étions pas toujours d'accord sur tous les sujets, mais nous étions d'accord sur une chose: seule une solution à deux États garantirait aux Israéliens et aux Palestiniens une vie dans la dignité et la sécurité, avec de meilleures perspectives pour la situation économique, ce qui conduirait à un avenir durable. Nous sommes également convenus que l’une des plus grandes menaces provenait des extrémistes religieux de tous bords, qui useraient de violence contre les voix des bâtisseurs de ponts.
Pour être clair, selon moi, une solution à deux États signifierait un État palestinien vivant aux côtés d’Israël.
«Les vrais dirigeants restent forts dans des moments aussi difficiles et ils ne tombent pas dans le piège de la haine ou de l’étiquetage des autres.»
Ronald S. Lauder
Dans la situation actuelle, des voix comme celle de Saeb nous manquent. Sa sagesse, sa capacité à élever la voix contre les extrémistes de tous bords et à lutter pour un avenir meilleur. J’aimerais que ce soit la voix de la raison – et je sais qu’elle existe des deux côtés – qui puisse s’exprimer aujourd’hui dans les médias.
Malheureusement, pour le moment, le Hamas, avec ses attaques et sa déclaration de guerre du 7 octobre, semble avoir réussi à polariser le monde. De plus, nous vivons également à une époque où une minorité de personnes permet aux extrémistes d’intimider, de réduire au silence et d’étouffer la voix de la majorité.
Je crois que c'était là leur objectif. Avec la forte possibilité que d’autres pays arabes se joignent aux accords d’Abraham, cela aurait laissé un acteur de la région complètement à l’écart. Il s’agit évidemment de l’Iran.
L’Iran et son Corps des Gardiens de la révolution islamique ont formé les combattants du Hamas et leur ont fourni leurs armes, tout comme ils ont formé d’autres milices de la région, telles que les Houthis, le Hezbollah et les milices chiites en Irak. Le pays qui avait le plus à perdre d’un apport de paix dans la région était l’Iran.
Ce n'est pas dans l'intérêt des partisans de la paix ni des bâtisseurs de ponts. Ce n'est pas le moment d'être indifférent.
J’appelle tous ceux – dirigeants, hommes politiques, chefs d’entreprise, journalistes, étudiants – qui souhaitent un avenir de paix, à ne pas céder aux voix de l’extrémisme. Dans les moments difficiles, comme ceux que nous vivons aujourd’hui, il est facile de tomber dans le piège de la haine, sachant que le véritable sens des responsabilités, c’est quand nous nous accrochons à l’idée de la paix. Nous devons tous comprendre que ceux qui se considèrent comme des bâtisseurs de ponts ne céderont pas aux voix des extrémistes, qui tentent de nous diviser ou d’étouffer notre voix.
Les vrais dirigeants – qu’ils soient jeunes ou vieux – restent forts dans des moments aussi difficiles et ils ne tombent pas dans le piège de la haine ou de l’étiquetage des autres. C’est le moment où les bâtisseurs de ponts de tous bords se réunissent et discutent d’urgence des solutions à long terme ainsi que de ce que nous avons tous en commun, et non de ce qui nous divise.
J'ai toujours été un homme de paix, et je sais que nombreux sont ceux qui pensent de la même manière. Nous ne pouvons pas renoncer à l’espoir d’un avenir meilleur pour nos enfants et petits-enfants.
Ronald S. Lauder est président du Congrès juif mondial.
X: @lauder_ronald
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com