À la recherche de partenaires européens, la Chine se heurte à des controverses

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Publié le Lundi 31 août 2020

À la recherche de partenaires européens, la Chine se heurte à des controverses

À la recherche de partenaires européens, la Chine se heurte à des controverses
  • Peu après la dernière visite du Secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, sur le continent, M. Wang vient insinuer, cette semaine, que Beijing est un partenaire plus fiable que Washington et Donald Trump
  • Dans les pays d’Europe centrale et orientale, l’influence grandissante de Beijing est perceptible dans les sommets dits « 16+1 » qu’accueille la Chine

La tournée du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, dans cinq pays européens, est une tentative discrète de souder des alliances européennes. À la place, il s’est heurté à des problèmes épineux, dont la question de Hong Kong, qui ont soulevé des controverses et des défis.

La Chine a choisi la fin du mois d’août pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est la saison des vacances en Europe, ce qui éviterait à Beijing de faire face à des manifestations, en cette période troublée et peu adéquate pour entretenir des relations bilatérales. Cependant, des sujets comme l'imposition par la Chine d'une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, ainsi que les droits des ouïgours musulmans au Xinjiang, ont été discutés avec Wang lors de sa visite en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Norvège et en France. Pire encore, il été reçu par des manifestations de députés et d’eurodéputés de la nouvelle Alliance Interparlementaire pour la Chine.

Le choix de la date de la tournée, la première qu’effectue Wang depuis février, s’explique deuxièmement par les décisions difficiles liées à la Chine que plusieurs États européens vont prendre, dans quelques mois. Parmi ces décisions : permettre à Huawei de faire partie de leurs réseaux 5 G. Peu après la dernière visite du Secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, sur le continent, M. Wang vient insinuer, cette semaine, que Beijing est un partenaire plus fiable que Washington et Donald Trump.

L’Europe devient, de plus en plus, un théâtre important pour la Chine. De plus, la montée en puissance de la Chine  a trouvé un terrain ouvert sur le continent européen ces dernières années. L’an dernier, par exemple, l’Italie a été le premier pays à approuver l’« Initiative Ceinture et Route » (Belt and Road Initiative, BRI).

Alors que l’Italie n’est pas considérée comme un acteur majeur sur la scène mondiale, son approbation (critiquée par les États-Unis), reste significative, vue l’importance systémique de Rome en Europe. Pays du G7, mais aussi troisième plus grande économie de la zone euro, l’Italie constitue le plus grand défi au futur de l’union monétaire, étant donné son endettement, le deuxième parmi les pays européens.

Dans les pays d’Europe centrale et orientale, l’influence grandissante de Beijing est perceptible dans les sommets dits « 16+1 » qu’accueille la Chine. Leur but est d’intensifier et de développer la coopération dans les domaines de l’investissement, du transport, de la finance, des sciences, de l’éducation et de la culture.

Les tendances clés sont de plus en plus perceptibles dans les interventions de la Chine en Europe. Beijing, de son côté, s’efforce d’adapter son approche aux besoins spécifiques de chaque État ou bloc ou pays, comme elle l’a fait dans le sommet des « 16+1 ». En outre, l’ouverture de la Chine n’est pas gratuite, si l’on prend l’exemple de l’Italie qui a incorporé le BRI en contrepartie des investissements chinois.

Toutefois, même si la Chine a fait des percées diplomatiques sur le continent, ces dernières années, les relations se sont détériorées en 2020 après la pandémie, notamment en Europe occidentale. Certains pays mettent en question la transparence de Beijing au sujet de l’origine du coronavirus.

Simultanément, d’autres problèmes ont surgi : les répressions à Hong Kong ainsi que la pression exercée sur l’Europe par le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie pour interdire l’utilisation  d’équipements Huawei dans ses réseaux.

Un nouveau frisson dans l’air, quand le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell a annoncé que la Chine n’est pas seulement un partenaire économique, mais aussi un « rival systémique dans la promotion d’autres modèles de gouvernance ». Bruxelles observe non sans inquiétude, l’intérêt croissant de Beijing pour l’Europe et considère qu’elle veut « diviser et régner : pour  saper les intérêts collectifs du contient ».

Ainsi, l’Italie et d’autres pays d’Europe centrale ont approuvé l’Initiative Ceinture et Route. Cependant d’autres États, dont la France, ont des réserves. Surtout que Beijing tarde à ouvrir son économie, et que les entreprises chinoises contrôlent des secteurs clés, aux dépens des entreprises européennes.

Dans ce contexte, de nombreux pays principaux d’Europe orientale réexaminent  soigneusement leurs rapports avec Beijing. Si les relations de l’Atlantique avec les États-Unis n’étaient pas aussi fragiles, certains dirigeants du continent auraient certainement montré une opposition plus ferme à l’égard de la Chine.

Dans l’état actuel des choses, les liens entre les États-Unis et l’Europe sont incertains. La rencontre la semaine dernière entre Wang et les dirigeants européens était plutôt une audience judicieuse où des sujets irritants ont été discutés, mais aussi des sujets d’intérêt commun, comme l’importance d’un système commercial multilatéral ouvert, et le changement climatique.

En dépit des tensions post-pandémie, l’Europe comme la Chine admettent que leur partenariat sera fructueux, surtout avec l’incertitude dans les relations avec les États-Unis sous la gouvernance de Trump. Toutefois, la tournée de Wang vient rappeler que la fenêtre d’opportunités ne restera pas indéfiniment ouverte, surtout si des problèmes supplétifs viennent d’emblée troubler les relations. À savoir que la Maison Blanche attend un nouveau président en janvier.

Andrew Hammond est associé au centre des affaires internationales, de la diplomatie et de la stratégie IDEAS de LES à la London School of Economics

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com