Le plan de suppression de la taxe sur l’essence et les limites de l’engagement écologique US

Le président américain, Joe Biden, s’apprête à prendre la parole pour annoncer la fin de la guerre en Afghanistan, à la Maison-Blanche, dans la capitale américaine, Washington, le 31 août 2021. (Photo AP)
Le président américain, Joe Biden, s’apprête à prendre la parole pour annoncer la fin de la guerre en Afghanistan, à la Maison-Blanche, dans la capitale américaine, Washington, le 31 août 2021. (Photo AP)
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Publié le Samedi 19 février 2022

Le plan de suppression de la taxe sur l’essence et les limites de l’engagement écologique US

Le plan de suppression de la taxe sur l’essence et les limites de l’engagement écologique US
  • Selon des informations parues dans le Washington Post, le Conseil économique national, un organe de la Maison-Blanche, envisage de supprimer la taxe de 18,4 cents par gallon
  • Modifier les taxes fédérales pourrait faire une différence dans les chiffres de l’inflation américaine, mais c’est un piètre substitut à une approche équilibrée et stratégique

Il semblerait que l’engagement du président américain, Joe Biden, pour la planète, soit largement tributaire de sa popularité dans les sondages. Alors que les électeurs qui désapprouvent sa candidature pour un nouveau mandat à la Maison-Blanche se font de plus en plus nombreux, il envisage une décision radicale: celle d’annuler la taxe fédérale sur l’essence pour le reste de cette année. 

Cette décision interviendrait pendant la période des élections législatives cruciales de mi-mandat, au cours desquelles les démocrates risquent de perdre le fragile contrôle du Congrès, inaugurant ainsi une présidence de type «canard boiteux» qui ne laisse rien présager de bon pour l’élection présidentielle de 2024.

Selon des informations parues dans le Washington Post, le Conseil économique national, un organe de la Maison-Blanche, envisage de supprimer la taxe de 18,4 cents par gallon que le gouvernement fédéral impose au prix à la pompe.

En réalité, ce serait, pour les consommateurs américains d’énergie, une subvention identique à l’aide pour laquelle d’autres gouvernements dans le monde, en particulier au Moyen-Orient, ont été critiqués, après l’avoir accordée à leurs citoyens.

Si la décision est approuvée – sachant que nombre de personnes au sein des deux ailes du Parti démocrate s’y opposent –, elle aura un double avantage pour Joe Biden.

D’abord, elle permettrait de calmer la colère du puissant lobby automobile aux États-Unis, composé non seulement de compagnies pétrolières et de constructeurs automobiles, mais aussi des conducteurs qui, le plus souvent, sont de potentiels sympathisants de M. Biden, tant qu’ils ne doivent pas payer un prix exorbitant pour l’essence.

Ensuite, elle réduirait considérablement les taux d’inflation globale, qui sont à leur plus haut niveau depuis quarante ans, ce qui contribuerait à ralentir le taux d’augmentation des prix de tous les biens livrés par voie terrestre et de tous les services qui dépendent de la mobilité automobile.

L’un des membres du Congrès soutenant cette mesure déclare qu’il s’agit du «dernier effort pour aider les familles ouvrières et la classe moyenne à surmonter les pressions économiques de la pandémie». C’est une bonne rhétorique dans la mesure où les obstacles de la chaîne d’approvisionnement en lien avec la pandémie de Covid-19 sont responsables d’une partie de la flambée des prix.

Cependant, un facteur bien plus important de l’inflation américaine est la politique énergétique de l’administration. En adoptant une position ouvertement antihydrocarbures depuis son investiture, Joe Biden a ralenti la reprise de l’industrie pétrolière américaine et il a grandement contribué à la tension croissante sur les marchés mondiaux de l’énergie, où le prix du pétrole risque d’atteindre de nouveau la barre des cent dollars (1 dollar = 0,88 euro) le baril.

Si la décision est approuvée – sachant que nombre de personnes au sein des deux ailes du Parti démocrate s’y opposent –, elle aura un double avantage pour Joe Biden 

Frank Kane

L'autre facteur crucial qui a freiné l'essor du pétrole américain a été la vigilance des investisseurs de Wall Street en matière environnementale, sociale et de gouvernance d'entreprise, qui ont consciencieusement insisté pour que les dividendes soient versés et les prêts remboursés par Big Oil (le terme «Big Oil» désigne les six ou sept plus grandes sociétés pétrolières et gazières mondiales cotées en bourse, également appelées «supermajors»).

Cela montre à quel point l’industrie pétrolière américaine a été intimidée depuis l’effondrement des prix en avril 2020 et l’élection, plus tard cette année-là, d’une administration si ouvertement antipétrole qu’il lui a fallu très longtemps avant de remettre ses plates-formes et ses pompes en marche.

La plupart des experts pensaient que des prix de quelque cinquante dollars le baril étaient suffisants pour relancer la production, en particulier dans le bassin permien vital. Les prix étaient au-dessus de ce niveau au cours des douze derniers mois, mais ce n’est que maintenant que l’on assiste à une augmentation importante de l’activité pétrolière américaine.

C’est dans ce contexte que nous devrions tenir compte des appels lancés par les États-Unis aux producteurs de pétrole de l’alliance Opep+ (14 pays de l’Opep plus 10 autres pays) pour accélérer la hausse de production jusqu’à la fin de cette année. Ce régime discipliné de l’Opep+ est à l’origine du rééquilibrage des marchés mondiaux du pétrole depuis l’été 2020. Il est également responsable des hausses des prix du brut qui, dans un avenir proche, permettront au pétrole américain d’être à nouveau rentable sur le plan économique.

Modifier les taxes fédérales pourrait faire une différence dans les chiffres de l’inflation américaine et éventuellement aider les démocrates à éviter un désastre électoral total en novembre. Mais c’est un piètre substitut à une approche équilibrée et stratégique des marchés mondiaux de l’énergie qui reconnaît le rôle essentiel que les hydrocarbures continueront de jouer pour les nombreuses années à venir.

  

Frank Kane est un journaliste spécialisé dans le domaine des affaires, ayant remporté de nombreux prix. Il est basé à Dubaï.  

Twitter: @frankkanedubai

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.