Alors que le président élu Joe Biden se prépare à prendre ses fonctions en janvier, la sécurité dans la région du Golfe figurera parmi les principaux dossiers que la nouvelle administration devra gérer. Ce sujet n'est pas nouveau pour M. Biden, qui a occupé dans le passé le poste de vice-président durant les deux mandats du président Barack Obama. Auparavant, il avait abordé le dossier du Golfe durant son mandat au sein de la Commission des relations étrangères du Sénat ; la sécurité du Golfe a toujours constitué une priorité de la politique étrangère américaine.
Si le style personnel du président Donald Trump se distingue de celui de ses prédécesseurs sur la question du Golfe, son administration a néanmoins appliqué la même architecture de sécurité qui prévalait avant son élection en 2016 et qui n'a pratiquement pas changé depuis lors. M. Biden héritera de cette infrastructure et il est peu probable qu'il y apporte des changements dans un avenir proche.
En 2012, le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et les États-Unis ont créé le Forum de coopération stratégique (FCS) qui a constitué un nouveau cadre pour leur engagement initié lors de la création du Conseil de coopération du Golfe (CCG), en 1981. En mars 2012, la première session du FCS a été co-présidée par feu le prince Saoud Al-Fayçal et Hillary Clinton. Tous les ministres des Affaires étrangères du CCG et une importante délégation américaine composée de représentants de plusieurs agences ont participé à cette session. Les participants sont convenus de créer des groupes de travail conjoints chargés des questions de politique et de sécurité.
A la lumière des événements tumultueux de 2011 et 2012, dont le comportement déstabilisateur de l'Iran dans la région, le FCS a établi un canal de communication bien organisé et solide, axé sur l'architecture de sécurité dans la région du Golfe. Le forum a également pavé la voie au premier sommet CCG-États-Unis qui s'est tenu à Camp David en mai 2015, au cours duquel la coopération a évolué pour devenir un partenariat stratégique CCG-États-Unis (et le nombre de groupes de travail et de task forces a été multiplié). Le deuxième sommet durant la présidence Obama s'est tenu à Riyad en juin 2016. Il a inauguré de nouveaux champs d'engagement, notamment en matière de diversification économique et d'emploi des jeunes.
Lors du sommet CCG-États-Unis qui a lieu à Riyad en mai 2017, sous la direction de M. Trump, les deux parties ont réitéré leur engagement solide à respecter les accords de Camp David et sont convenues de développer davantage la portée de leur coopération.
Au cours de ce même sommet, l'administration Trump a suggéré que l'Alliance stratégique pour le Moyen-Orient (MESA) devrait inclure d'autres pays et élargir, et non pas remplacer, le partenariat stratégique entre le CCG et les États-Unis. Les discussions pour finaliser la forme et le contenu de la MESA se sont poursuivies, mais l'administration Trump a remarquablement œuvré pour convoquer des réunions dans le cadre du partenariat stratégique CCG-États-Unis.
Certes, l'importance et la pertinence durables du partenariat stratégique CCG/États-Unis ne doivent pas être sous-estimées. Plus important encore, il convient de maintenir l'architecture de sécurité dans la région du Golfe que les États-Unis et les pays du CCG ont mise en place tout au long de ces dernières décennies. En revanche, il est possible de discuter de l'évolution des priorités dans ces cadres. Bien des choses ont été dites sur l'accent mis par M. Trump en matière d'autonomie sur le plan de la sécurité. Cependant, l'une des raisons d'être du CCG, en tant qu'organisation, découle de cette notion : Construire une défense collective solide. Si la guerre asymétrique a constitué un défi, les capacités conventionnelles, quant à elles, ont considérablement évolué. Dans le même contexte, lorsque les dirigeants américains évoquent le partage des responsabilités en matière de défense, ils ne visent pas les pays du CCG. Ceux-ci sont loin d’être des opportunistes et paient le prix de chaque système d'armes qu'ils reçoivent.
Ainsi, les doctrines de sécurité des États-Unis et du CCG présentent de nombreux éléments communs. En outre, dans la mesure où la coopération en matière de sécurité entre le CCG et les États-Unis est plus importante, le CCG atteindra plus rapidement l'autosuffisance militaire. Cela nécessite une plus grande coopération au niveau du développement et de la production de systèmes d'armes avancés et de la formation des militaires.
La lutte contre le terrorisme représente une priorité pour les deux parties, qui ont besoin de consolider leur coopération. Le Centre de lutte contre le financement du terrorisme, dont le siège est à Riyad, offre un bon exemple de la coopération entre le CCG et les États-Unis. Par ailleurs, dans le domaine de la lutte contre les messages terroristes, le CCG a établi une douzaine de centres qui ont réussi à réduire les tentatives de recrutement des terroristes et les Etats-Unis collaborent étroitement avec ces entités.
Sur le plan politique, les deux parties se retrouvent sur la majeure partie des questions régionales et internationales, et elles devraient continuer à le faire. La priorité sera de déterminer la façon d'élaborer une politique régionale commune pour contrer les activités malveillantes de l'Iran et le ramener à la table des négociations. Cette politique devrait également harmoniser les approches du CCG et des États-Unis afin de contrer l'ingérence déstabilisatrice d'autres pays.
La coopération en matière d'énergie est devenue plus productive et plus équitable dans la mesure où les deux parties se trouvent du même côté de la table que les principaux producteurs de pétrole et de gaz. Les implications sécuritaires et politiques de cette évolution sont importantes et devraient être discutées dans le cadre du partenariat stratégique CCG-États-Unis. Toutefois, l'importance de la région du Golfe en tant que plus grand réservoir d'énergie conventionnelle va au-delà de l'approvisionnement des États-Unis en pétrole à bon marché. Cette région conservera son importance primordiale pour la stabilité des marchés pétroliers et, par conséquent, pour la reprise économique mondiale et le bien-être de bien des pays. L'économie américaine, première puissance économique mondiale, dépend de la santé de ses partenaires commerciaux, qui dépendent du pétrole et du gaz du CCG.
Outre la coopération en matière d'énergie conventionnelle, les deux parties sont convenues en 2018 d'explorer de nouveaux domaines de coopération dans le domaine des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. Elles ont également entamé des travaux visant à créer un marché régional commun de l'électricité - une priorité pour les deux parties ainsi que pour plusieurs acteurs régionaux.
Les entreprises américaines figurent parmi les plus grands investisseurs dans la région du CCG, et les investisseurs du CCG sont des acteurs clés sur le marché américain. Si le commerce des marchandises ne progresse pas en raison de la diminution des importations américaines de pétrole provenant des producteurs du CCG, le commerce non pétrolier, lui, est en hausse. Le commerce et les investissements recèlent un important potentiel de croissance.
Au fil des années, les contacts entre personnes ont proliféré, et les Etats-Unis accueillent des centaines de milliers d'étudiants du CCG venus faire des études supérieures, ainsi que des millions de touristes. Si la pandémie de coronavirus a amorti ces contacts informels, les voyages entre les deux régions retrouveront leur allure dans un avenir proche.
Face à ce brassage d'intérêts si complexe entre le CCG et les États-Unis qui affecte considérablement la sécurité et la prospérité des deux parties, l'administration Biden est supposée maintenir l'engagement des États-Unis dans la région par le biais des mécanismes existants. De même, il est très probable que la nouvelle administration soumettra de nouvelles idées pour étendre et approfondir cet engagement. Le CCG est prêt et disposé à collaborer quand les États-Unis seront eux aussi disposés à le faire.
Dr. Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques etla négociation, et un chroniqueur pour Arab News.
Twitter: @abuhamad1
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com