Certains actes de guerre sont ouverts à interprétation, mais d’autres sont incontestablement illégaux et immoraux et font empirer une situation déjà très tendue. C'est le cas de la violence des colons israéliens en Cisjordanie. Jusqu'à présent, il n'y a guère eu de véritable effort pour éradiquer ce comportement odieux. Toutefois, la situation semble changer quelque peu, avec des initiatives non pas des autorités israéliennes, mais au moins de certains membres de la communauté internationale.
En peu de temps, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Belgique ont annoncé des mesures punitives à l'encontre des colons impliqués dans des attaques contre des Palestiniens, attaques qui vont de la violence verbale à des lésions corporelles réelles, voire à des meurtres.
Au début du mois dernier, le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a déclaré que son pays imposerait des interdictions de voyage aux colons juifs extrémistes impliqués dans des attaques contre des Palestiniens en Cisjordanie. Sur X, la vice-Première ministre belge, Petra De Sutter, a écrit: «Les colons violents se verront refuser l'entrée en Belgique et je proposerai que la Belgique plaide en faveur d'une interdiction de voyager à l'échelle de l'UE.» Au Royaume-Uni, le ministre des Affaires étrangères, David Cameron, a utilisé la même plate-forme de réseaux sociaux pour annoncer: «Nous interdisons aux colons responsables de la violence d'entrer au Royaume-Uni afin de nous assurer que notre pays ne peut pas être un foyer pour les personnes qui commettent ces actes d'intimidation.»
Il reste à voir si d'autres pays membres de l'UE, ou des pays extérieurs à l'Union, commencent à emboîter le pas, mais c'est la première fois qu'une certaine dynamique s'est créée autour d'appels au gouvernement israélien pour qu'il prenne des mesures beaucoup plus fermes afin de mettre fin à la violence des colons et d'obliger les auteurs de ces actes à rendre des comptes. Jusqu'à l'annonce de ces mesures, la réponse à ce comportement laid et préjudiciable, en croissance exponentielle, n'était que pour la forme. Et il est douteux que ces mesures, même si elles représentent un pas dans la bonne direction, puissent à elles seules mettre un terme à un phénomène alimenté par des sentiments religieux et xénophobes d'extrême droite qui bénéficient, au moins implicitement, du soutien du gouvernement israélien.
Pendant des années, la communauté internationale a échoué, sans exception, à mettre fin à l'obstacle le plus délibéré et le plus préjudiciable à tout accord de paix entre les Israéliens et les Palestiniens, fondé sur une solution à deux États: le projet de colonisation israélienne en cours en Cisjordanie. D'un petit rêve messianique insignifiant des nationalistes religieux orthodoxes extrémistes du mouvement Gush Emunim (Bloc des croyants) de coloniser la terre de leurs ancêtres, on est passé, cinq décennies plus tard, à un cauchemar pour ceux qui envisagent un accord de paix entre deux États israélien et palestinien souverains qui coexisteraient pacifiquement côte à côte.
Un monstrueux réseau de colonies est devenu le foyer de plus de 700 000 colons juifs en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, soutenu par une infrastructure qui sert principalement ces colonies et non la population palestinienne locale. Ce réseau a été intentionnellement conçu pour empêcher qu'un État palestinien ne devienne jamais une réalité, alors que les Palestiniens qui y vivent ont été marginalisés et victimes de discriminations.
Non seulement cela a été fait en violation de la quatrième Convention de Genève, mais aussi en contradiction avec la logique même du règlement de ce conflit de longue date d'une manière satisfaisante et durable pour les deux parties. En outre, ceux qui, au sein de la communauté internationale, avaient le pouvoir d'arrêter le projet de colonisation n'ont absolument rien fait.
«Il existe un groupe persistant de colons les plus extrémistes, pour la plupart connus des forces de sécurité israéliennes, qui se livrent à ces actions terroristes.»
Yossi Mekelberg
Il reste à voir comment un futur accord de paix pourrait être conclu malgré l'expansion des colonies, mais ce qui ne peut plus attendre, c'est la nécessité urgente de s'attaquer aux groupes de colons qui recourent à la violence, à l'intimidation et à la contrainte contre les Palestiniens ordinaires, tout en prenant pour cible généralement les plus vulnérables d'entre eux. Ils le font non seulement en toute impunité, mais aussi, à de nombreuses reprises, avec la protection des forces de sécurité israéliennes.
J'ai déjà affirmé qu'en gardant le silence face à la violence des colons, l'ensemble de la société israélienne se rend complice de ces actes de cruauté odieux. J'aimerais également affirmer qu'il en va de même pour la communauté internationale et les organes de sécurité collective, qui ont également pris la décision délibérée de fermer les yeux sur ce phénomène.
Certes, la grande majorité des colons n'est pas impliquée dans des actes de violence à l'encontre de la population palestinienne locale. Toutefois, un groupe persistant de colons les plus extrémistes, pour la plupart connus des forces de sécurité israéliennes, se livre à ces actions terroristes. Et ce qui est encore plus inquiétant, c'est qu'ils ont des représentants à la Knesset, surtout à des postes clés du gouvernement.
Les membres du parti ultranationaliste et religieux «Jewish Power» feraient pression sur l'administration pénitentiaire pour qu'elle améliore les conditions de détention des terroristes juifs condamnés. L'un des membres de la Knesset, Limor Son Har-Melech, a décrit Amiram Ben Uliel, un terroriste qui purge trois peines de prison à vie plus vingt ans pour un attentat à la bombe meurtrier dans le village de Duma, en Cisjordanie, au cours duquel trois membres d'une même famille ont été brûlés vifs et un autre a été grièvement blessé, comme un «saint homme juste». Aucune des parties à ce conflit qui commet des actes de terrorisme aussi déplorables ne devrait jamais être décrite en ces termes, car il s'agit non seulement de terroristes, mais aussi d'ennemis de ceux qui, des deux côtés, voudraient coexister pacifiquement.
En outre, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, lui-même un colon, a appelé l'année dernière l'État à «effacer» la ville palestinienne de Huwara après son attaque par des colons juifs déchaînés. Ceux qui incitent à de tels actes de violence ou les glorifient ne devraient-ils pas eux-mêmes être interdits d'entrée dans les pays qui respectent l'État de droit?
Il existe un lien évident entre la décision de certains pays d'interdire l'entrée aux colons violents et celle de leurs gouvernements de soutenir Israël dans la guerre qu'il mène à Gaza depuis le 7 octobre, malgré le nombre extrêmement élevé et totalement inacceptable de morts parmi les civils et la dévastation infligée à l'ensemble de la bande de Gaza. Même si le fait de refuser aux colons le droit d'entrer dans certains pays est un pas dans la bonne direction, la pression la plus forte devrait être exercée sur les principaux responsables politiques israéliens pour qu'ils cessent de fermer les yeux sur ces actes ignobles commis par des colons et veillent à ce que l'armée israélienne s'abstienne d'accorder la moindre protection aux auteurs de ces actes lorsqu'ils attaquent des Palestiniens – et à ce que ceux qui se livrent à ces actions ignobles et terroristes soient soumis à la pleine rigueur de la loi. Si le gouvernement israélien ne prend pas ces mesures, la communauté internationale doit le tenir responsable des violences commises par les colons et veiller à ce qu'il en assume les conséquences.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House.
X : @YMekelberg
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com