La plus grande erreur de Joe Biden tient de sa mauvaise interprétation de son mandat limité

Le président américain Joe Biden, à la Maison Blanche, à Washington, le 13 mai 2021. (Reuters)
Le président américain Joe Biden, à la Maison Blanche, à Washington, le 13 mai 2021. (Reuters)
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Publié le Mardi 07 décembre 2021

La plus grande erreur de Joe Biden tient de sa mauvaise interprétation de son mandat limité

La plus grande erreur de Joe Biden tient de sa mauvaise interprétation de son mandat limité
  • Tous les signes indiquent une victoire républicaine significative lors des élections de mi-mandat
  • Mais comment les choses ont-elles si mal tourné pour les Démocrates ?

L'histoire du monde grec me fascine. C'est en partie en raison de cette idée envoûtante qu’ on pourra comprendre la vie elle-même si l'on parvient à cerner les réalités qui sous-tendent ce monde. Voilà pourquoi je me suis penché dans les premières pages de mon dernier livre, « To Dare More Boldly : The Audacious Story of Political Risk » (Oser avec plus de courage : l'histoire audacieuse du risque politique) , sur la Pythie de Delphes (une prêtresse de l'Antiquité grecque, a fortement marqué les esprits des pèlerins des 7e et 6e siècles av. J-C par ses prophéties hallucinatoires, NDRL); j'ai ainsi perçu les prêtresses d'Apollon comme les premières adeptes de cet art ancien et noble qu'est l'analyse du risque politique.

Au fond de la grotte humide où la Pythie (déesse, NDRL) faisait ses prédictions, une inscription est gravée. Elle incarne la plus importante contribution que l'Antiquité grecque ait apporté à la philosophie : La devise « Connais-toi toi-même » de Socrate. Je viens de rentrer de Washington où j'ai assisté pendant une semaine à des réunions de haut niveau épuisantes. J'ai discuté librement avec des membres éminents des deux partis (le parti démocrate et le parti républicain) en fonction des critères établis par Socrate.

Cette défaillance tient surtout au fait que les deux partis se contentent d'observer l'autre, au lieu d'analyser leur propre situation. Obsédés par les problèmes bien trop réels qui accablent leurs rivaux, ils ne semblent pas pouvoir ni vouloir s'attaquer à leurs handicaps politiques tout aussi flagrants - des problèmes qui épuiseront inévitablement l’un des partis ou les deux à la fois dans le courant des trois prochaines années décisives. Toutefois, ils ne partagent pas la même vision temporelle du péril politique. Si les démocrates se soucient du présent, le GOP (Grand Old Party, Grand Vieux Parti ou parti républicain, NDRL), lui, se préoccupe plutôt des problèmes à moyen terme.

En ce qui concerne les élections de mi-mandat prévues en 2022, l'histoire est favorable aux républicains. Depuis la guerre civile, le parti du président a en effet perdu des sièges à la Chambre des représentants dans 36 des 39 élections de mi-mandat.

Outre ce « remords de l'acheteur » qui marque l’histoire des États-Unis, les Républicains détiennent la part du lion que ce soit dans les chambres ou dans les postes de gouverneur qui commandent le processus de redistribution des sièges de la Chambre des représentants qui se déroule tous les dix ans et se tiendra en 2022. Selon les estimations, le GOP obtiendra 10 à 15 sièges supplémentaires dans les élections de mi-mandat. Puisque les démocrates détiennent actuellement la faible majorité de quatre sièges à la Chambre basse, le parti républicain aurait de fortes chances de reprendre le contrôle de la Chambre en 2022.

En revanche, rien ne laisse présager une victoire écrasante des républicains lors des élections de mi-mandat. Toutefois, tous les signes indiquent une victoire républicaine significative lors des élections de mi-mandat. Cette tendance s'explique par la victoire inattendue du républicain Glenn Youngkin au poste de gouverneur de la Virginie en 2021 (un État que Joe Biden a remporté par un score décisif de 13 points contre Donald Trump un an plus tôt). Un autre facteur déterminant est la défaite des démocrates aux élections de la Chambre des représentants. Par ailleurs, le Sénat (qui est partagé à parts égales entre les deux partis) semble être ouvert à la compétition, même si les républicains détiennent aujourd'hui 20 sièges sur les 34 qui seront élus.

Mais comment les choses ont-elles si mal tourné pour les Démocrates ? Des républicains enthousiastes m'ont décrit les symptômes de la maladie qui frappe le parti démocrate. En premier lieu, l'administration Biden ne peut pas s'attribuer le mérite des réalisations importantes accomplies sur le plan législatif et la mise en œuvre lamentable des lois ne semble pas jouer en sa faveur. Les citoyens financent déjà le projet de loi bipartisan sur les infrastructures qui se chiffre à 1 100 milliards de dollars, ainsi que le projet de loi d'urgence relatif à la Covid-19, qui s'élève à plus de 1 000 milliards de dollars. Les démocrates négocient avec eux-mêmes. Cette situation a produit une scène peu réjouissante pour le public : alors que le monde est plongé dans une lutte historique contre la Covid-19, les démocrates apparaissent mesquins et insignifiants, se regardant le nombril  sans se soucier du pays.

En même temps, les électeurs sont de plus en plus nombreux à penser (à juste titre à mon avis) que le parti démocrate se soucie de tous les problèmes imaginables, à l'exception de l'inflation qui constitue le seul problème pertinent. La chaîne Fox News a réalisé un sondage à la mi-octobre selon lequel 53 % des électeurs se sont dit extrêmement préoccupés par l'inflation ; aucun autre dossier n'a obtenu plus de 50 %.

Alors que l'inflation aux États-Unis a grimpé à 6,2 % le mois dernier et que les démocrates versent l'huile sur un feu déjà brûlant en introduisant leurs factures gigantesques, les électeurs sont de plus en plus nombreux à reprocher au parti au pouvoir de lâcher la bête de l'inflation que Paul Volcker et Ronald Reagan ont étouffée durant 40 ans. L'administration Biden a semble-t-il omis la règle politique fondamentale suivante : le chômage affecte certes une minorité d'électeurs, mais l’inflation excessive pèse quant à elle sur tous les citoyens et se traduit par un alourdissement des taxes affectant le niveau de vie des travailleurs pauvres et celui de la classe moyenne inférieure. Ce phénomène comporte des incidences politiques évidentes et radicales.

Les démocrates comme les républicains savent bien analyser leurs ennemis plutôt que de se critiquer eux-mêmes.

John C. Hulsman

Enfin, Biden sert de contenant vide qui retient les dérives des tendances progressistes de la gauche que représente le Parti démocrate. Il ne cherche pas à combler les failles au sein de la vie politique américaine, à la suite du chaos et de la partialité excessive qui ont marqué le mandat de Trump. On dirait que Biden a oublié qu'il a reçu le soutien des démocrates en 2020 parce qu'il n'était pas favorable à la gauche, contrairement aux sénateurs Bernie Sanders (Vermont) ou Elizabeth Warren (Massachusetts).

Les électeurs ne souhaitaient pas que la nouvelle équipe de Biden se lance dans le programme national le plus ambitieux et le plus gauchiste depuis le discours de Lyndon Johnson sur la « Grande Société » dans les années 1960. Les électeurs préféreraient plutôt que M. Biden inaugure une période de paix et de tranquillité tout en restant modéré et décent. En interprétant de manière erronée son mandat limité, Biden a choisi de faire adopter des factures sociales gigantesques et c'est peut-être là sa plus grande erreur.

 

 

John C. Hulsman est président et directeur associé de John C. Hulsman Enterprises, une importante société mondiale de conseil en risques politiques. Il est également chroniqueur senior pour City AM, le journal de la City de Londres (City of London). Il peut être contacté via johnhulsman.substack.com.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com