Il est grand temps pour Israël de s’installer à la table des négociations

Chaque jour qui passe apporte son lot de morts parmi les civils et l’opinion mondiale se retourne de plus en plus contre Israël. (AFP)
Chaque jour qui passe apporte son lot de morts parmi les civils et l’opinion mondiale se retourne de plus en plus contre Israël. (AFP)
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Publié le Vendredi 26 janvier 2024

Il est grand temps pour Israël de s’installer à la table des négociations

Il est grand temps pour Israël de s’installer à la table des négociations
  • Israël se contente de bombarder inlassablement Gaza et se comporte comme un joueur qui ne fait que perdre, mais continue de doubler sa mise, dans l’espoir de tout récupérer
  • Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, est de retour cette semaine au Moyen-Orient, dans l’espoir de convaincre les Israéliens de la nécessité d’une pause prolongée dans les combats

Lundi, vingt-quatre soldats israéliens ont été tués à Gaza en une journée, dont vingt et un dans une même embuscade. De toute évidence, le Hamas n’est pas affaibli et la campagne de bombardements israéliens qui a tué plus de vingt-cinq mille personnes dans la bande de Gaza, dont deux tiers de femmes et d’enfants, n’a pas affecté la capacité du Hamas à infliger des pertes dans les rangs ennemis. Il est très clair que l’armée israélienne n’a pas réussi à détruire le Hamas. Alors, n’est-il pas temps pour Israël de prendre conscience que sa politique ne fonctionne pas? N’est-il pas temps de sauver ce qui reste et de prendre place à la table des négociations?

Plus le temps passe, plus Israël commet des crimes de guerre – du meurtre de femmes et d’enfants aux bombardements d’écoles et d’hôpitaux en passant par le ciblage des journalistes – et plus il perd. Jusqu’à présent, soixante-seize journalistes palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre. Bien entendu, Israël ne veut pas que les atrocités qu’il commet à Gaza soient révélées au grand jour. C’est un signe de faiblesse, pas de force. En réalité, à mesure que le temps passe, Israël fait de plus en plus preuve de faiblesse.

L’armée israélienne robuste, qui à un moment donné était présentée comme la plus puissante du Moyen-Orient, ne peut même pas faire face à une milice armée qui est censée être assiégée depuis dix-sept ans. Chaque jour qui passe apporte son lot de morts parmi les civils et l’opinion mondiale se retourne de plus en plus contre Israël. Cette semaine, Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne, a critiqué ouvertement Israël, affirmant que son plan ne fonctionnait pas et qu’il «sème la haine» pour les générations à venir.

Israël n’a toujours pas présenté son plan pour Gaza, à l’exception du plan d’Itamar Ben-Gvir et de Bezalel Smotrich visant à inciter les Gazaouis à quitter leur terre. Mais les Palestiniens ont tiré des leçons de la Nakba. S’ils partent, ils ne pourront jamais revenir. S’ils partent, leur existence en tant que peuple palestinien prendra fin. Cependant, il n’est de peuple plus tenace que les Palestiniens. Les bombes ne leur font pas peur. Israël devra admettre qu’il ne pourra pas réduire la population de Gaza à 100 000 ou 200 000 habitants, comme l’a suggéré M. Smotrich.

«Chaque jour qui passe apporte son lot de morts parmi les civils et l’opinion mondiale se retourne de plus en plus contre Israël.» - Dr Dania Koleilat Khatib

Israël ne semble avoir aucun plan. Il se contente de bombarder inlassablement Gaza. Il se comporte comme un joueur qui ne fait que perdre, mais continue de doubler sa mise, dans l’espoir de tout récupérer à un moment donné. Israël continue de perdre. Il perd ses soldats. Le pays perd sa cohésion sociale, parce que les familles des otages sont en colère contre le gouvernement qui accorde la priorité à sa propre survie plutôt qu’au retour de leurs proches chez eux. Le pays perd par ailleurs son statut international. Tous les Israéliens souffriront de l’image négative de leur pays. Cela les affectera lorsqu’ils voyageront, feront des affaires ou enverront leurs enfants à l’étranger.

Cependant, le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, renforce sa position. Il a déclaré, samedi, qu’il souhaitait garder le contrôle israélien sur tous les territoires, du fleuve à la mer, et qu’il n’y aurait pas d’État palestinien. Il s’est prononcé publiquement et directement contre le président américain, Joe Biden.

Le sénateur Chris Van Hollen, membre de la commission sénatoriale des relations étrangères, a clairement déclaré, dans un entretien, que M. Netanyahou n’avait pas respecté la demande américaine de réduire les pertes civiles et que la catastrophe humanitaire ne faisait que s’aggraver. Il a directement critiqué le Premier ministre israélien, affirmant qu’il privilégiait ses propres intérêts plutôt que le retour des otages. Il affirme, par ailleurs, qu’il est temps d’instaurer un cessez-le-feu et que M. Biden doit faire preuve d’audace en mettant en avant la solution à deux États.

Alors que tout semble se liguer contre Israël, le moment n’est-il pas venu d’être à l’écoute? N’est-il pas temps d’être réaliste? Israël s’autodétruit, tandis que la partie palestinienne fait preuve de résilience. Pourtant, Israël s’accroche toujours à ses objectifs maximalistes et irréalistes et refuse toute solution raisonnable.

«Israël s’accroche toujours à ses objectifs maximalistes et irréalistes et refuse toute solution raisonnable.» - Dr Dania Koleilat Khatib

Le chef de la CIA a élaboré, avec le Qatar et l’Égypte, un plan très raisonnable. Ses arguments incluent qu’Israël devrait se retirer de la bande, qu’un échange de prisonniers devrait avoir lieu, qu’une force multinationale devrait prendre le contrôle de Gaza et qu’un gouvernement de technocrates devrait être responsable de l’administration civile de la bande. Si une force considérée comme légitime prend le contrôle de Gaza et si les services de base sont assurés, cela contribuera à assécher l’incubateur social qui alimente le Hamas. Si l’on donne de l’espoir aux gens, ils ne s’accrocheront pas au Hamas. Cela permettrait également le retour des otages.

Malheureusement, Benjamin Netanyahou se nourrit toujours d’illusions. Il pense avoir une marge de manœuvre. Mais ce n’est pas le cas. Il est désormais temps de négocier. Il sait très bien que la fin de la guerre signifie son départ. La guerre pourrait retarder ce moment, mais plus il attendra, plus ce départ sera difficile. Il sait que tôt ou tard, il devra partir, mais s’il conclut un accord qui permet le retour des otages, il aura au moins un atout qui jouera en sa faveur. Jusqu’à présent, au moins vingt-cinq otages sont morts en captivité, probablement à la suite de bombardements israéliens. L’armée israélienne n’a pu libérer qu’un seul otage. Il est très difficile de faire du porte-à-porte à la recherche d’otages. Et le Hamas ne déposera pas les armes.

M. Borrell a déclaré que la seule voie à suivre est une solution à deux États, que cela plaise ou non à Israël. Il se demande: «Quelles sont les autres solutions qu’ils ont en tête? Faire partir tous les Palestiniens? Les tuer tous?» Que veut dire M. Borrell par cette critique sévère? S’agit-il d’une menace voilée de sanctions si Israël ne s’y conforme pas? Les sanctions tueraient Israël, car le pays est très intégré dans l’économie mondiale, en particulier en l’Europe.

La Cour internationale de justice (CIJ) devrait rendre son verdict provisoire dans le cadre de la plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide dans les prochains jours. Cela créera une immense pression sur Israël. Pourtant, ce gouvernement est plus soucieux de montrer qu’il est fort que de se montrer réaliste en proposant une solution qui pourrait être mise en place. Il est désormais temps de négocier. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, est de retour cette semaine au Moyen-Orient, dans l’espoir de convaincre les Israéliens de la nécessité d’une pause prolongée dans les combats, après laquelle une reprise des hostilités serait difficile, ainsi que de la nécessité d’accepter une solution à deux États. Mais M. Netanyahou sera-t-il prêt à l’écouter?

La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.