Bien qu’il ne soit resté au pouvoir que moins de trois ans, l’ancien président américain, John F. Kennedy, a été longtemps perçu, tant par le peuple américain que sur le plan international, comme l’un des meilleurs occupants de la Maison Blanche. On se souvient peut-être mieux de la présidence de Kennedy pour ses réalisations en matière de politique étrangère, mais il a également enthousiasmé un grand nombre de personnes par ses réalisations au niveau national.
Mercredi marquait le 60e anniversaire de l'assassinat de JFK, comme on le connaît communément. Le 22 novembre 1963 est l’une de ces dates qui marquent l’Histoire pour toutes les mauvaises raisons. Sa présidence a toutefois des implications à long terme sur la politique et les relations internationales. Cela est d’autant plus évident en raison du manque aigu de diplomatie ces dernières années. En effet, le climat anti-intellectuel qui a porté au pouvoir un populiste comme Donald Trump dénigre très fortement la notion même d’un tel leadership.
Les succès de Kennedy en matière de politique intérieure ont été d’autant plus notables, compte tenu de sa courte victoire sur le vice-président de l’époque, Richard Nixon, lors de l’élection présidentielle de 1960, et de son manque de liens étroits avec un grand nombre d’importants membres du Congrès. Cela a entravé l’adoption de plusieurs éléments clés de ce que JFK a appelé sa politique de «Nouvelle Frontière».
Néanmoins, des succès majeurs ont été obtenus dans ce programme national, notamment les soins médicaux pour les personnes âgées, l'aide fédérale à l'éducation, ainsi que la création du département du logement et du développement urbain, qui existe toujours aujourd'hui. JFK a également ouvert la voie à une législation américaine historique sur les droits civiques, qui a finalement été adoptée par son successeur, Lyndon B. Johnson, dans le cadre de son programme de «Grande Société».
Grâce à son habile rééquilibrage entre puissance dure et puissance douce, JFK a puissamment renouvelé le leadership mondial des États-Unis
Andrew Hammond
Ainsi, en matière de politique intérieure, JFK a eu un bilan législatif moins significatif que Johnson. Les historiens ont tendance à qualifier la présidence de JFK de «bonne» plutôt que d’«importante», en grande partie pour cette raison.
Compte tenu des contraintes pesant sur sa politique intérieure, une grande partie du mandat de JFK a été consacrée aux affaires étrangères. Grâce à son habile rééquilibrage entre puissance dure et puissance douce, il a puissamment renouvelé le leadership mondial des États-Unis au début des années 1960, contribuant ainsi à dégeler le permafrost de la Guerre froide. À une époque où la rivalité américano-soviétique devenait fortement militarisée, une partie du génie politique de JFK consistait à comprendre que la compétition entre superpuissances était autant une bataille des idées qu’une question de force militaire.
Sur ce point, ces projections d’espoir et d’optimisme, ainsi que son discours émouvant, ont séduit aussi bien au niveau du peuple américain que sur le plan international, notamment derrière le Rideau de fer. On peut citer parmi ses discours marquants celui de juin 1963 à Berlin, où il a exprimé la solidarité des États-Unis avec ce qui était alors l'Allemagne de l'Ouest, ou encore son discours de septembre 1962 «Nous choisissons d'aller sur la Lune».
Son désir de rétablir les relations américano-soviétiques a également été exprimé de manière éloquente, notamment dans un discours convaincant prononcé à l’Université américaine de Washington en juin 1963, peu après la crise des missiles de Cuba. Il avait même été décrit à l’époque par le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev de «plus important discours prononcé par un président américain depuis (Franklin) Roosevelt».
Le renouveau de la politique internationale américaine réalisé par Kennedy n’était cependant pas qu’une simple rhétorique, comme le soulignent des initiatives comme le Corps de la paix et l’Alliance pour le progrès, centrée sur l’Amérique du Sud. De plus, grâce à des réalisations historiques telles que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, JFK a donné corps à son ambition d’avancer vers la paix internationale. Pour certains, sa présidence a été un moment charnière qui a contribué à la détente et à d’importants traités de limitation des armements, dans les années 1970.
Pour certains, sa présidence a été un moment charnière qui a contribué à la détente et à d’importants traités de limitation des armements
Andrew Hammond
Certes, toute évaluation objective de la période de JFK à la Maison Blanche doit mettre en évidence les hauts comme les bas. Parmi ses principaux succès figurent sa gestion de la crise des missiles de Cuba, qui fut peut-être le moment le plus dangereux de la guerre froide. Cependant, il y a eu aussi la débâcle de l’invasion de la Baie des Cochons.
Néanmoins, s’il n’avait pas été assassiné, JFK aurait probablement été réélu en 1964, et il est intéressant d’imaginer ce qu’il aurait pu réussir lors d’un second mandat. Notamment s’il avait limité l’engagement des États-Unis au Vietnam, évitant ainsi le grave échec politique de Johnson dans ce pays asiatique.
Bien entendu, les circonstances aujourd’hui ont changé par rapport à celles du début des années 1960. Parallèlement à la fin de la guerre froide, les États-Unis ont connu un déclin relatif. À titre d’exemple, son économie représente désormais moins d’un quart du produit intérieur brut mondial, contre environ un tiers à cette époque.
Cependant, la pertinence des idées fondamentales de JFK sur la coopération internationale et la paix perdure. Tout comme la sagesse de la manière dont il a exploité le leadership et la puissance des États-Unis pour tenter d’atteindre ces objectifs.
En effet, compte tenu de la révolution actuelle de l’information, l’importance de parvenir à un meilleur équilibre entre le capital de puissance dure – souvent très coûteux – et les ressources de puissance douce est peut-être encore plus cruciale aujourd’hui pour les décideurs américains. Et cela est vrai partout dans le monde, de l’Amérique latine à l’Asie-Pacifique et au Moyen-Orient.
Au Moyen-Orient, par exemple, la stature des États-Unis dans de nombreux pays est en réel déclin depuis quelques décennies, comme le montrent des enquêtes comme celle de Pew Global. Dans les prochains mois, les données confirmeront probablement que cette problématique n’a fait que s’aggraver en raison du soutien américain à la campagne militaire israélienne à Gaza.
Comme JFK l’aurait sûrement reconnu, il y aura un besoin impérieux dans les années à venir pour les États-Unis et l’Occident au sens large de redoubler d’efforts pour gagner la bataille des cœurs et des esprits modérés dans la région. Il faut que ce soit un projet qui prenne en compte plusieurs générations, tout en comprenant une réaffirmation active de la puissance américaine.
Prises dans leur ensemble, les idées fondamentales de JFK sur la politique et les relations internationales conservent grandement aujourd’hui leur importance et leur intérêt. Pour cette seule raison, sa présidence continuera de constituer une valeur sur le long terme, ainsi qu’une source d’inspiration dans le monde pour les années à venir.
• Andrew Hammond est chercheur associé au LSE IDEAS, à la London School of Economics
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com