L'IA redéfinit les relations de la France avec le Moyen-Orient

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Publié le Jeudi 20 février 2025

L'IA redéfinit les relations de la France avec le Moyen-Orient

L'IA redéfinit les relations de la France avec le Moyen-Orient
  • La France renforce sa coopération avec ses partenaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord dans le domaine de l'IA, un axe prioritaire de la politique du gouvernement français
  • Rien que ce mois-ci, la France a accueilli le Sommet pour l'action sur l'IA, lancé la troisième phase de sa stratégie nationale en matière d'IA et créé l'Institut national pour l'évaluation et la sécurité de l'intelligence artificielle

Les relations entre la France et le Moyen-Orient sont le fruit de siècles de commerce, de liens politiques et d'échanges culturels. Même à l'ère postcoloniale, la France reste étroitement liée à la région, les développements économiques et politiques d'un côté ayant inévitablement un impact sur l'autre. Ces dernières années, ces relations ont principalement porté sur le commerce et l'investissement, la lutte contre le terrorisme, les partenariats énergétiques et les migrations.

Cette relation historique entame aujourd'hui une nouvelle page. En phase avec l'engouement mondial pour l'intelligence artificielle et son rôle transformateur dans le progrès économique, la France renforce sa coopération avec ses partenaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord dans le domaine de l'IA, un axe prioritaire de la politique du gouvernement français.

Rien que ce mois-ci, la France a accueilli le Sommet pour l'action sur l'IA, lancé la troisième phase de sa stratégie nationale en matière d'IA et créé l'Institut national pour l'évaluation et la sécurité de l'intelligence artificielle.

Le Sommet pour l'action sur l'IA organisé par le gouvernement français la semaine dernière a clairement montré que la France est à la recherche de partenaires internationaux pour progresser dans ce domaine.

- Zaid Belbagi 

Alors que la stratégie, qui s'inscrit dans le cadre de la vision France 2030, vise à renforcer la souveraineté économique et technologique de la France, à mettre l'IA au service du bien commun et à développer des pôles de calcul de haute performance, l'institut encouragera la recherche scientifique sur l'IA, en particulier sur ses implications en matière de sécurité.

Le Sommet pour l'action sur l'IA organisé par le gouvernement français la semaine dernière a clairement montré que la France est à la recherche de partenaires internationaux pour progresser dans ce domaine. Le résultat le plus notable a été un investissement de 50 milliards d'euros par les Émirats arabes unis pour la création d'un centre de données d'IA d'une capacité de calcul pouvant aller jusqu'à un gigawatt en France. Ce campus sera le plus grand d'Europe consacré à l'IA. Il peut considérablement renforcer les efforts déployés par les secteurs privé et public français pour l'adoption de l'IA par le biais de l'entrepreneuriat et de l'éducation.

Par ailleurs, le Maroc est devenu ce mois-ci l'un des huit partenaires internationaux à rejoindre la France dans le lancement de l'initiative publique-privée Current AI, qui vise à lever 2,5 milliards de dollars (1 dollar = 0,96 euro) au cours des cinq prochaines années pour promouvoir l'innovation en matière d'IA et évaluer son impact social et environnemental. Cette initiative s'inscrit dans la continuité d'une déclaration d'intention signée en octobre dernier pour la création d'un Centre de recherche franco-marocain pour l'étude de l'IA, du big data et de la cybersécurité. Elle a été signée lors d'une visite au Maroc du président français Emmanuel Macron, qui a été annoncée comme le début d'une nouvelle ère de relations diplomatiques entre les deux pays. Il est clair que l'IA sera un domaine clé de la coopération.

Le Sommet pour l'action sur l'IA a clairement montré que la France est à la recherche de partenaires internationaux pour avancer dans ce domaine

Ces développements s'appuient sur la coopération française existante avec la région. La France et le Qatar sont convenus d'étudier conjointement le potentiel d'amélioration de leurs capacités navales grâce aux technologies de l'IA et aux systèmes sans pilote. La France et la Turquie coopèrent en matière de recherche sur l'IA et les technologies émergentes dans le cadre du programme Bosphorus, géré conjointement par des institutions françaises et le Conseil de la recherche scientifique et technologique turc. Le secteur privé français est également un acteur clé de la coopération française avec la région. Par exemple, Mistral AI a attiré des investissements du Fonds d'investissement public saoudien (Sanabil) et du groupe DAMAC des Émirats arabes unis.

Cependant, malgré ces investissements et partenariats solides, la France est confrontée aux défis de l'acquisition de talents, de la concurrence des géants mondiaux de l'IA et des contraintes réglementaires. Pour émerger en tant que leader de l'IA, la France doit continuer à encourager les partenariats publics-privés et internationaux, attirer les meilleurs talents et promouvoir des utilisations éthiques et durables de la technologie.

C'est là que le partenariat avec la région Mena peut offrir une solution. L'investissement proposé par les Émirats arabes unis, qui pourrait atteindre 50 milliards d'euros, est essentiel pour l'économie française en difficulté, qui a besoin d'aide pour créer des emplois, construire des infrastructures et regagner la confiance des investisseurs internationaux. Les investissements dans l'IA profiteront également à d'autres secteurs clés de l'État, notamment la défense, les soins de santé et l'éducation, tout en encourageant l'entrepreneuriat français dans ce domaine.

Les derniers accords conclus s'inscrivent également dans une période charnière des relations entre la France et le Moyen-Orient. La France et ses partenaires européens ont historiquement investi leurs ressources économiques et leur expertise technique dans la région pour construire des industries manufacturières et énergétiques. Aujourd'hui, le Moyen-Orient est en mesure de soutenir la France financièrement et par le biais de partenariats intellectuels.

Aujourd'hui, le Moyen-Orient est en mesure de soutenir la France financièrement et par le biais de partenariats intellectuels.

Les Émirats arabes unis ont remarquablement réussi à développer leurs capacités nationales en matière d'IA – des modèles locaux robustes en langues étrangères, des fonds dédiés à l'investissement dans l'IA et le premier ministre de l'IA au monde sont autant d'indicateurs de cette réussite. L'attention internationale s'est à juste titre tournée vers l'État du Golfe, et même vers la région au sens large, en raison de son rôle dans la croissance de l'IA par le biais du financement et en tant qu'emplacement géostratégique pour l'hébergement de l'infrastructure de l'IA.

Ce changement de position met en évidence la dépendance mutuelle de la France et de ses partenaires au Moyen-Orient. La coopération entre les deux parties est cruciale pour leur avenir économique et technologique, en particulier dans les domaines de l'action climatique, des villes intelligentes, du commerce, de l'éducation et de la lutte contre le terrorisme. En travaillant à l'adoption durable de l'IA dans les industries clés, la France et ses partenaires dans la région sont bien placés pour émerger en tant que leaders mondiaux de l'IA, tout en ajoutant une nouvelle couche et une nouvelle nuance à leur coopération bilatérale.

Plus largement, les derniers investissements et le lancement de Current AI confirment que le Sud global fait partie intégrante du parcours de l'Europe en matière d'IA.

Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe. 

X: @Moulay_Zaid

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com