Les pays du Golfe et les leçons de la pandémie sur la diversification

Des délégués au forum Future Investment Initiative (FII), Riyad, Arabie Saoudite. (Photo, AFP)
Des délégués au forum Future Investment Initiative (FII), Riyad, Arabie Saoudite. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 06 février 2021

Les pays du Golfe et les leçons de la pandémie sur la diversification

Les pays du Golfe et les leçons de la pandémie sur la diversification
  • La quatrième édition de la Future Investment Initiative (FII) a mis en exergue les opportunités que la pandémie a fournies aux économies du Golfe plutôt que les défis qu’elle a représentés
  • Avant 2020, les efforts de diversification des économies centrées sur les hydrocarbures étaient limités

La quatrième édition de la Future Investment Initiative (FII) qui a eu lieu virtuellement la semaine dernière, a mis en exergue les opportunités que la pandémie a fournies aux économies du Golfe plutôt que les défis qu’elle a représentés.

Avant 2020, les efforts de diversification des économies centrées sur les hydrocarbures étaient limités ; aucun moteur majeur de la croissance économique n’a remplacé de manière convaincante le rôle durable de l’or noir de la région, principal pilier économique. La pandémie semble cependant marquer un moment décisif. Le ralentissement économique et l'effondrement des prix du pétrole ont obligé les gouvernements de la région à réévaluer et à accélérer leurs plans stratégiques de diversification.

L'effondrement des prix du pétrole a mis en évidence la réelle précarité d’une économie non diversifiée, et amené les décideurs à la revoir. L'expérience de base de la pandémie dans le Golfe a été d'exposer les failles des principes centraux de l'économie rentière : la forte dépendance à l'exploitation et à l'exportation des ressources naturelles, et l'importation de produits, services et savoir-faire, ainsi que la main-d'œuvre étrangère. La richesse nationale considérable a par ailleurs retardé l'innovation et la productivité. Cependant, l’épuisement des ressources traditionnelles forcent les États du Golfe à changer radicalement de cap pour prospérer. La crise du Covid-19 est un dur rappel de cette réalité et il était encourageant de voir cet impératif politique au centre des discussions à la FII, qui était l'un des rares évènements internationaux à se tenir malgré la crise sanitaire.

En dépit des défis économiques évidents que la pandémie pose, d’autres aspects du Covid-19 offrent l’opportunité de réformes structurelles. La diminution des revenus issus des hydrocarbures, le retard pris sur les grands projets d'infrastructure et la fermeture des frontières qui ont laissé de nombreux travailleurs migrants chez eux constituent un terrain fertile pour remédier au manque d'innovation, à la lourdeur des structures juridiques et à la dépendance excessive à l'égard de l'État.

Compte tenu des réponses rapides des États du Golfe, le virus lui-même n’a pas été dévastateur. Ce qui serait dévastateur serait de ne pas saisir le moment pour faire pression pour des réformes et une diversification économiques urgentes. Le ministère omanais de la Main-d'œuvre a fait des progrès à cet égard, en introduisant une interdiction de visa pour les travailleurs expatriés du secteur privé d’environ 100 postes, y compris des emplois dans les ventes, le marketing, l'informatique, la comptabilité, les finances, la gestion, les ressources humaines, les assurances et les médias. Au Qatar, les efforts de diversification connaissent un nouveau souffle. La pandémie a concentré les esprits sur Qatar National Vision 2030, plus d'une décennie après sa création, alors que le gouvernement cherche à fournir un soutien sans précédent aux petites et moyennes entreprises pour générer des revenus à partir du gaz naturel.

À bien des égards, cet état d'esprit n'a fait que gagner en importance. Là où les forums passés dans la région ont adopté l'innovation et la compétitivité comme mots d’ordre qui résumaient une vision de diversification, les arguments de la FII étaient incroyablement plus ciblés. Il ne fait aucun doute pour ceux qui étaient présents que l’éducation est le seul moyen de transformer l’économie et de permettre une croissance durable. Bien que les économies du Golfe aient relativement bien résisté dans l'ensemble, les investissements dans certaines industries diversifiées ont donné des résultats limités et l'impact des prix bas du pétrole a freiné les bénéfices d'une telle diversification. Cette situation ne peut qu'encourager les gouvernements à redoubler d'efforts dans les industries « à l'épreuve des hydrocarbures » telles que la technologie, les télécommunications et la santé, et à créer les conditions propices à l'innovation. Au cœur de ces impératifs : l'amélioration de la qualité de l'éducation et l'accent mis sur l'apprentissage. Un Internet ultra-rapide ne garantira pas à lui seul le succès dans des domaines de croissance potentiels tels que les énergies renouvelables et les infrastructures numériques, mais une main-d'œuvre efficace y contribuera.

L'expérience de la pandémie a été une sorte de réveil, notamment à cause de l'effondrement des prix du pétrole.

Zaid M. Belbagi

La consommation d'énergie rapide de la Chine a été annoncée comme une issue de secours alors que l'Occident commençait lentement à œuvrer sur une solution de rechange aux hydrocarbures. Toutefois la Chine devrait atteindre un pic de demande au cours de cette décennie, date à laquelle la consommation baissera et, avec elle, les revenus des exportateurs. Il incombe donc aux économies du Golfe de se réformer immédiatement. En tirant les leçons du double choc des prix effondrés du pétrole et du Covid-19, ils peuvent prendre les décisions politiques nécessaires pour construire des économies véritablement diversifiées, résilientes et fondées sur l'éducation.

 

Zaid M. Belbagi est un commentateur politique et un conseiller auprès de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Twitter: @Moulay_Zaid

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com