La lutte de l’Arabie saoudite pour son unité commémorée le Jour de la fondation

Cette semaine, les Saoudiens célèbrent le 297e anniversaire de la fondation de l'Arabie saoudite (Photo, SPA).
Cette semaine, les Saoudiens célèbrent le 297e anniversaire de la fondation de l'Arabie saoudite (Photo, SPA).
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Publié le Lundi 26 février 2024

La lutte de l’Arabie saoudite pour son unité commémorée le Jour de la fondation

La lutte de l’Arabie saoudite pour son unité commémorée le Jour de la fondation
  • L'unification de l'Arabie était sans précédent, compte tenu de sa structure politique et tribale fragmentée de son vaste territoire
  • Les trois campagnes ont été marquées par d’extrêmes violences et destructions, laissant une tache indélébile dans la mémoire collective saoudienne

Cette semaine, les Saoudiens célèbrent le 297e anniversaire de la fondation de l'Arabie saoudite. En 1727, l'imam Mohammed ben Saoud, ancêtre de la famille royale saoudienne, devint le dirigeant de Diriyah, alors obscur petit hameau agricole de Wadi Hanifah, vallée de 120 km le long de laquelle se trouvent de nombreuses villes pareilles à Diriyah.

L'Imam Saoud mourut en 1765 laissant la place à son fils, Abdelaziz. Pendant la période où ils étaient au pouvoir, ils ont unifié la majeure partie de la Péninsule arabique pour la première fois de son histoire. Au moment de l’assassinat d’Abdelaziz par un agent étranger en 1803, le contrôle de l’émirat de Diriyah s’étendait sur environ 80 % de la péninsule, soit plus de 2 millions de kilomètres carrés. Les frontières de l’Arabie saoudite sont restées quasiment les mêmes depuis lors, malgré de brèves interruptions.

L’unification de l’Arabie était sans précédent, compte tenu de sa structure politique et tribale fragmentée, et de son vaste territoire. Au début du XVIIIe  siècle, il existait des centaines de villes, villages et cités autonomes dans toute l’Arabie, sans autorité centrale pour maintenir la paix entre eux. Dans un rayon de 80 km seulement autour de Diriyah, il y avait une dizaine de principautés qui se battaient constamment les unes contre les autres. Parfois, les villes changeaient de main toutes les quelques années. Dans le désert entre ces villes indépendantes, les tribus nomades exerçaient leur emprise, exigeant des tributs des caravanes de passage, et au besoin, attaquant les villages. Elles servaient également de soldats, loués par des chefs de ville rivaux, dans l'espoir de soumettre leurs voisins.

Le grand historien du XIXe siècle Osman ben Bishr a relaté les événements survenus au moment de la création du nouvel État: en 1721, des tribus en maraude venues de l'est ont assiégé et pillé Diriyah et les villes voisines. Il a signalé les ravages causés par l'artillerie employée par les pillards, apparemment inconnue auparavant dans les guerres tribales dans cette région.

Outre les raids tribaux et les affrontements constants entre les villes voisines, Ben Bishr a fait état d'une détérioration des conditions économiques, sachant que le commerce étant fréquemment perturbé par les guerres, et l'agriculture étant touchée par des sécheresses répétées. En 1716, il y eut une famine dans les villes proches de Diriyah. En 1724 et 1725, il signale une grave sécheresse provoquant la famine dans la même région. En 1726, une épidémie tuait la plupart des habitants d'une ville située à environ 30 km au nord.

L'unification de l'Arabie était sans précédent, compte tenu de sa structure politique et tribale fragmentée de son vaste territoire

Abdel Aziz Aluwaisheg

Telle était la situation lorsque l'Imam Saoud commença son règne en 1727. Déterminé à mettre fin à ce chaos, il commença à établir des alliances, faisant d'abord appel aux dirigeants des villes voisines, puis agissant dans toutes les directions. En 1744, il fit appel à un réformateur religieux, Cheikh Mohammed ben Abdul Wahab, et renforça progressivement les fractions armées des villes et des villages, ainsi que les guerriers tribaux, en une force puissante qui sauvegarda l'union nouvellement fondée.

Osman ben Bishr fait mention de la transformation sécuritaire amenée par le nouvel État. Les pèlerins, les caravanes marchandes, et autres voyageurs, se sentaient en sécurité sur de longues distances, même chargés d'or et de trésors, sans payer de tribut et sans craindre les bandits de grand chemin, en contraste notable avec les temps passés.

Les succès du nouvel État encouragèrent d’autres principautés à se joindre à lui, ou à conclure des alliances avec lui. Elles comprenaient des régions auparavant sous contrôle ottoman symbolique, telles que les villes saintes de La Mecque et Médine, ainsi que les provinces orientales.

L'explorateur et espion espagnol, Domingo Francisco Jorge Badia y Leblich, a été témoin des cérémonies d'adhésion de La Mecque au nouvel État en 1805, et a rédigé un compte-rendu sur cet événement décisif. Comme le contrôle des villes saintes avait un rôle déterminant dans la bona fide des Ottomans en tant que pouvoir musulman suprême de l’époque, ils devinrent déterminés à combattre l’État saoudien. Ils avaient tenté de l’étouffer plus tôt, par l’intermédiaire des forces ottomanes basées à Bagdad et de tribus alliées en Irak, mais leurs campagnes répétées à la fin du XVIIIe siècle n’avaient pas réussi à entamer la puissance de l’État saoudien.

Après que La Mecque a officiellement rejoint le nouvel État, Constantinople a lancé trois grandes campagnes organisées. Les deux premières expéditions (1811-1814) ont échoué, malgré un déséquilibre du rapport de forces en sa faveur. La troisième campagne a duré deux ans (1816-18) et a réussi à atteindre Diriyah, à l'assiéger pendant six mois, et à finalement détruire la ville et mettre fin à l'État saoudien, 91 ans après sa proclamation en 1727. Les trois campagnes ont été marquées par d’extrêmes violences et destructions, laissant une tache indélébile dans la mémoire collective saoudienne, les gens racontant les batailles sanglantes que leurs ancêtres avaient menées dans ces guerres. Les destructions sont encore visibles dans les ruines de Diriyah.

Les pèlerins, les caravanes marchandes et autres voyageurs, se sentaient en sécurité sur de longues distances, même lorsqu'ils étaient chargés d'or et de trésors

Abdel Aziz Aluwaisheg

Cependant, la défaite de 1818 n’a pas mis fin à l’ambition des Saoudiens d’unifier l’Arabie. Ayant goûté, pour la première fois de leur histoire, aux fruits de l’unité et de l’intégration sous le premier État saoudien, ils étaient déterminés à essayer à nouveau. Ils se regroupèrent en 1824, lorsque l'imam Turki ben Abdullah s'établit à Riyad, la nouvelle capitale, mettant fin à l'éphémère contrôle étranger de la ville. Le deuxième État saoudien a été en proie à des querelles internes, permettant ainsi aux vassaux de la Turquie de mettre fin à son règne en 1891, envoyant en exil le dernier dirigeant, l’imam Abdel Rahman, le grand-père du roi Salmane.

11 ans plus tard, son fils Abdelaziz a pu établir la domination saoudienne pour la troisième fois. Il reconquit la capitale Riyad en 1902, et au cours des trois décennies suivantes, réussit une nouvelle fois à réunifier l'Arabie. En 1932, Abdelaziz, le père du roi Salmane, est proclamé roi d’Arabie saoudite.

Les Ottomans n’étaient pas la seule menace pour la domination saoudienne. La Grande-Bretagne s’est inquiétée de l’influence croissante du premier État saoudien au XVIIIe siècle, alors que l’émirat de Diriyah étendait ses frontières jusqu’au Golfe et établissait des liens et des alliances étroites avec les dirigeants locaux. La Grande-Bretagne a pleinement profité des guerres entre les Ottomans et les Saoudiens et a systématiquement affaibli l’influence saoudienne dans le Golfe, en recourant parfois à une force extrême. La chute de Diriyah a aidé la Grande-Bretagne à consolider son hégémonie dans le Golfe.

La rivalité saoudo-britannique s’est poursuivie pendant encore 100 ans, régie tout au long par une série d’accords limités visant à contrôler l’influence saoudienne. En 1927, le Traité de Djeddah a finalement placé les relations saoudiennes avec la Grande-Bretagne sur une base stable, Londres reconnaissant pleinement l’indépendance de l’Arabie saoudite.   

En sus d’être la gardienne des lieux saints de l’Islam, l’Arabie saoudite est aujourd’hui un chef de file des mondes musulman et arabe. C’est une puissance politique et économique, parmi les vingt plus grandes puissances mondiales. Pour la première fois de son histoire, le territoire est sûr et prospère. Son unification donne une leçon importante sur les fruits de l’unité et de l’intégration. Cette réalisation doit beaucoup à la vision ambitieuse et stratégique des sages dirigeants de la petite ville de Diriyah, il y a près de 300 ans.

Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le Secrétaire général adjoint du Conseil de Coopération du Golfe, en charge des affaires politiques et des négociations.

Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et n’expriment pas nécessairement celles du CCG. 

X: @abuhamad1                  

 NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com