Près de 850 jours après le début de la guerre en Ukraine, la perspective d'un accord durable pour mettre fin au conflit semble toujours aussi lointaine, malgré la tenue d'un sommet pour la paix en Suisse la semaine dernière, auquel ont participé des représentants d'une centaine de pays.
C'est en partie pour cette raison que les dirigeants occidentaux, dont le chancelier allemand Olaf Scholz et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ont également organisé la semaine dernière une conférence distincte de deux jours sur le redressement de l'Ukraine avec le président Volodymyr Zelensky. Nombre de ces dirigeants considèrent que les enjeux internationaux de la reconstruction de l'Ukraine sont si importants que tout échec pourrait avoir des conséquences profondes non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour l'ensemble de la région et de l'Occident.
La reconstruction de la nation ressemblera à ce qui s'est passé en Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale, en Europe de l'Est après la guerre froide et dans les Balkans occidentaux après l'éclatement de la Yougoslavie. Elle coûtera plus de 1 000 milliards de dollars et constituera l'effort de reconstruction d'après-guerre le plus ambitieux du XXIe siècle.
La semaine dernière, à Berlin, l'Union européenne a annoncé plusieurs nouveaux engagements financiers importants, qui s'ajoutent aux quelque 100 milliards de dollars que les 27 membres de l'Union ont déjà versé à Kiev sous forme de soutien financier, humanitaire, d'urgence, budgétaire et militaire.
Parmi ces annonces figurent des accords d'une valeur de 1,6 milliard de dollars avec des banques partenaires afin d'attirer les investissements du secteur privé en Ukraine, la mise à disposition de 2 milliards de dollars supplémentaires au titre du mécanisme d'aide de l'UE à Kiev d'ici la fin du mois de juin, et plus de 500 millions de dollars pour des réparations urgentes dans le secteur énergétique ukrainien par l'intermédiaire du Fonds européen d'appui à la production d'énergie. Zelensky a déclaré à la conférence que, dans les mois à venir, l'Ukraine aura besoin d'urgence d'équipements de chauffage et de réparations pour les centrales électriques actuellement hors service. Il a précisé que 9 gigawatts de capacité de production d'électricité ont été détruits, dont 80 % d'énergie thermique et 33 % d'énergie hydroélectrique.
Ainsi, bien que la guerre continue de faire rage, les décideurs occidentaux pensent désormais plus intensément à la reconstruction. Lors du sommet du G7, ce mois-ci, l'Ukraine était également en tête de l'ordre du jour. L'annonce la plus remarquée a été celle d'un prêt de 50 milliards de dollars du G7 au pays, qui utilisera les bénéfices des 300 milliards de dollars d'actifs russes gelés par l'Occident pour augmenter le financement de Kiev.
Plusieurs autres accords de sécurité ont été conclus avec Kiev, notamment un bilatéral de dix ans avec les États-Unis, considéré par de nombreux Occidentaux comme un tremplin potentiel pour l'Ukraine sur la voie de l'adhésion à l'OTAN.
Il comprend des engagements en faveur d'une aide prolongée dans les secteurs de la formation militaire, l'assistance économique et l'échange de renseignements.
Au-delà des questions d'argent et de sécurité, se pose toutefois la question de la stratégie politique occidentale à l'égard de l'Ukraine. Celle-ci est liée au futur élargissement de l'UE.
Tant que les combats à grande échelle n'auront pas pris fin, une grande partie du processus de reconstruction massive de l'Ukraine restera gelée.
Andrew Hammond
Le processus d'intégration européenne a débuté dans les années 1950, lorsque les six membres fondateurs de l'Union – l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg – ont cherché à prévenir l'éventualité d'une nouvelle guerre de grande ampleur sur le continent. Au cours des décennies qui ont suivi, l'UE n'a cessé de s'étendre, le Brexit mis à part, tout en défendant l'idée que l'intégration économique et politique entre les nations est le meilleur moyen de promouvoir la prospérité générale et la paix.
Cette approche a préparé la création de la monnaie unique, l'euro, en 1999, et l'adhésion, en 2004, de dix nouveaux membres issus de l'Europe centrale et orientale anciennement communiste.
Toutefois, ces dernières années, le processus d'élargissement de l'UE et l'admission éventuelle de nations telles que la Turquie et les pays des Balkans occidentaux ont été beaucoup plus difficiles que pour les pays d'Europe centrale et orientale il y a 20 ans. Cette situation reflète la « lassitude » qui s'est installée après l'élargissement de 2004. Suite à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, et à la crise de la zone euro en 2009-10, Bruxelles a fixé des conditions plus strictes pour les réformes dans les pays en voie d'adhésion.
Après avoir stagné pendant des années, le programme d'élargissement de l'UE a été revitalisé à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, et le Conseil européen a cherché à accélérer le processus d'adhésion de la nation. Mme Von der Leyen a déclaré la semaine dernière à Berlin que les négociations d'adhésion commenceraient à la fin de ce mois, Kiev ayant rempli les conditions de réformes nécessaires pour devenir membre de l'Union.
Cependant, bien que la candidature de l'Ukraine suscite de nombreuses discussions, le président français Emmanuel Macron, en particulier, a averti qu'il faudrait plusieurs décennies pour que Kiev devienne un membre à part entière de l'UE.
Si le processus d'élargissement de l'UE peut sembler sans rapport avec la reconstruction de l'Ukraine, ils sont en fait étroitement liés aux yeux de nombreuses parties prenantes. On s'attend généralement à ce que le processus d'adhésion à l'UE se déroule parallèlement à la reconstruction. Cela s'explique en partie par le fait que l'on reconnaît la nécessité de changements politiques et institutionnels plus larges en Ukraine, à la suite des critiques formulées avant la guerre sur plusieurs questions, dont la corruption.
L'Ukraine a élaboré un plan de redressement national qui définit la feuille de route initiale du pays, non seulement pour la reconstruction, mais aussi pour la transformation du pays. Ce plan est divisé en trois phases : besoins immédiats, besoins à moyen terme et besoins à plus long terme pour une période de modernisation s'étendant jusqu'aux années 2030.
La première étape de ce plan est donc en cours, notamment le travail des autorités locales pour nettoyer les zones endommagées et restaurer les installations clés détruites par la guerre.
La phase suivante, qui pourrait débuter immédiatement après la fin des hostilités de masse, se concentrera davantage sur le rétablissement, dont la restauration de la distribution de l’eau et la mise en place de logements. Ce n'est qu'après cela que l'on pourra éventuellement procéder à une véritable réhabilitation des infrastructures et des systèmes de transport ukrainiens, ce qui constituera la phase la plus coûteuse et la plus longue du processus.
Ainsi, même si la guerre risque de durer encore longtemps, l'événement de la semaine dernière à Berlin, ainsi que les conférences du G7 et de la Suisse, ont néanmoins relancé l'agenda de la reconstruction. Toutefois, l'avenir immédiat de l'Ukraine reste une question de survie, dans un contexte de nouvelles attaques russes, et tant que les combats à grande échelle n'auront pas pris fin, une grande partie du processus de reconstruction restera gelée.
- Andrew Hammond est associé à LSE IDEAS à la London School of Economics.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com