La proposition faite par le CCG au sujet des négociations sur le nucléaire iranien mérite d'être prise au sérieux

Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a lancé un avertissement: l'Iran transgresse toutes les obligations prévues par le PAGC (Archive/AFP).
Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a lancé un avertissement: l'Iran transgresse toutes les obligations prévues par le PAGC (Archive/AFP).
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Publié le Vendredi 17 février 2023

La proposition faite par le CCG au sujet des négociations sur le nucléaire iranien mérite d'être prise au sérieux

La proposition faite par le CCG au sujet des négociations sur le nucléaire iranien mérite d'être prise au sérieux
  • À Téhéran, les partisans de la ligne dure semblent peu pressés de conclure un accord
  • La communauté internationale est tenue de réévaluer son approche de la crise, dans la mesure où le PAGC a échoué à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire

Le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a lancé la semaine dernière un avertissement: l'Iran «transgresse toutes les obligations prévues par l'accord sur le nucléaire iranien [PAGC]». Ce dernier apparaît comme une «coquille vide» et les efforts diplomatiques qui visent à le relancer se sont pratiquement tous interrompus. M. Grossi a précisé que «même si l'accord n'a pas encore été déclaré mort, ses obligations ne sont pas appliquées».

Parmi ces violations figure l'enrichissement de l'uranium. L'Iran en a en effet amassé une quantité suffisante pour fabriquer «plusieurs armes nucléaires», explique M. Grossi devant une sous-commission du Parlement européen, à Bruxelles. Il fait remarquer que l'Iran dispose de 70 kg d'uranium enrichi à 60% de pureté et de 1 000 kg de la même matière enrichie à une pureté de 20%. Cela laisse présager que l'Iran atteindra d'ici peu le niveau de 90%, seuil critique à partir duquel il sera possible de fabriquer des armes.

À Téhéran, les partisans de la ligne dure semblent peu pressés de conclure un accord. En effet, les pourparlers offrent à l'Iran une marge de manœuvre alors qu'il continue à développer son programme nucléaire et se rapproche de la fabrication d'armes nucléaires. Ils permettent à l'Iran de gagner du temps. Ils lui procurent couverture et liberté.

Mieux encore, le fait de poursuivre les pourparlers permet à Téhéran de s'en tirer à bon compte sans faire de concessions. Les sanctions associées au nucléaire ont été levées en 2015, lorsque l'Iran a souscrit au PAGC. Cette situation perdure en dépit des violations par l'Iran de «toutes les obligations» imposées par l'accord, comme l'a indiqué le chef de l'AIEA. Seuls les États-Unis ont dérogé à la règle; ils ont réinstauré les sanctions en 2018. La répression brutale par l'Iran des manifestations populaires qui se poursuivent depuis septembre dernier a conduit l'Union européenne (UE) et de nombreux pays à imposer de nouvelles sanctions. Ces dernières s'ajoutent aux sanctions précédemment imposées en réponse aux violations des droits de l'homme et au terrorisme pratiqués par Téhéran. Le PAGC n'a pas eu d'incidence sur cette situation.

La communauté internationale est tenue de réévaluer son approche de la crise dans la mesure où le PAGC a échoué à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. 

 

Dr Abdel Aziz Aluwaisheg

La communauté internationale est tenue de réévaluer son approche de la crise, dans la mesure où le PAGC a échoué à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Les négociateurs des pays du P5+1 espéraient tempérer le comportement de l'Iran dans la région par le biais de la conclusion de l'accord en mai 2015. Mais c’est le contraire qui s'est produit, comme en témoignent les événements survenus en Syrie, au Liban, au Yémen et dans d'autres pays encore.

La menace du programme nucléaire de l'Iran pèse certes sur la région et s'étend au-delà. Dans ce contexte, la communauté internationale est appelée à poursuivre son action diplomatique afin de dissuader l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Un État hors-la-loi doté d'un programme nucléaire représente bel et bien une menace de taille. Cependant, d’autres menaces planent sur la région. Un autre dossier préoccupant concerne la production effrénée de drones, de missiles balistiques et de missiles de croisière. Les groupes terroristes et confessionnels appuyés par Téhéran sèment le chaos dans la région et déstabilisent les pays voisins.

Les protestations qui secouent l'Iran témoignent du mécontentement de la population à l'égard des politiques du gouvernement dirigé par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). Ces manifestations mettent en lumière la dure réalité qui sous-tend le pays sur les plans économique et politique. Les contraintes imposées aux femmes sont comparées à celles qui sont imposées par les talibans de l'autre côté de la frontière. L'avenir s'annonce encore plus sinistre. En effet, le CGRI mène l'Iran à la faillite. Cela fait des dizaines d'années que le pays connaît une situation économique déplorable en raison des dépenses militaires qu'il privilégie.

En effet, le produit intérieur brut (PIB) de l'Iran est dérisoire pour un pays qui abrite une population jeune, des ressources naturelles abondantes (notamment des réserves importantes de pétrole et de gaz) et qui compte plus de 80millions d'habitants. Les voisins de l'Iran craignent que ce dernier ne connaisse une instabilité encore plus prononcée en raison des défis économiques et politiques qu'il doit relever.

Le statu quo risque de se prolonger pendant quelque temps. Néanmoins, d'autres scénarios restent envisageables; ils requièrent une stratégie prudente pour préparer l'avenir de la région et des pays avoisinants.

Le premier scénario évoque une course aux armements nucléaires dans la région. Les pourparlers nucléaires risquent en effet de piétiner sans donner de résultats. Ils peuvent ainsi offrir à l'Iran la possibilité de poursuivre la fabrication d'armes nucléaires sous le couvert de la diplomatie. Si on ne parvient pas à freiner la progression de l'Iran vers l'arme nucléaire, une course aux armements nucléaires peut surgir. Il convient donc de prévenir cette éventualité qui risque de se concrétiser dans la région si l'Iran atteint cette phase critique. En effet, dans le cas d'une course aux armements nucléaires, les fonds de développement – dont on a cruellement besoin – seraient alloués à l'alimentation de la course aux armements. C'est l'Iran qui en paierait le plus lourd tribut et qui s'appauvrirait le plus.

Le deuxième scénario prévoit un Iran semblable à la Corée du Nord. Une dictature militaire dotée de l'arme nucléaire, soumise à de lourdes sanctions et esseulée. Démunie, sa population serait coupée du reste du monde.

Le troisième scénario est celui du chaos dans lequel sombrerait l'Iran dans son ensemble ou dans de larges pans de son territoire. Le pays connaîtrait alors un sort similaire à celui des États qui ont vécu ce que l'on a appelé «le printemps arabe», c’est-à-dire la Syrie, la Libye et le Yémen.

Au regard de l'échec des pourparlers nucléaires, le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a fait preuve de sagesse en refusant de participer à ces négociations dont la portée semble limitée. La proximité de ces pays avec l'Iran n'est pas le seul problème qui les attend. Ils sont par ailleurs la cible des missiles balistiques, des drones et des activités malveillantes menées par l'Iran. Ce sont les pays du CCG qui paient le plus lourd tribut du programme nucléaire iranien.

Certains remettent en question l'importance de la participation du CCG aux pourparlers. Ils se demandent ce que cette participation apporterait à la table des négociations. En effet, la contribution des pays du CCG est comparable à celle de tout autre participant: combiner le bâton et la carotte (la rétribution et la punition, NDLR). Ils peuvent faire avancer les pourparlers en proposant de normaliser les relations de l'Iran et de mettre son économie en phase avec celle de ses voisins. Au besoin, ils pourraient également exercer des pressions sur ce pays pour l’amener à faire preuve d'une plus grande souplesse.

Si les pays du CCG participaient aux pourparlers, ces derniers aboutiraient, dans la mesure où ils aborderaient l'ensemble des menaces importantes et apporteraient au peuple iranien les éléments auxquels il aspire le plus: une économie prospère et des relations régulières avec ses voisins.

Cela fait longtemps que le CCG propose cette solution et le moment est venu de la prendre au sérieux, alors que les négociations relatives au PAGC semblent sombrer dans l'oubli.

 

Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation et un chroniqueur régulier d’Arab News.

 

Twitter: @abuhamad1

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com