Biden aspire à laisser un héritage en matière de politique étrangère

Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'un événement à la Maison Blanche à Washington. (Reuters)
Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'un événement à la Maison Blanche à Washington. (Reuters)
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Publié le Dimanche 11 août 2024

Biden aspire à laisser un héritage en matière de politique étrangère

Biden aspire à laisser un héritage en matière de politique étrangère
  • Joe Biden considérait la région Asie-Pacifique comme un élément clé de sa politique étrangère lorsqu'il a entamé son mandat présidentiel en 2021
  • Toutefois, la crise à Gaza et au Moyen-Orient depuis la fin de l'année 2023, ainsi que l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, ont modifié les priorités de son administration de manière conséquente et inattendue

Joe Biden considérait la région Asie-Pacifique comme un élément clé de sa politique étrangère lorsqu'il a entamé son mandat présidentiel en 2021. Toutefois, la crise à Gaza et au Moyen-Orient depuis la fin de l'année 2023, ainsi que l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, ont modifié les priorités de son administration de manière conséquente et inattendue.

Le Moyen-Orient demeure au centre des préoccupations de l'équipe Biden. En effet, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a écourté d'une journée un récent voyage en Asie pour pouvoir assister à une réunion à la Maison Blanche entre M. Biden et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou le 25 juillet.

Néanmoins, à environ six mois de la fin de leur mandat, Joe Biden et Antony Blinken cherchent toujours à laisser un héritage en matière de politique étrangère dans la vaste région de l'Asie-Pacifique.

C'est dans cette optique, et pour réitérer l'engagement des États-Unis dans la région, que M. Blinken s'est entretenu avec ses alliés lors de son récent voyage dans la région. Les réalisations de l'équipe Biden comprennent le développement de partenariats plus étroits dans la région depuis 2021, notamment avec l'Inde, le Japon, l'Australie, la Corée du Sud et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est.

En outre, en octobre 2021, M. Biden a déclaré que les États-Unis, sous son mandat, défendraient Taïwan en cas d'attaque de la Chine, ce qui constituait une rupture apparente avec la position de longue date de Washington en matière de politique étrangère, autrement dit l'« ambiguïté stratégique » sur cette question. Alors que la Maison Blanche affirmait qu'il n'y avait eu « aucun changement dans notre politique » le président chinois Xi Jinping s'est plaint que les États-Unis cherchaient « à nous contenir, à nous encercler et à nous réprimer ».

C'est dans ce contexte qu'est intervenu le voyage de M. Blinken le mois dernier. Il s'agissait de sa dix-huitième visite dans la région depuis sa prise de fonction en 2021 et elle a eu lieu très peu de temps après le retrait de M. Biden de la course à la présidence en 2024. L'objectif général de cette visite, qui pourrait être la dernière en tant que secrétaire d'État, était de « promouvoir une Asie-Pacifique libre et ouverte ».

Il était également nécessaire de rassurer sur la politique américaine dans la région sous le prochain président. Les alliés en Asie sont très inquiets de ce qu'une deuxième présidence Trump pourrait apporter, notamment parce que lorsqu'il était en fonction entre 2017 et 2021, il a indiqué que la présence militaire américaine au Japon et en Corée du Sud, qui dure depuis six décennies, pourrait être réduite ou entièrement supprimée.

L'équipe Biden, quant à elle, prévoit d'établir au Japon un nouveau quartier général de la force conjointe pour les quelque 55 000 militaires américains qui y sont stationnés. Il s'agirait d'un contrepoint au commandement des opérations conjointes prévu par le Japon pour ses propres forces armées.

La visite de M. Blinken en juillet, sa plus longue tournée dans la région en tant que secrétaire d'État, comprenait des visites dans six pays. Elle a débuté au Laos, où il a assisté au forum régional annuel de l'ANASE aux côtés des ministres des Affaires étrangères des États membres de l'ANASE et de puissances régionales telles que la Chine, l'Australie, le Japon, la Russie, la Corée du Sud et l'Inde.

À environ six mois de la fin de leur mandat, MM. Biden et Blinken s'efforcent de laisser un héritage en matière de politique étrangère dans la vaste région de l'Asie-Pacifique.

- Andrew Hammond

Il s'est ensuite rendu au Viêt Nam pour présenter ses condoléances à la suite du décès du dirigeant communiste Nguyen Phu Trong. L'année dernière, Washington et Hanoï ont renforcé leurs liens, les portant au niveau d'un partenariat stratégique global. En outre, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a proposé le Viêt Nam comme destination de « friendshoring » pour aider à diversifier les chaînes d'approvisionnement américaines en les éloignant de la Chine, en prévision d'une décision américaine imminente qui pourrait faire passer le Viêt Nam au statut d'« économie de marché ».

M. Blinken s'est également rendu à Tokyo, où le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, et lui-même, ont tenu des entretiens « 2+2 » avec leurs homologues japonais, au cours desquels ils ont conclu que la « politique étrangère de la Chine cherchait à remodeler l'ordre international dans son propre intérêt et au détriment des autres ». Ils ont également participé à une réunion des nations dites « quad » avec leurs homologues japonais, australiens et indiens.

M. Austin a également rejoint M. Blinken aux Philippines pour de nouvelles discussions « 2+2 », étant donné que Manille, comme Tokyo, a conclu un traité de défense mutuelle avec les États-Unis. Les deux dernières étapes importantes de la tournée ont été Singapour et la Mongolie.

Toutes ces activités montrent que MM. Biden et Blinken n'ont pas abandonné leur ambition à long terme de renforcer l'accent mis par les États-Unis sur la région de l'Asie-Pacifique. Et ce, même si le plus grand héritage international de M. Biden en tant que président pourrait être sa défense résolue de l'Ukraine et son action politique plus large qui a contribué à renforcer la fragile alliance occidentale.

Si la Russie demeure la principale menace immédiate pour les intérêts de Washington en matière de sécurité, cela n'a guère modifié l'opinion de l'administration selon laquelle Pékin reste le principal défi à long terme.

Au Laos, M. Blinken a réitéré ce point à son homologue chinois, Wang Yi, et a exprimé des préoccupations spécifiques concernant les « actions déstabilisatrices » de Pékin dans la mer de Chine méridionale, par laquelle transitent chaque année des milliers de milliards de dollars de commerce maritime vers des destinations comme les Philippines, qui, depuis l'élection du président Ferdinand Marcos Jr. en juin 2022, se sont rapprochées des États-Unis.

M. Blinken a également critiqué le soutien important apporté par la Chine à la base industrielle de défense de la Russie, dont les dirigeants de l'Otan ont récemment déclaré, dans une déclaration commune, qu'elle avait été un « catalyseur décisif » de la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine. Ces derniers mois, les États-Unis et l'Europe ont accusé Pékin d'envoyer de grandes quantités de biens à double usage à Moscou et ont sanctionné des entreprises à Hong Kong et en Chine continentale.

La rencontre de M. Blinken avec son homologue chinois fait également suite à la récente interception par le commandement de la défense aérospatiale nord-américaine de deux bombardiers russes et de deux bombardiers chinois près de l'Alaska. C'était la première fois que des avions de ces pays étaient repérés dans la région et qu'ils opéraient de manière coordonnée.

Si l'on considère l'ensemble de ces éléments, les six prochains mois pourraient représenter l'une des périodes les plus importantes de l'histoire récente de l'Asie-Pacifique, alors que MM. Biden et Blinken cherchent à consolider leur héritage dans la région.

Alors que les incertitudes entourant un éventuel second mandat de Trump ne cessent de croître, des efforts déterminés seront déployés pour redoubler l'attention portée par les États-Unis à la région.

Andrew Hammond est chercheur associé au LSE IDEAS, à la London School of Economics.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com