Au Moyen-Orient, en plus des quatre saisons bien connues de l'année, nous avons également ce que l'on pourrait appeler la saison «Y aura-t-il une guerre avec l'Iran?» Chaque année, et parfois plusieurs fois par an, nous traversons cette saison géopolitique. Principalement en raison des actions du régime de Téhéran, la région et le monde y sont confrontés. Nous savons que c'est vers nous que tous les analystes du Moyen-Orient tendent leurs vieilles notes – comme ils le feraient avec leurs manteaux et leurs gants pour l'hiver – afin d’analyser une fois encore les risques de guerre entre l'Iran et les États-Unis.
Ce thème est une constante, depuis très longtemps. En ce moment, il est lié à ce que l'on appelle «des tensions accrues» et aux éventuelles représailles iraniennes, à l’occasion du premier anniversaire du meurtre du commandant de la Force Al-Qods, Qassem Soleimani. Bref, cette saison de possible confrontation directe et de guerre entre l'Iran et les États-Unis va et vient, un peu à la manière de la grippe saisonnière. Nous devons simplement attendre qu’elle passe.
Dans cette interaction, le régime iranien a parfaitement connaissance des lignes rouges et de la manière de s'en approcher. Il sait également où se trouvent ces lignes rouges lorsqu'un républicain est à la Maison Blanche et lorsqu'un démocrate est au pouvoir; et il sait où se situe le Sénat. Dans une certaine mesure, la politique intérieure américaine a, elle aussi, un impact sur le choix du guide suprême Ali Khamenei comme président de l'Iran. Il n’existe aucune différence entre un faucon et une prétendue colombe. Il s’agit toujours de poursuivre le plan du régime, de gagner du temps et de continuer à mordre des parcelles du Moyen-Orient.
Dans la saison actuelle de la «guerre contre l'Iran», il est intéressant de noter que Téhéran a compris le fossé qui sépare les principaux médias américains et le président Donald Trump et qu’il a été exceptionnellement doué pour s’en servir à son avantage afin d’encadrer le dialogue à venir avec le président élu, Joe Biden. Dans un sens, Téhéran réussit maintenant, grâce à certaines de ses filiales de lobbying à Washington, à manipuler le récit en sa faveur.
La guerre avec l'Iran n'aura pas lieu – pas en raison des leçons du passé, mais parce que les États-Unis ne veulent pas entrer en guerre avec l'Iran. Ainsi, les «battements de tambour de la guerre» avec l'Iran peuvent être aussi bruyants que possible et «l'affrontement inévitable à venir» peut bien faire la une des journaux, aucune guerre n'aura lieu. En réalité, ces termes et ces analyses sont utilisés depuis des décennies.
L'une des principales raisons pour lesquelles la guerre avec l'Iran n'aura pas lieu réside dans le fait que les États-Unis et le reste de la communauté internationale sont convaincus que l'Iran est indispensable à la préservation de l’harmonie au Moyen-Orient. En d'autres termes, il s'agit de maintenir l'équilibre entre les Arabes et les Perses, les sunnites et les chiites. Les Américains considèrent que l'effondrement de l'Iran pourrait conduire à une déstabilisation majeure dans toute la région.
Actuellement, il importe essentiellement de faire passer le message de Téhéran et de projeter sa force. Il s'agit de dire à Biden que le dossier iranien nécessite une solution urgente.
Khaled Abou Zahr
Ainsi, la stratégie a toujours été axée sur l'endiguement avec, parfois, des références au «changement de régime», que l'Iran a bien exploité. On pense également que ce régime pourrait changer de direction ou que le changement devrait venir de l’intérieur. C’est dû au fait que les Américains pensent la population locale largement en faveur de l'Occident, alors que leurs dirigeants ne le sont pas. Un autre point de vue consiste à maintenir l'équilibre avec la Russie et la Chine. Il existe aussi une opinion selon laquelle l'Iran pourrait s'avérer utile à l'Occident, si les planètes s'alignent.
Quoi qu’il en soit, la guerre viendrait principalement d’une décision américaine ou internationale, et non d’un appel du régime iranien, simplement parce que ce dernier sait qu'il perdrait. Malgré les différents positionnements iraniens et les projections de puissance militaire, vous pouvez être sûr que le Corps des gardiens de la révolution islamique, ainsi que l’ensemble de l'appareil militaire et sécuritaire, tremble de peur à l'idée d'une guerre avec les États-Unis. Par conséquent, ils ont appliqué une stratégie différente dans toute la région et sont devenus les maîtres d’une guerre asymétrique qui comprend également, désormais, les cyberattaques. Ils ne veulent pas d’une confrontation directe, mais cherchent plutôt à irriter les États-Unis et l'Occident.
À présent, les Iraniens ont compris que les États-Unis ne veulent pas non plus de guerre. Si l’on considère les actes d’agression flagrants provenant des groupes militaires iraniens ou de leurs mandataires, ils ressemblent au comportement d’un enfant qui sollicite l’attention de ses parents et leur rappelle qu’il est là. Symboliques, ils ne causent pas de véritable blessure.
Actuellement, il importe essentiellement de faire passer le message de Téhéran et de projeter sa force. Il s'agit de dire à Biden que le dossier iranien nécessite une solution urgente. Par conséquent, ils ont intensifié leurs actions de harcèlement contre les pétroliers et, plus récemment, un porte-parole du gouvernement iranien a annoncé la reprise de l'enrichissement d'uranium, visant un objectif de 20% à l'installation nucléaire de Fordo. En termes simples, ils disent: «Nous pouvons être une nuisance, alors revenez à l'accord sur le nucléaire.» La raison principale en est la nécessité de lever les sanctions américaines, car le régime a désespérément besoin de liquidités financières pour soutenir l’effondrement de l’économie du pays. C'est un besoin urgent pour la survie du régime iranien.
Cependant, ces agressions ne constituent pas les actions iraniennes les plus alarmantes. Le plus inquiétant, c’est la prise de contrôle de pays arabes entiers contre la volonté de leurs populations locales. C'est à cette aune que l'on mesure la cruauté du régime et sa vision expansionniste. Voilà qui devrait inquiéter les États-Unis et le monde. L’inauguration récente d’une statue de Soleimani dans l’un des fiefs du Hezbollah, à Beyrouth, illustre parfaitement l’approche privilégiée par Téhéran et la direction choisie pour le pays. C'est aussi un symbole très fort de la prise de contrôle idéologique que le régime iranien a l’intention d’opérer sur la région.
Les années à venir seront décisives pour le Moyen-Orient. Indépendamment du désengagement des États-Unis, l’importance de la région ne se limite pas à l’énergie, car elle représente également une plaque tournante essentielle pour le transport des marchandises, des personnes et pour les flux financiers.
Le vrai danger n'est pas la guerre, mais le fait que l'Iran poursuive un programme nucléaire militaire secret parallèlement au renforcement de ses capacités de missiles et, une fois qu’il sera prêt, qu’il s'empare totalement du Liban, de la Syrie, de l'Irak et du Yémen, les enfermant dans un voile nucléaire de fer.
Par conséquent, un changement complet de la politique américaine envers l'Iran, après tous ces efforts, serait catastrophique. Il est urgent de trouver un terrain d'entente entre des politiques trop musclées et un désengagement systématique. En bref, ce qu'il faut, c'est une approche américaine ferme mais inclusive, qui soutiendrait la construction d'une «saison de paix» nécessaire au Moyen-Orient. C'est ce que souhaitent les pays arabes. Il est temps que l'Iran aspire à la même chose.
Khaled Abou Zahr est PDG d'Eurabia, une société de médias et de technologie. Il est également l'éditeur d'Al-Watan al-Arabi.
Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com