La réforme des retraites de Macron montre pourquoi l'Europe est dans l'impasse

Le président français, Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français, Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 18 janvier 2023

La réforme des retraites de Macron montre pourquoi l'Europe est dans l'impasse

La réforme des retraites de Macron montre pourquoi l'Europe est dans l'impasse
  • Il s'agit plutôt de l'incapacité manifeste de l'Europe à se réformer
  • Compte tenu de la lenteur de l'économie européenne, le filet de sécurité trop généreux ne peut plus être accordé

Pitié pour le pauvre Emmanuel Macron. C'est la tragédie du président français d'être un homme suprêmement rationnel dans un monde suprêmement irrationnel. Ce leader compétent, qui est certainement l'un des meilleurs et des plus brillants de sa génération, est une fois de plus coincé dans le bourbier de la politique interne qui est au point mort. Mais il ne s'agit pas d'un contretemps spécifiquement français. Il s'agit plutôt de l'incapacité manifeste de l'Europe à se réformer. Et sans réforme, la décomposition interne est inévitable.

La proposition controversée de Macron concernant la réforme des retraites en France ne souligne rien de moins que la raison pour laquelle le continent est décidément en déclin. Les efforts politiques sont invariablement trop lents, trop faibles et trop impopulaires pour une société en déclin qui ne veut tout simplement pas changer, quels que soient les calculs ou les conséquences.

Le calcul est assez simple. Selon la Banque mondiale, en 1967 (l'année de ma naissance), l'espérance de vie moyenne en France était de 71 ans. En 2020, elle aura grimpé à 82 ans. Il est certes fantastique que les gens vivent une décennie entière de plus en si peu de temps, mais la charge supplémentaire pour l'État doit être payée, sinon le système de retraite s'effondrera rapidement. La façon évidente d'y parvenir est que tout le monde travaille un peu plus longtemps afin de maintenir la solvabilité du système de retraite. Mais, en termes d'économie, la voie rationnelle n'a jamais été la voie française.

Commençons par l'impopularité que le public français réserve à toute réforme qui fait appel aux mathématiques ou à la réalité. Un sondage réalisé au début du mois de janvier a révélé que 68% des personnes interrogées étaient opposées au projet de Macron qui est lié à faire passer l'âge de la retraite de 62 ans à 64 ans, ce qui n'est toujours pas le cas. Plus kafkaïen encore, un autre sondage a révélé qu'environ 55% des personnes interrogées souhaitaient que l'âge de la retraite reste tel quel, voire qu'il soit abaissé de manière désastreuse à 60 ans, au mépris de toute compréhension de l'économie.

Fidèles à eux-mêmes, les populistes français de gauche et de droite alimentent cyniquement la fuite des réalités de leurs concitoyens. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, désireux de blesser encore plus politiquement le président français impopulaire, se mobilisent contre sa réforme franchement timide. Au moins, Macron a le courage de dire franchement: «La vérité, c'est qu'il faut travailler plus et produire plus dans notre pays si nous voulons conserver le modèle social français.» Son problème, c'est que son peuple est allergique à la vérité, car cela l'amènerait à travailler plus et plus longtemps. Ce problème fondamental de décadence explique à la fois la lenteur et la timidité des efforts de réforme européens.

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«La France est effectivement ruinée. Ce n'est pas en augmentant l'âge de la retraite de quelques années dérisoires que l'on changera ce constat élémentaire et accablant.»

    John C. Hulsman

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À l'instar du héros tragique grec Sisyphe, puni par Hadès, le dieu des Enfers, en étant contraint de faire rouler un rocher géant en haut d'une colline pour qu'il retombe éternellement en bas, Macron a déjà tenté de faire adopter des réformes de retraites lors de son premier mandat. Comme toujours, la rue française hystérique et économiquement analphabète, bien plus que le Parlement relativement faible de la Cinquième République, a poussé des cris d'alarme. Pour sauver la face, Macron a blâmé la pandémie et a mis la réforme au placard.

Cette fois, son effort héroïque est encore plus périlleux. En plus de la rue agitée, pour la première fois depuis 1988, la France se retrouve avec un Parlement sans majorité. Le parti de Macron ne dispose que de 245 sièges, soit 44 de moins qu'une majorité à l'Assemblée nationale, la chambre basse du pays. Les autres formations les plus importantes étant l'extrême-gauche de Mélenchon et l'extrême-droite de Le Pen, le président français devra compter sur les gaullistes de centre-droit, très affaiblis, pour faire passer son plan de réformes.

Même en supposant que cela se produise, ce qui n'est sûrement qu'une chance sur deux, les réformes de Macron ne changeront pas grand-chose. La dette publique atteint le niveau astronomique de 112% du PIB; comme c'est le cas pour la plupart des États corporatistes occidentaux, la France est effectivement ruinée. Augmenter l'âge de la retraite de quelques années dérisoires ne changera pas ce fait fondamental et accablant.

Le luxueux modèle européen de retraite a fleuri dans les années 1960, lorsque la productivité du continent faisait l'envie du monde entier. Un État riche et en plein essor a les largesses nécessaires pour mettre en place et maintenir un généreux filet de sécurité sociale. Mais que se passe-t-il lorsque ce même continent est économiquement sclérosé, avec des taux de croissance régulièrement inférieurs à un maigre 2% du PIB, des taux de productivité qui stagnent et aucune création de grandes entreprises mondiales à l'horizon? Ce n'est pas un hasard si les grandes entreprises technologiques (Apple, Microsoft, Google, Meta et autres) sont nées aux États-Unis, pays plus libre sur le plan économique. C'est plutôt le résultat logique du triomphe d'un système de marché plus libre sur un système étatique.

Sans l'appui de l'économie, qui peut dire la vérité aux gens? Compte tenu de la lenteur de l'économie européenne, le filet de sécurité trop généreux ne peut plus être accordé. Ce n'est certainement pas une réalité que les Européens en déclin sont prêts à accepter. Les conséquences de la non prise en considération de la réalité économique sont aussi claires qu'elles sont accablantes. La dette de l'Europe va monter en flèche, alors qu'elle est de plus en plus distancée par les grandes puissances comme les États-Unis et les puissances émergentes comme l'Inde. Les efforts de Macron en matière de réforme des retraites ne sont que le canari dans la mine de charbon de ce processus plus large et fondamental de déclin européen.

 

John C. Hulsman est président et associé directeur général de John C. Hulsman Enterprises, une importante société de conseil en matière de risque politique mondial. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la ville de Londres. Il peut être contacté via johnhulsman.substack.com.

 

Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com