Pour les sceptiques, s’il en reste, l’ultime preuve du schisme absolu entre les marchés financiers et notre quotidien nous a bondi en pleine face la semaine dernière. Permettez-moi de vous présenter le Boom de l’insurrection.
Lorsque les manifestants ont envahi le Capitole à Washington DC la semaine dernière, l’indice S&P 500 à New York a atteint de nouveaux records. L’ancien dicton boursier «il faut acheter au son du canon» est apparemment plus d’actualité que jamais.
Depuis, la reprise boursière s’est accélérée. 3800 points, la nouvelle norme apparente de l’indice S&P, semble en voie d’être dépassée pour un niveau historique de 4000 points.
Mais dans le contexte de l’année écoulée, le comportement des marchés d’actions n’est pas vraiment choquant. Outre un marché baissier en février et mars de l’année dernière, quand Wall Street a connu une chute de 30% avec les premières mesures de confinement, les marchés boursiers ne se sont pas laissé abattre par l’année de décès et de récession économique.
Au début de la nouvelle année, plusieurs experts sur la bourse ont affirmé que la situation ne peut durer. Certains mettent même en garde contre une «énorme bulle» dans les marchés boursiers qui doit éclater en 2021.
D’autres ont mis en garde contre «des émissions frénétiques et des investisseurs spéculatifs hystériques» dans un contexte de «prix mousseux et de positionnement cupide» dans les actions mondiales.
Deux indicateurs de cette flambée boursière sont constamment cités : Bitcoin et Tesla. La cryptomonnaie a atteint plus de 40 000$ la pièce, son cours commençant à ressembler un peu au graphique des cas de Covid-19 de certains pays européens — vertigineusement vertical.
Tesla, quant à elle, a multiplié le cours de son action par 10 depuis le début de 2020, ce qui a fait d’Elon Musk l’homme le plus riche au monde. Sa valeur de marché est désormais supérieure à celle de Ford, GM, BMW, Mercedes et Toyota réunis, bien qu’elle fabrique peu de voitures par rapport à ces entreprises traditionnelles et ne réalise qu’une minuscule fraction de leurs bénéfices.
Le marché va-t-il mal finir cette année ? Les mises en garde proviennent en grande partie des mêmes personnes qui ont répété ces avertissements à chaque nouvelle semaine de l’Annus Confinus de 2020, donc ils n’ont pas nécessairement beaucoup de crédibilité.
Il existe certainement de nombreux facteurs de risque externes, et qui vont du «carnage américain» aux nouvelles variants du virus, en passant par la logistique compliquée qu’implique vacciner plus de 7 milliards de personnes.
Cependant, Wall Street semble prendre ces facteurs avec des pincettes. Ce qui est plus menaçant pour les traders est la possibilité que la Réserve fédérale des États-Unis mette un terme aux plans de relance de la pandémie qui ont maintenu le dynamisme de l’indice S&P l’année dernière, ou que la hausse de l’inflation ait également un impact sur les obligations d’État et les actions.
La victoire des démocrates dans l’État de Géorgie et leur contrôle du Sénat américain réduisent ce risque car elle permet au président élu Joe Biden de mettre en œuvre son plan de relance de plusieurs milliards de dollars, et de le faire approuver par le Congrès.
En plus de cette perspective relativement optimiste pour les marchés occidentaux (menés par les États-Unis), une autre tendance mondiale signifierait simplement que les marchés financiers peuvent maintenir leur haute-voltige sans filet pendant encore un an.
L’Asie a, de toute évidence, mieux géré la pandémie et la récession économique subséquente que les pays occidentaux. La Chine, plus particulièrement, a réussi à contrôler le virus rapidement, et a injecté des trillions de yuans dans son économie afin d’éviter un ralentissement.
C’est ainsi que les marchés boursiers asiatiques se sont redressés, et le Japon est même retourné à des niveaux qu’il atteignait il y a 30 ans. L’investissement mondial augmente de plus en plus rapidement, et le Moyen-Orient pourrait être bien placé pour bénéficier des marchés émergents en hausse.
Peut-être que le grand crash, attendu pour 2020, aura lieu cette année. Ce qui monte doit redescendre, tôt ou tard. Mais il y a tout autant de raisons de croire que la bulle pourrait continuer de gonfler encore longtemps.
Frank Kane est un journaliste économique primé basé à Dubaï. Twitter : @frankkanedubai
NDLR: les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com