Les nouvelles en provenance du Liban laissent présager un avenir de plus en plus sombre et pessimiste. Bien qu’ils prétendent s’opposer à cette tendance, de nombreux partis semblent glisser vers une situation de plus en plus inquiétante, tels des somnambules qui sombrent dans le désastre.
Il y a quelques jours, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a averti que «le monde ne peut se permettre un autre Gaza au Liban», mais les rapports sur le terrain indiquent une grave escalade qui suscite l’inquiétude.
Cette évolution de la situation s’inscrit dans un contexte de menaces croissantes entre le Hezbollah et les autorités israéliennes. L’envoyé américain, Amos Hochstein, a mis en garde toutes les parties concernées au cours d’une année électorale américaine qui revêt une importance cruciale.
En Israël, avec le départ de deux voix modérées du cercle intime du Premier ministre Benjamin Netanyahou, ce dernier échappe désormais à tout contrôle.
Netanyahou, considéré comme l’un des politiciens les plus opportunistes d’Israël, n’a désormais plus aucune retenue face à toute action imprudente ou abusive.
Le départ des anciens chefs d’état-major de l’armée, Benny Gantz et Gadi Eizenkot, de l’équipe qui gère la «guerre des déplacés de Gaza», est une évolution significative. Ce changement risque de déstabiliser même les faucons républicains de Washington.
Avec le départ de ces responsables pragmatiques et la dissolution du cabinet de guerre, les décisions clés sont désormais entre les mains de politiciens opportunistes comme Netanyahou et d’idéologues colons extrémistes comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich.
Dans de nombreux cas, les chefs militaires expérimentés et réfléchis ont tendance à accorder plus d’importance à la vie humaine, à la paix et à la compréhension que les politiciens agressifs et populistes.
«Nasrallah persiste à justifier le programme de guerre indépendant de son parti, faisant fi de l’autorité de l’État.»
Eyad Abu Shakra
Il est remarquable de voir comment certaines figures militaires israéliennes qui étaient au départ des militants de droite ont ensuite adopté des positions plus modérées, après avoir été témoins des véritables coûts de la guerre.
Ariel Sharon adopte désormais des positions centristes tandis qu’Ezer Weizman penche plutôt vers la gauche par moments.
Cela me rappelle une citation célèbre largement attribuée au major-général américain William T. Sherman: «La guerre n’est tout au plus que barbarie. Sa gloire n’est qu’illusion. Ce n’est seulement que ceux qui n’ont jamais tiré un coup de feu ou qui n’ont jamais entendu les cris et les gémissements des blessés, ce sont ceux-là qui appellent à la vengeance.»
Après la démission de Gantz et d’Eizenkot, qui a perdu son fils de 25 ans dans le conflit actuel à Gaza, du cabinet de guerre, les trois extrémistes (Netanyahou, Ben-Gvir et Smotrich, qui n’ont jamais combattu un seul jour) continuent de prononcer des discours provocateurs et d’attiser les tensions.
Ce qui est d’autant plus paradoxal, c’est que des personnalités comme celles-là, qui adhèrent à l’idéologie de la Torah – Netanyahou revendiquant une telle position –, sont catégoriques sur le fait d’exempter les adeptes ultrareligieux de la Torah du service militaire obligatoire, tout en utilisant simultanément la Torah et les textes talmudiques pour justifier les guerres et les massacres.
Pendant ce temps, au Liban, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, persiste à justifier le programme de guerre indépendant de son parti, faisant fi de l’autorité de l’État.
Malgré le respect par le Hezbollah de ses règles d’engagement avec Israël depuis des mois, Nasrallah persiste à coordonner ses communications par l’intermédiaire de Nabih Berri, le président du Parlement libanais, et de son «ami» Hochstein, représentant les États-Unis – autrefois surnommé le «Grand Satan».
Au cours des deux dernières semaines, parallèlement au conflit de Gaza et aux menaces de guerre croissantes contre le Liban de la part de l’équipe de Netanyahou, les tensions ont augmenté sur le front libano-israélien par l’intermédiaire de messages échangés.
Après que le Hezbollah a intensifié ses attaques de drones, contrées par des assassinats et des opérations de déplacement israéliens, Nasrallah a ouvert un nouveau front préventif, ciblant cette fois Chypre. Cette action a contourné toute reconnaissance ou consultation avec les autorités étatiques reconnues.
Nasrallah a mis en garde Chypre contre l’ouverture de ses aéroports et de ses bases à Israël, menaçant que cela entraîne le pays dans le conflit.
Il affirme que les services de renseignement du Hezbollah suggèrent qu’Israël pourrait frapper le Liban à partir de ces endroits si jamais le Hezbollah prenait les aéroports israéliens pour cible.
Nasrallah a également fait allusion à la crainte d’Israël de voir le Hezbollah envahir la Galilée dans un contexte d’escalade des tensions, soulignant que le Hezbollah, doté de nouvelles armes, était prêt à faire face à n’importe quel scénario.
Ses propos coïncident avec la révélation par Israël de plans opérationnels pour une éventuelle frappe au Liban et avec la réitération des menaces du ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, contre le Hezbollah dans un contexte de tensions frontalières en cours, qui couvent depuis octobre dernier.
Entre la prudence du secrétaire général de l’ONU, Guterres, et la nécessité absolue pour l’envoyé américain, Hochstein, de résoudre rapidement le conflit entre le Hezbollah et Israël, la situation instable du Liban demeure préoccupante. Cette situation est aggravée par des problèmes intérieurs, tandis que le monde porte son attention ailleurs.
Eyad Abu Shakra est rédacteur en chef d’Asharq al-Awsat.
X: @eyad1949
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com