La conférence pour le dialogue national en Syrie est un bon début

Ahmed al-Sharaa s'adresse aux participants à la conférence pour le dialogue national, à Damas, en Syrie, le 25 février 2025. (AFP)
Ahmed al-Sharaa s'adresse aux participants à la conférence pour le dialogue national, à Damas, en Syrie, le 25 février 2025. (AFP)
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Publié le Samedi 01 mars 2025

La conférence pour le dialogue national en Syrie est un bon début

La conférence pour le dialogue national en Syrie est un bon début
  • La conférence a publié une déclaration contenant des recommandations sur les questions importantes auxquelles le pays est confronté
  • Il s'agit notamment de préserver l'unité et l'intégrité territoriale de la Syrie, en référence aux parties du pays qui sont sous occupation ou qui échappent au contrôle du gouvernement

La conférence pour le dialogue national syrien s'est tenue mardi, avec la participation d'environ 600 personnes issues des diverses communautés et orientations politiques de la République arabe syrienne. La tenue de cette conférence répondait aux promesses faites par le président Ahmad al-Sharaa, tout récemment le 30 janvier, lors de son premier discours après avoir été déclaré président du pays.

M. Al-Sharaa a promis de nommer un comité préparatoire chargé d'organiser une conférence sur le dialogue national, qui serait «une plate-forme directe pour les délibérations et les consultations et pour écouter tous les points de vue sur le futur programme politique». Il a également déclaré qu'il y aurait un gouvernement de transition représentant la diversité de la Syrie, dont la tâche serait de préparer des élections libres et équitables.

À la fin de la journée, la conférence a publié une déclaration contenant des recommandations sur les questions importantes auxquelles le pays est confronté. Il s'agit notamment de préserver l'unité et l'intégrité territoriale de la Syrie, en référence aux parties du pays qui sont sous occupation ou qui échappent au contrôle du gouvernement. Les participants ont appelé à l'interdiction de tous les groupes armés en dehors de l'armée nationale. Ils ont également demandé l'adoption rapide d'une «déclaration constitutionnelle», la mise en place d'un organe législatif temporaire et la formation d'un comité constitutionnel chargé de rédiger une constitution permanente.

Ils ont appelé au respect des droits de l'homme et des libertés, ainsi qu'à l'autonomisation des femmes. Tout en rejetant la discrimination fondée sur la religion ou l'appartenance ethnique, ils n'ont pas accepté la fixation de quotas ou l'attribution de certains postes sur la base de ces considérations. Ils ont appelé à une plus grande participation politique et, tout en réclamant une justice transitoire pour les victimes du régime précédent, ils ont rejeté toute forme de violence, de vengeance ou d'incitation. Il y a également d'autres références utiles sur la forme que prendra l'avenir de la gouvernance et de l'économie de la Syrie.

Les dialogues nationaux sont devenus un outil utile pour les transformations politiques après une guerre ou un conflit prolongé, comme celui de la Syrie. En élargissant le débat sur l'avenir d'un pays, les dialogues offrent la possibilité d'un consensus et de conversations significatives sur les questions sous-jacentes.

Pour réussir, les dialogues nationaux doivent être inclusifs, ouverts et transparents, avec des règles de procédure, des plans de mise en œuvre et des mécanismes de suivi clairs.

L'Arabie saoudite a lancé un dialogue national après qu'une série d'attentats terroristes dans le Royaume a révélé l'existence d'un réseau inquiétant de sympathisants. Le dialogue a débuté par un grand événement à Riyad en juin 2003, qui a recommandé d'institutionnaliser le dialogue et d'organiser régulièrement des sessions inclusives dans toutes les régions de l'Arabie saoudite. En août de la même année, le Centre pour le dialogue national du roi Abdelaziz a été inauguré à Riyad, où le défunt roi Abdallah, alors prince héritier, a prononcé un discours historique appelant à un discours pacifique et au rejet de l'extrémisme. La même année et les années suivantes, sessions de dialogue ont été organisées dans tout le Royaume. Le processus se poursuit depuis lors, organisé et accueilli par le centre.

La Convention américaine de Philadelphie, également appelée Convention constitutionnelle ou Convention fédérale, a duré près de quatre mois, de mai à septembre 1787, et s'est mise d'accord, après de vigoureux débats, sur la forme que prendrait le gouvernement américain après son indépendance de la Grande-Bretagne.

En Tunisie, un dialogue national a officiellement débuté à l'été 2013 à la suite d'une crise politique et d'assassinats politiques qui ont interrompu le processus constitutionnel. Il a duré plusieurs mois et a finalement abouti à un consensus qui a mis fin à la crise. Les organisateurs de la constitution consensuelle ont reçu le prix Nobel de la paix en 2015.

Au Yémen, la conférence pour le dialogue national s'est tenue pendant 10 mois en 2013 et 2014 et presque toutes les factions politiques yéménites, y compris les Houthis, y ont participé. Dix-neuf documents importants ont été adoptés, représentant un consensus national sur toutes les questions majeures. Bien que les Houthis aient par la suite violé ce consensus, les documents issus de la conférence restent une référence importante pour le reste du Yémen. Le fait que le conflit au Yémen se soit poursuivi malgré le succès de la conférence est dû en partie au fait que l'ancien régime s'est rangé du côté des Houthis pour organiser un coup d'État militaire en septembre 2014.

Si l'on compare la journée de dialogue national en Syrie à ces précédents historiques, il semble qu'elle soit assez limitée. La durée de la conférence a été étonnamment courte, compte tenu de l'immense transformation que la Syrie est en train de vivre. Le document final était également bref, abordant des questions importantes sans les approfondir. Il est douteux qu'une journée ou quelques pages de recommandations générales puissent résoudre toutes les questions en jeu.

Les dialogues nationaux sont devenus un outil utile pour les transformations politiques après une guerre ou un conflit prolongé.

                                                        Abdel Aziz Aluwaisheg

Alors que la plupart des diversités de la Syrie semblaient être représentées à la conférence et qu'il y avait une participation kurde, les Forces démocratiques syriennes – un groupe armé cherchant à obtenir l'autonomie dans les régions du nord-est du pays – n'ont pas pris part à la conférence. Elles ont critiqué ce qu'elles ont qualifié d'exclusion, malgré les pourparlers en cours avec Damas sur l'avenir du territoire qu'elles contrôlent.

Peut-être consciente de ces limites, la déclaration de la conférence a conclu en appelant à «encourager la culture du dialogue, à poursuivre les dialogues à tous les niveaux et dans tous les domaines et à trouver les mécanismes appropriés pour les mener à bien». Consciente également de la brièveté de la déclaration finale, elle a déclaré: «Par souci de transparence, le comité préparatoire de la conférence publiera un rapport détaillé des contributions des participants et des opinions exprimées lors de la conférence.»

La conférence de mardi est un bon début, qui contraste fortement avec les décennies de dictature et de violence au cours desquelles les débats libres étaient rares. Après le coup d'État militaire de 1963 qui a renversé un gouvernement démocratiquement élu, mais surtout après la prise du pouvoir par la famille Assad en 1970, qui a instauré un régime totalitaire dans le pays, la liberté d'expression a été proscrite et la dissidence a été écrasée par la force. Dans ce contexte, la réunion de cette semaine a été une bouffée d'air frais.

Toutefois, il sera important d'assurer le suivi de cette conférence, afin d'organiser d'autres cycles de dialogue, de préférence dans différentes régions du pays et en abordant des questions spécifiques. Les Syriens auront probablement besoin de débats approfondis pour discuter de la trajectoire et de l'avenir de leur pays. Ils ont également besoin d'une thérapie collective pour réfléchir aux erreurs du passé. Les dialogues nationaux doivent être un processus continu, et non un événement unique.

Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du CCG pour les affaires politiques et les négociations. Les opinions exprimées ici sont personnelles et ne représentent pas nécessairement celles du CCG. 

X: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com