Liban: Washington souffle le froid et le chaud!

Les nouvelles peu encourageantes venues hier du Caire sur les négociations en vue d’une trêve à Gaza ont répandu une atmosphère de pessimisme extrême parmi les parties impliquées. Elles ont renforcé la grande crainte de répercussions dangereuses au Liban s’il se trouvait confirmé que les négociations se sont véritablement effondrées sans que les médiateurs égyptiens, qatariens et américains puissent les sauver avant le mois du ramadan, qui tombe lundi prochain. 

Auparavant, la visite de l'envoyé américain Amos Hochstein au Liban, la troisième depuis le 7 octobre, a été l'occasion de souffler le chaud et le froid. Hochstein était porteur de propositions à deux volets: le premier était lié à ce qui est exigé du Hezbollah, le second à ce qui peut être offert au Liban (peut-être, indirectement, au Hezbollah). Tout cela en échange d’un refroidissement sur le front libanais afin d’éviter de se laisser entraîner dans une guerre de grande ampleur susceptible de se produire immédiatement après la conclusion de la trêve à Gaza.  

Le conflit en cours oppose d’une part le Hezbollah et, derrière lui, l'Iran, tous deux déterminés à relier le front du Liban au front de Gaza, et de l’autre Israël et son principal allié, les États-Unis, qui souhaitent le désengagement des deux fronts, quel qu'en soit le prix. 

Voilà pourquoi, lors de sa visite, M. Hochstein a soumis à ses interlocuteurs libanais des idées qui incluaient les termes d'un accord au contenu menaçant. Il a été clair dans la déclaration écrite qu’il a lue à la fin de sa rencontre avec le président du Parlement, Nabih Berri, chargé par le Hezbollah du volet diplomatique: «La trêve à Gaza ne s’étendra pas automatiquement au Liban.» 

Il voulait dire par là qu’un cessez-le-feu du Hezbollah en cas de trêve ou de cessez-le-feu à Gaza n’est plus suffisant. Ce qu’il faut, ce sont des dispositions de sécurité crédibles. Sinon, le front restera sous le feu du côté israélien, même si le Hezbollah cesse les hostilités unilatéralement. Il s'agit d'une évolution alarmante pour le parti pro-iranien.  

En outre, le Hezbollah, selon les propos du président Nabih Berri, qui représente sa position auprès des Américains, considère que «la pierre angulaire de tous les efforts est la situation à Gaza comme porte d'entrée vers le retour de la stabilité et du calme». 

Quant au vice-secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, il a expliqué la situation à sa manière alors que Hochstein était en tournée à Beyrouth: «Celui qui tient à être médiateur doit commencer par une médiation pour mettre fin à l'agression, et non lancer une médiation pour empêcher l’assistance du Hezbollah.» 

Dans ce contexte il faudrait signaler que l’émissaire américain s’est armé au Liban d’une carotte et d’un bâton. La carotte, c’est sa déclaration selon laquelle son objectif est d'ouvrir une voie politique qui permettrait aux Libanais déplacés de rentrer chez eux (ils sont 100 000), ainsi que de l’autre côté de la frontière (il y a 100 000 Israéliens déplacés). Il a insisté sur le fait que l’escalade n’aide pas à résoudre cette crise ni à soutenir le Liban au niveau de la reconstruction à ce stade critique de son histoire. Plus important encore, il a fait allusion aux profits que le pays du Cèdre pourrait récolter si le Hezbollah choisissait la voie d’une solution diplomatique, affirmant: «Il y aura un soutien international au Liban, y compris à son économie et à son armée, mais cela ne pourra se faire que lorsque nous serons en mesure d’ avancer.» 

L’envoyé américain a donc parlé de «la nécessité de changer la formule de sécurité le long de la Ligne bleue afin d’assurer la sécurité de tous». Il a affirmé: «Le cessez-le-feu est insuffisant et la guerre limitée ne peut pas être contenue.» 

Au vu des progrès réalisés, la plupart des observateurs ont tendance à considérer la visite d'Amos Hochstein lundi dernier comme un signal d'alarme avant que la situation ne se détériore davantage. Il faut rappeler que le Hezbollah, qui n’entend toujours pas changer de position, glisse jour après jour dans une guerre dont la population du pays ne veut pas.  

Enfin, pour affirmer son intransigeance, la milice iranienne est allée plus loin: elle a tenu à «saluer» M. Hochstein alors qu'il quittait l'espace aérien libanais lundi soir avec un barrage de tir de missile sur le nord d'Israël. De son côté, Israël a répondu à ce «salut» en détruisant un bloc résidentiel au cœur de la ville de Bint-Jbeil, l'une des plus grandes villes adjacentes à la frontière sud. Mais les regards sont désormais tournés vers la capitale égyptienne pour savoir à quoi aboutiront les négociations relatives à une trêve lors du mois du ramadan! 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. X: @AliNahar

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.