Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'UE a redéfini ses priorités en matière de sécurité énergétique en s'éloignant des combustibles russes dans son bouquet énergétique. Toutefois, jeudi, l'Union a opéré un virage important vers l'action climatique, en franchissant une nouvelle étape clé vers la réalisation de ses ambitions en matière d'émissions nettes de gaz à effet de serre.
Bon nombre des 27 pays de l'UE sont fiers de leur intention de devenir le premier continent à atteindre l'objectif de zéro émission nette avant 2050. Malgré la guerre en Ukraine, l'importance de cet objectif pionnier est largement reconnue, le « Green New Deal » européen englobant plus de 50 initiatives majeures en matière de développement durable depuis que le programme politique a été annoncé par la Commission dirigée par Ursula von der Leyen.
Cela a aidé le bloc des 27 membres à se refaire une image de superpuissance verte mondiale, ce qui, espère-t-il, lui assurera un nouveau souffle politique. Cette évolution intervient après plusieurs décennies difficiles qui ont vu naître des défis, tels que l'euroscepticisme croissant, et de multiples crises financières.
Tout au long de ce parcours, des obstacles prévisibles se sont dressés devant l'ambition climatique de l'Europe. L'un de ces obstacles, par exemple, est le retour de bâton politique (ou « greenlash ») de la droite politique qui comprend non seulement des groupes populistes, mais aussi le Parti populaire européen (PPE), le bloc le plus important du Parlement européen.
À l'inverse, des obstacles inattendus sont également apparus, notamment l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Un autre obstacle imprévu à la mise en œuvre de mesures climatiques, cité par les gouvernements, est le traité de 1998 sur la charte de l'énergie, signé par des dizaines de nations, qui visait à l'origine à protéger les investissements internationaux dans les États post-soviétiques riches en pétrole.
En dehors de l'UE, les signataires actuels sont l'Afghanistan, l'Albanie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, l'Islande, le Japon, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie, la Suisse, le Tadjikistan, la Turquie, le Turkménistan, l'Ukraine et l'Ouzbékistan. Ce traité international permet aux entreprises du secteur de l'énergie de poursuivre les gouvernements pour des politiques qui nuisent à leurs investissements. Ces dernières années, l'accord a été de plus en plus critiqué par les ONG et certains gouvernements, car il permet aux entreprises de contester des décisions politiques qui entraîneraient la fermeture de centrales à combustibles fossiles, alors que les pays s'efforcent d'atteindre l'objectif « zéro émission nette ».Jusqu'à présent, les pays de l'UE ont été la cible d'environ 90 % des litiges liés au traité sur la charte de l'énergie, en partie à cause de l'ambition climatique importante de la région. Par exemple, les 27 États membres de l'UE se sont engagés dans une voie ambitieuse, telle que définie dans la stratégie RePowerEU, afin d'accroître l'utilisation des énergies propres tout en économisant près de 20 % de la consommation d'énergie.
Parmi les succès enregistrés dans le domaine des énergies renouvelables au cours de la première année de cette stratégie, on peut citer le record de 41 GW de nouvelles capacités d'énergie solaire installées et l'augmentation de 16 GW de la capacité éolienne. Cela a permis de produire, pour la première fois, plus d'électricité dans l'UE à partir de sources éoliennes et solaires qu'à partir de gaz.
La décision de l'UE de quitter le traité sur la Charte de l'énergie est largement saluée par les ONG comme une nouvelle étape clé sur la voie de l'action climatique.
Andrew Hammond
Ces dernières années, un flux constant de pays européens, membres ou non de l'UE, ont fait part de leur intention de quitter le traité sur la Charte de l'énergie, notamment l'Italie en 2016. Plus récemment, le Royaume-Uni a également annoncé le mois dernier sa décision de quitter le traité. En juillet dernier, la Commission européenne a proposé pour la première fois que les 27 États membres de l'UE quittent le traité de manière coordonnée à l'échelle du bloc. À ce jour, neuf États membres ont annoncé leur intention de se retirer du traité sur la charte de l'énergie depuis l'Italie : le Danemark, la France, l'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Slovénie et l'Espagne. Entre-temps, la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Pologne ont officiellement notifié leur retrait.
En revanche, un certain nombre d'autres pays de l'UE, dont Chypre, la Finlande et la Hongrie, ont exprimé le souhait de rester dans le traité. Par ailleurs, d'autres membres de l'Union ont insisté sur la nécessité de soutenir les efforts internationaux visant à réformer le traité.
Jusqu'en février, ces divisions au sein de l'UE avaient retardé toute action décisive, mais une percée a soudainement été réalisée lors des négociations de cette année. La semaine dernière, la Commission européenne a proposé qu'avant de quitter le traité, les pays de l'UE permettent aux réformes d'être adoptées lors de la conférence sur le traité de la charte de l'énergie, qui devrait avoir lieu en novembre, tout en permettant à l'UE et à Euratom, la Communauté européenne de l'énergie atomique, de quitter le traité.
Il ne s'agit pas seulement d'un exemple de politique pragmatique en action pour parvenir à un accord. Il permet également aux gouvernements des États membres de réviser le TCE de manière à réduire de moitié (de 20 à 10 ans) la période pendant laquelle les entreprises énergétiques non européennes continueront à bénéficier des protections du pacte pour leurs investissements dans l'ensemble de l'Union après la sortie du traité.
Le programme de réforme du traité sur la charte de l'énergie prévoit d'étendre les dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États aux technologies propres, telles que le captage du carbone et l'hydrogène. Toutefois, cette série de réformes proposées, qui, selon certaines ONG et certains gouvernements, protègent encore trop les entreprises du secteur des combustibles fossiles, doit être approuvée à l'unanimité par les quelque cinquante pays signataires du traité. Cet accord a échoué en 2022, lorsque la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne ont empêché le Conseil de l'UE d'approuver les révisions potentielles du traité sur la Charte de l'énergie.
L'Europe espère maintenant que les entreprises du secteur de l'énergie orienteront de plus en plus leurs investissements sur le continent vers des combustibles plus propres. Les fonctionnaires de l'UE estiment qu'il faudra environ 700 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an pour parvenir à des émissions nettes nulles d'ici à 2050, et que le rôle du secteur privé est donc essentiel.
Dans l'ensemble, la décision de l'UE de quitter le traité sur la Charte de l'énergie est largement saluée par les ONG, qui y voient une nouvelle étape clé sur la voie de l'action climatique. L'Europe espère de plus en plus que les investissements seront réorientés des combustibles fossiles vers des énergies plus propres qui aideront la région à devenir la première à atteindre une consommation nette nulle avant 2050, l'objectif clé du Green New Deal de l'Union européenne.
Andrew Hammond est associé à LSE IDEAS à la London School of Economics.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com