Les démocrates sur le point de commettre les mêmes erreurs en Iran

Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président élu américain Joe Biden à Wilmington, au Delaware, aux États-Unis, le 24 novembre 2020 (Photo, Reuters)
Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président élu américain Joe Biden à Wilmington, au Delaware, aux États-Unis, le 24 novembre 2020 (Photo, Reuters)
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Publié le Mardi 12 janvier 2021

Les démocrates sur le point de commettre les mêmes erreurs en Iran

Les démocrates sur le point de commettre les mêmes erreurs en Iran
  • Ces erreurs continuelles de la part des démocrates alimentent les tensions dans la région, et offrent à l'Iran l'occasion d'intensifier son comportement hostile à travers le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique et ses milices satellites
  • Lors de sa dernière violation de l'accord nucléaire, l'Iran a annoncé qu'il prévoit enrichir de l'uranium jusqu'à un taux de pureté qui pourrait atteindre les 20%.

Dans des propos tenus sur CNN la semaine dernière, Jake Sullivan, le nouveau conseiller à la sécurité nationale du président élu Joe Biden, a critiqué la gestion du dossier iranien par l’administration américaine sortante. Il a déclaré que l'Iran était aujourd’hui plus proche que jamais du développement d'un arsenal nucléaire, et n'a pas arrêté son comportement offensif, nuisant aux intérêts américains dans la région. 

Sullivan a rappelé que Biden a promis de retourner à l'accord nucléaire, si l'Iran respecte à nouveau ses engagements prévus dans l'accord, précisant que les fondations devraient être établies pour la reprise des négociations entre Washington et Téhéran. «Nous sommes d’avis que les missiles balistiques et le programme de missiles balistiques de l’Iran doivent être discutés à nouveau» dit-il. Selon lui, l’administration Biden chercherait à amener les partenaires régionaux de l’Iran à la table des négociations. 

Compte tenu de ces commentaires, la nouvelle administration américaine, avant même de prendre officiellement ses fonctions, répète apparemment les mêmes erreurs commises par l'administration Obama. Ces erreurs continuelles de la part des démocrates alimentent les tensions dans la région, et offrent à l'Iran l'occasion d'intensifier son comportement hostile à travers le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique et ses milices satellites. 

Les croyances erronées de la nouvelle administration Biden sont non seulement dangereuses, mais aussi basées sur une bienveillance infondée. Si l’administration Biden réintègre l’accord sur le nucléaire et lève les sanctions unilatérales américaines imposées à Téhéran, qu'est-ce qui motiverait le régime iranien à entamer de nouvelles négociations, notamment en ce qui concerne son programme de missiles et son comportement régional hostile? 

En fait, si l’Iran respecte minimalement l’accord nucléaire,  il pourra maintenir sa stratégie régionale et poursuivre son programme nucléaire. Il ne s'engagera pas volontairement dans de nouvelles négociations sur les questions en suspens. 

L’Iran a rapidement réagi aux commentaires de Sullivan. Répondant dédaigneusement au conseiller de Biden, le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré qu’en ce qui concerne ses «capacités de défense, l’Iran n’a jamais négocié et ne négociera jamais. La force de la défense iranienne est déterminée par les considérations iraniennes, et ce sur une base indépendante. La question des missiles iraniens est mentionnée dans le Plan d’Action Global Commun, ainsi que dans la résolution 2231 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui sanctionne l’accord. C'est une affaire réglée».  

Parallèlement, et lors de sa dernière violation de l'accord nucléaire, l'Iran a annoncé qu'il prévoit enrichir de l'uranium jusqu'à un taux de pureté qui pourrait atteindre les 20%. 

Nous savons que la nouvelle administration américaine veut accomplir une percée diplomatique facile et rapide dans cette affaire. Cependant, toute démarche hâtive sera considérée comme un feu vert à l'Iran pour continuer de semer la terreur dans la région, en plus d’apporter un plus grand soutien, financement et entraînement à ses milices. 

L'expérience de l'accord nucléaire de 2015 constitue sans doute le meilleur exemple. L’intégralité des fonds débloqués après la signature de l'accord ont en effet été utilisés par le régime iranien pour financer ses milices à l'étranger. 

Dans un sondage réalisé en Iran en 2017, près de 51% des personnes interrogées déclarent que les conditions socio-économiques dans le pays s’aggravent. 75% des répondants affirment par ailleurs que l'accord sur le nucléaire n’a pas abouti à une amélioration des conditions de vie. 

Pour toutes ces raisons, la solution consiste à relier les trois dossiers (développement nucléaire, programme de missiles, et comportement régional), et à associer toute levée des sanctions, après le retour de Washington à l’entente, aux progrès réalisés sur les deux autres dossiers, dans un délai prédéterminé.  

Les États arabes en général et les États du Golfe en particulier doivent ouvrir la voie à des efforts diplomatiques intensifs dans la période à venir, notamment avec les pays du P5+1 (la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne). Les personnalités politiques et diplomatiques arabes qui ont une influence considérable dans toutes les capitales importantes devraient tenir des réunions et des pourparlers avec des dirigeants des pays du P5+1, afin de clarifier la décision potentielle des États-Unis de revenir à l’accord sur le nucléaire. Elles devraient aussi mettre en relief le danger que représente cette décision pour la région et pour le monde, si les deux autres dossiers reliés ne sont pas traités. 

Ces dignitaires devraient de plus souligner et réaffirmer ce que les expériences précédentes ont prouvé. À savoir que la levée des sanctions imposées au régime iranien, sans aucune action réciproque de Téhéran, ne fera qu’assister le régime dans l’application de ses objectifs malveillants, et lui donnera carte blanche pour poursuivre son comportement hostile dans la région avec la bénédiction de l’ONU. 

  

Le Dr Mohammed al-Sulami est directeur de l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah). Twitter: @mohalsulami  

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.   

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com