L’Iran a annoncé qu’il riposterait à l’attaque menée par Israël contre son consulat à Damas la semaine dernière. Sept responsables du Corps des gardiens de la révolution islamique, dont deux officiers de haut rang, auraient été tués. Il est difficile pour Téhéran de faire marche arrière, à la suite des propos incendiaires que le pays a tenus. L’Iran est en état d’alerte, tout comme Israël. Tous les soldats israéliens en permission ont été appelés jeudi. Reste à savoir quel rôle le Liban jouera dans cette réponse attendue.
Dans un discours télévisé à l’occasion de la Journée Al-Qods, Hassan Nasrallah, chef du groupe pro-iranien Hezbollah, a expliqué que la riposte était «inévitable». Comment, où, quand et quid de l’ampleur de la contre-attaque? Le groupe n’a pas de réponses à ces questions. Nasrallah a également déclaré que la situation avant l’attentat contre le consulat iranien était différente de la situation actuelle. Il qualifie l’attentat de «tournant».
Nasrallah soutient que le Hezbollah doit être prêt pour les différents scénarios. Il ajoute: «Si l’ennemi veut la guerre, il est le bienvenu.» Cette phrase a suscité la colère des Libanais. La plupart d’entre eux ne veulent pas de guerre. Nasrallah a déclaré que le Hezbollah n’avait pas encore utilisé son armement lourd. Il a répété que lorsque la guerre prendra fin à Gaza, elle se terminera également au Liban.
Tout en se préparant à la guerre, le groupe ne fait toujours preuve d’aucune flexibilité concernant l’élection d'un nouveau président libanais et la formation d’un gouvernement. Cela pourrait être délibéré, car il veut prendre les devants et, en cas de pépin, il ne veut pas être tenu pour responsable par une autorité légitime. Pour tout Libanais, cette situation est très inquiétante.
«Le Liban veut prendre les devants et, en cas de pépin, ne veut pas être tenu pour responsable par une autorité légitime.»- Dr Dania Koleilat Khatib
Toute réponse iranienne significative impliquera probablement le Liban. Si Téhéran veut réagir contre Israël, la voie la plus pratique serait celle du Liban-Sud. Le Liban serait alors complètement ravagé. Israël a déjà fait part de son intention d’infliger des dégâts importants si une guerre éclatait avec le Liban. Et le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a précédemment décrit le pays comme étant «en première ligne face à l’entité sioniste usurpatrice».
L’Iran et le Hezbollah parlent d’unir les champs de bataille face à Israël. Les attaques du Hezbollah contre Israël se transformeront-elles en une attaque majeure qui générera des représailles? Cependant, l’Iran et le Hezbollah préfèrent toujours éviter une guerre totale. Néanmoins, après les discours tenus la semaine dernière, ils devront réagir.
S’agirait-il d’une réponse symbolique sans répercussions réelles, comme le ciblage de la base américaine d’Aïn al-Asad en Irak après l’assassinat de Qassem Soleimani par les États-Unis en 2020? Cette attaque n’a occasionné aucune lourde perte du côté américain. L’Iran est connu pour faire preuve de patience stratégique et ne pas se laisser provoquer. Cependant, l’absence de réponse adéquate peut être considérée comme un signe de faiblesse, ce qui est dangereux pour l’Iran, tant sur le plan interne que régional. Peut-être que cette fois-ci, une réponse similaire à celle de 2020 ne suffirait pas à préserver le prestige de la République islamique. Là encore, nous ne le savons pas.
Les cercles proches du Hezbollah pensent qu’il n’y aura pas de guerre totale parce qu’Israël ne prendra pas de telle mesure sans consulter les États-Unis. Plusieurs analystes ont formulé des prévisions sur la gravité de la riposte. Cependant, tout cela n’est que spéculation. Personne ne sait vraiment quelle sera la réponse de l’Iran. Une chose est sûre: si l’Iran mène une intervention majeure et non symbolique comme c’était le cas avec Aïn Al-Asad, le Hezbollah sera en première ligne. Cela rendrait la position du groupe encore plus difficile.
«En cette période difficile pour la République islamique, le régime de Téhéran n’a personne sur qui compter, hormis ses mandataires.» Dr Dania Koleilat Khatib
Exposer le Liban au danger en raison de ce qui se passe à Gaza est une chose. Même si cela n’est pas vraiment accepté par le grand public, les Libanais sont très sensibles au sort de Gaza. Cependant, pousser le pays dans une guerre majeure pour que l’Iran puisse se venger d’Israël serait une autre affaire. Ce serait inacceptable à tous les niveaux.
Nasrallah, dans son dernier discours, a une fois de plus exprimé son dévouement total au prétendu axe de la résistance et à l’Iran. En cette période difficile pour la République islamique, le régime de Téhéran n’a personne sur qui compter, hormis ses mandataires. Le pilier de ce réseau est le Hezbollah. Même la Russie ne s’est pas révélée être un partenaire solide. Elle n’a pas intercepté l’attaque contre la mission diplomatique en Syrie, ni livré les avions de guerre Soukhoï Su-35 recherchés par l’Iran. L’Iran ne dispose donc que de son arsenal de missiles et de drones et de son réseau de mandataires. En cas de riposte, il fera certes appel à ses mandataires. Cependant, même s’il ne le faisait pas, des mandataires comme le Hezbollah seraient utilisés pour défendre l’Iran contre toute attaque potentielle américaine ou israélienne.
En faisant monter les enchères, le Hezbollah se retrouve dans une position désavantageuse. À mesure que le groupe est acculé au niveau national, son sort devient de plus en plus étroitement lié à celui de l’Iran. Le Hezbollah n’a d’autre choix que de se tenir aux côtés de Téhéran, quoi qu’il décide de faire. Donc, en cas de réponse réelle, il sera impliqué.
Le Hezbollah et les autres mandataires iraniens n’ont été fondés qu’à des fins de dissuasion pour la République islamique. Même si Khamenei tient au groupe, il n’aura d’autre choix que de sacrifier le Hezbollah pour protéger l’Iran si nécessaire. Malheureusement, le peuple libanais paiera le prix de ces calculs régionaux.
La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com