Le président américain, Joe Biden, aurait hâtivement réécrit, la semaine dernière, des parties de son discours sur l’état de l’Union pour tenir compte des événements qui ont eu lieu en Ukraine après l’invasion russe.
Il avait prévu d’utiliser l’occasion annuelle comme tremplin pour la campagne électorale de mi-mandat qui devrait désormais prendre de l’ampleur avant le vote de novembre. Cette élection est largement considérée comme un test crucial pour son administration et sa capacité à mettre en œuvre le programme qui lui avait permis d’accéder à la présidence en 2019.
Les quinze premières minutes de son discours ressemblaient à un appel de ralliement contre la Russie. Il lui a certes semblé que c’était la bonne décision à prendre puisqu’au Congrès, tout le monde a accueilli avec enthousiasme sa position en faveur de l’Ukraine et contre le président Vladimir Poutine.
Cependant, le fait que l’unité bipartite ait réellement pris fin après la partie de son discours sur l’Ukraine illustre l’ampleur de la tâche à laquelle Biden sera confronté aux États-Unis lors des huit prochains mois. L’électorat américain semble aussi divisé qu’au cours des quatre dernières décennies sur les enjeux principaux. Jusqu’à présent, l’administration Biden ne s’est pas montrée capable de répondre aux préoccupations essentielles des citoyens.
Pour ce qui est de la priorité absolue – l’économie –, son bilan est décidément mitigé. Les principales préoccupations des électeurs sont le bien-être économique, l’emploi et l’inflation. Inutile de dire que les signes sont loin d’être encourageants.
«Biden a raté l’occasion de réinitialiser sa présidence, notamment en ce qui concerne les problèmes nationaux qui définiront le reste de son mandat.»- Frank Kane
Le taux de croissance est monté en flèche au cours de sa première année de mandat, alors que l’économie américaine commençait à rebondir après les restrictions en lien avec la pandémie, ravivant la demande des consommateurs. Puis une stagnation a eu lieu parce que le marché du travail s’est avéré imprévisible et les goulets d’étranglement de l’approvisionnement mondial ont causé des problèmes aux fabricants et aux consommateurs.
Le problème le plus préoccupant est sans doute la hausse du coût de la vie aux États-Unis. L’inflation a récemment atteint un sommet de 7,5%, son taux le plus élevé en quarante ans. Dans son discours, Biden a déclaré qu’il pourrait dompter le monstre en augmentant la capacité de production de l’économie – en essayant de dépasser l’inflation –, mais la situation mondiale pourrait entraver ces plans.
Sur la question de l’énergie en particulier, où son administration a fait preuve de beaucoup d’hésitation, les consommateurs américains ne seront pas conquis s’ils paient leur essence plus cher et subissent les autres coûts plus élevés qui découlent du pétrole à 100 dollars (1 dollar = 0,91 euro) et plus le baril.
L’autre grande promesse électorale de Biden était d’éradiquer définitivement la Covid-19. Il y avait quelques masques et des coups de poing au Capitole, c’est vrai, mais l’administration – après que plusieurs fausses déclarations de victoire sur le coronavirus ont été contrées par de nouveaux variants – insiste toujours sur la nécessité de la vaccination et du respect des directives de santé publique, plutôt que d’annoncer la fin prochaine de la pandémie. Les États-Unis pourraient encore franchir le seuil d’un million de décès dus à la Covid-19 sous le mandat de Biden.
Les commentateurs s’accordent pour dire que le discours de Biden témoigne d’une grande unité face aux ennemis étrangers, mais qu’il a raté l’occasion de réinitialiser sa présidence, notamment en ce qui concerne les problèmes nationaux qui définiront le reste de son mandat.
Pour le Moyen-Orient, le président fait face à d’énormes défis aux États-Unis, mais risque fort d’être déstabilisé par des événements à l’étranger sur lesquels il n’a que très peu de contrôle.
Au-delà des élections de mi-mandat, il y a l’élection présidentielle en 2024. L’historien Niall Ferguson a établi une comparaison révélatrice entre Biden et le sort du président à un mandat Jimmy Carter, en 1980. Celui-ci avait été battu par Ronald Reagan après l’humiliation internationale en lien avec les otages de l’ambassade de Téhéran. Nous saurons mieux si cette analogie est pertinente en novembre.
Frank Kane est un journaliste spécialisé dans le domaine des affaires, ayant remporté de nombreux prix. Il est basé à Dubaï.
Twitter: @frankkanedubai
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.