Il y a toujours quelques plaintes au sujet de l’organisation lors du Forum économique mondial (FEM) de Davos – la circulation dans la petite ville, la disponibilité des transports depuis des endroits voisins comme Klosters (où votre humble serviteur choisit généralement de séjourner) –, ainsi que des plaintes d’ordre général sur la logistique.
Mais, compte tenu des contraintes imposées par le lieu choisi, tout se passe plutôt bien.
Vous risquez d’attendre quelques minutes pour monter dans l’une des navettes qui permettent aux délégués de rejoindre le Centre des congrès. Ces quelques instants peuvent être assez désagréables par moins dix degrés, mais les gens arrivent généralement à l’heure à l’endroit qu’ils souhaitent.
Il existe toutefois un aspect de Davos où le FEM est le champion du monde incontesté: l’organisation des grandes sessions plénières qui fournissent la plupart des gros titres de la réunion annuelle.
La formule a fait ses preuves. Une salle aux dimensions impressionnantes avec une scène éclairée par des spots lumineux, sur un fond bleu aigue-marine dont le forum a fait sa marque de fabrique et qui semble en quelque sorte suggérer une activité cérébrale. D’autres organisateurs de forums ont essayé de faire de même, mais ils ont échoué.
Ce n’est cependant pas uniquement le cadre qui fait la différence. Pour les sessions plénières importantes, le FEM sort le grand jeu.
À d’autres moments de la réunion annuelle, vous apercevrez des stars du rap, des célébrités hollywoodiennes ou des artistes sur scène, mais pour une plénière à part entière, le forum connaît son public et il offre sans aucun doute le sérieux et l’actualité qu’il exige.
Klaus Schwab, fondateur et directeur du FEM, est le chef d’orchestre de ces événements symphoniques, et c'est donc à l’occasion des discours d'ouverture et de bienvenue officiels que l’édition 2023 du FEM a été lancée.
Comme le veut la tradition, M. Schwab a invité le président de la Confédération suisse, Alain Berset, à accueillir les délégués et à donner le ton de l’heure suivante.
Dans un clin d’œil à l’orateur suivant, M. Berset a réussi à combiner plusieurs thèmes – la guerre en Ukraine avec le besoin d’égalité sociale et de réforme sociale – dans un court discours qui coche toutes les cases du forum.
C’est Borge Brende, président du forum, qui a présenté Olena Zelenska, la première dame d’Ukraine. Elle a été accueillie par des applaudissements enthousiastes. Tout le monde s’est rué sur le matériel de traduction lorsqu’elle s’est lancée dans un discours en ukrainien.
«Il y a un aspect de Davos où le Forum économique mondial est le champion du monde incontesté: l’organisation des grandes sessions plénières.» - Frank Kane
La performance de Mme Zelenska a été un tour de force, régulièrement interrompu par de longs applaudissements. Elle a réprimandé certains délégués du forum pour avoir traîné des pieds lorsqu’il a fallu soutenir son pays, en déclarant: «Vous avez une telle influence, mais vous ne l’utilisez pas tous.»
Elle a cité une longue liste de crimes russes présumés de Boutcha à Marioupol, jusqu’à la récente attaque contre Dniepr et elle a affirmé qu’elle allait transmettre une lettre de son mari au président chinois, Xi Jinping, sans en révéler le contenu.
Klaus Schwab a ensuite invité la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à prendre la parole. Celle-ci est, à bien des égards, l’archétype de la vedette du forum.
Sophistiquée, éloquente et européenne, elle reprend le thème d’Olena Zelenska, en renouvelant son soutien à l’Ukraine («Nous poursuivrons nos efforts aussi longtemps qu’il le faudra et nous serons toujours aux côtés de nos amis ukrainiens») et en saluant le succès de l’Europe dans l’atténuation de l’arme énergétique russe cet hiver. Les applaudissements retentissent alors de plus belle.
Mais comme tout bon chef d’orchestre, M. Schwab sait quand changer de rythme et il a fait suivre ce discours enthousiasmant par une session de questions-réponses plus terre à terre sur la politique énergétique européenne. «Du progrès dans les initiatives visionnaires», déclare Klaus Schwab, sans aucune pointe d’exagération.
Le mouvement final de la performance était plus prosaïque et digne, mais il respirait une fois de plus le sérieux du FEM. Liu He, vice-Premier ministre de la Chine et éminent décideur économique, a été invité à ajouter quelques commentaires à la politique économique dévoilée lors du 20e Congrès national du Parti communiste chinois.
Son discours a suscité un vif intérêt chez les observateurs sérieux de la Chine qui ont frénétiquement noté chacun de ses mots.
C’était peut-être un final un peu décevant, mais c’est probablement ainsi que M. Schwab l’avait prévu – toujours laisser le public sur sa faim.
Frank Kane est un journaliste spécialisé dans le domaine des affaires, ayant remporté de nombreux prix. Il est basé à Dubaï.
Twitter: @frankkanedubai
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com