Le partenariat historique entre le CCG et le Liban doit être rétabli

Le prince Faisal ben Farhane rencontre le président Joseph Aoun à Beyrouth. (AFP)
Le prince Faisal ben Farhane rencontre le président Joseph Aoun à Beyrouth. (AFP)
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Publié le Samedi 01 février 2025

Le partenariat historique entre le CCG et le Liban doit être rétabli

Le partenariat historique entre le CCG et le Liban doit être rétabli
  • Le président nouvellement élu et le Premier ministre qu'il a choisi sont déterminés à ouvrir une nouvelle page avec les pays du CCG, ainsi qu'avec le reste des amis et partenaires traditionnels du Liban
  • Ils sont conscients de la grave rupture que les politiques hostiles du passé ont provoquée avec le monde extérieur, en particulier avec le CCG

Plusieurs hauts responsables du Conseil de coopération du Golfe se sont rendus récemment au Liban pour apporter leur soutien au président nouvellement élu, Joseph Aoun, et à Nawaf Salam, qu'il a choisi comme Premier ministre. Jeudi dernier, le prince Faisal ben Farhane s'est rendu à Beyrouth, devenant ainsi le premier ministre saoudien des Affaires étrangères à le faire depuis une quinzaine d'années.

Lors d'une conférence de presse conjointe avec Joseph Aoun, le ministre saoudien s'est montré optimiste quant à l'avenir du Liban et s'est dit convaincu que le pays serait en mesure de mener à bien les réformes nécessaires, longtemps retardées en raison de l'absence de président pendant plus de deux ans. La mainmise du Hezbollah sur la vie politique libanaise a empêché l'élection d'un nouveau président et l'adoption des réformes économiques et politiques demandées par la communauté internationale. Le Prince Faisal a suggéré que «la mise en œuvre des réformes renforcera la confiance mondiale dans le pays».

Le choix de M. Salam, un professionnel indépendant qui était jusqu'à récemment président de la Cour internationale de justice, est un signe important que le Liban souhaite rompre avec le passé, lorsque des personnalités pro-iraniennes dominaient la politique du pays.

Le ministre koweïtien des Affaires étrangères, Abdallah al-Yahya, et le secrétaire général du CCG, Jasem Albudaiwi, étaient à Beyrouth vendredi dernier. Ils ont délivré des messages similaires aux nouveaux dirigeants libanais. Le Koweït assure la présidence tournante du CCG et s'est montré très intéressé par le rétablissement des relations étroites entre le Liban et les pays du Golfe.

Après son élection le 9 janvier, M. Aoun s'est engagé à établir des «partenariats stratégiques» avec les États du Golfe, ajoutant que sa première visite à l'étranger serait en Arabie saoudite, exprimant l'espoir que les relations bilatérales entre les deux pays se renforcent «dans tous les domaines». Lors de la conférence de presse de la semaine dernière, Aoun a remercié le Royaume pour les efforts qu'il a déployés pour aider le Liban, notamment pour mettre fin à l'impasse présidentielle.

Au cours des deux dernières décennies, le Liban et les pays du CCG se sont éloignés l'un de l'autre à mesure que le Hezbollah dominait les systèmes politique, sécuritaire et économique du Liban, y compris sa politique étrangère, qui s'est alignée sur celle de l'Iran. Il a également dominé les forces de l'ordre et une partie du pouvoir judiciaire, faisant échouer les enquêtes sur ses membres et les mettant à l'abri de toute obligation de rendre des comptes.

Pendant la présidence de Michel Aoun (2016-2022), le gouvernement libanais a accepté l'implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie, où il a commis des atrocités innommables, ainsi que le soutien, l'entraînement et l'armement par le Hezbollah de groupes terroristes, notamment les Houthis du Yémen et d'autres groupes opposés aux États du CCG. Les attaques et les enlèvements de citoyens du CCG au Liban sont devenus plus fréquents. Le groupe a également mené une guerre de la drogue contre les États du CCG, tandis que le gouvernement restait les bras croisés.

Les relations avec les États du CCG en ont souffert, les investissements et le commerce du Golfe avec le Liban ont diminué et les touristes du CCG ont cessé de se rendre au Liban.

Pourtant, les pays du CCG s'inquiétaient de l'aggravation de l'instabilité politique et de l'effondrement de l'économie, qui touchaient des citoyens ordinaires non liés au Hezbollah ou à ses alliés. Dans de nombreux cas, les personnes les plus touchées étaient opposées aux activités malveillantes du Hezbollah. Les États du CCG se sont joints aux pays partageant les mêmes idées pour tenter de mettre fin au malaise du pays et ont lancé en 2022 une initiative visant à aider le Liban à sortir de l'abîme, mais le succès a été limité en raison de l'incapacité ou du refus de coopérer du gouvernement dominé par le Hezbollah.

En revanche, le président nouvellement élu et le Premier ministre qu'il a choisi sont déterminés à ouvrir une nouvelle page avec les pays du CCG, ainsi qu'avec le reste des amis et partenaires traditionnels du Liban. Ils sont conscients de la grave rupture que les politiques hostiles du passé ont provoquée avec le monde extérieur, en particulier avec le CCG.

Le CCG est également désireux de restaurer son partenariat historiquement solide avec le Liban, sur les plans politique, économique et culturel. Lorsque le CCG s'est engagé dans des négociations de libre-échange il y a vingt ans, le Liban a été le premier pays avec lequel il a conclu un accord. L'accord a été signé à Beyrouth en mai 2004, en présence de feu Rafic Hariri. La signature a été suivie d'une série d'activités visant à renforcer les relations commerciales, mais ces efforts ont été sérieusement compromis par l'assassinat de Hariri en février 2005.

Le CCG souhaite reprendre ces efforts et s'engager pleinement auprès du Liban, non seulement sur le plan commercial, mais dans tous les domaines, comme l'a déclaré Joseph Aoun la semaine dernière.

Tout d'abord, une réforme politique est nécessaire. En particulier, les factions libanaises doivent faire un effort concerté pour se réconcilier et reconstruire leur pays ensemble, par le dialogue et le respect mutuel, sans recours à la force ou aux menaces. L'achèvement de la mise en œuvre de l'accord de Taëf serait un bon début.

Deuxièmement, le gouvernement, l'armée et les forces de sécurité libanais devraient être en mesure d'exercer leur pleine et unique autorité sur l'ensemble du territoire. Toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies devraient être pleinement mises en œuvre.

Troisièmement, le Liban doit éviter de s'immiscer dans les affaires intérieures d'autres pays, notamment les États du CCG, le Yémen, la Syrie et l'Irak. Tout aussi important, l'ingérence extérieure dans les affaires intérieures du Liban doit cesser.

Quatrièmement, il faut renforcer la gouvernance des installations d'exportation du Liban afin d'empêcher l'exportation de drogues vers les pays du CCG. Les trafiquants de drogue et les trafiquants d'armes doivent être vigoureusement poursuivis, en coopérant à l'extradition des responsables de ces crimes.

Cinquièmement, le Liban ne doit pas être une base ou un refuge pour les terroristes qui veulent déstabiliser la région.

Sixièmement, le soutien international aux forces de défense et de sécurité libanaises est nécessaire pour leur permettre d'exercer leur rôle dans l'ensemble du pays.

Septièmement, le CCG est prêt à s'engager avec le Liban dans tous les domaines, y compris les domaines politique, économique et sécuritaire.

Le choix de Salam est un signe important que le Liban veut rompre avec le passé, lorsque des personnalités pro-iraniennes dominaient la politique du pays.

                                           Abdel Aziz Aluwaisheg

Huitièmement, des réformes économiques sont nécessaires de toute urgence pour restaurer la confiance dans l'économie libanaise et ses institutions, y compris la banque centrale. La coopération avec les institutions internationales est indispensable pour aider à mettre en place les mécanismes de lutte contre la corruption endémique et la mauvaise gestion héritées de l'administration précédente.

Neuvièmement, parallèlement aux réformes nécessaires, il serait utile que le Liban établisse un mécanisme de coordination avec les donateurs, les investisseurs et les institutions internationales afin de rendre le climat des affaires plus hospitalier et d'explorer les moyens d'améliorer rapidement les conditions de vie des Libanais ordinaires. Le CCG sera prêt à assumer sa part de ces efforts.

Dixièmement, pour assurer un suivi cohérent, il serait utile de mettre en place un cadre conjoint CCG-Liban pour coordonner ces questions.

Pour que cette formule réussisse, il faut que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah soit maintenu et que le consensus national soit rétabli. Le fait que les législateurs soient parvenus ce mois-ci à un accord au sein du Parlement pour choisir le président est un bon signe qu'une nouvelle ère s'est ouverte au Liban.

Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et les négociations. 

X: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com