La proposition de garantie de la Turquie devrait être prise en compte

Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a mis en garde mercredi contre un tournant au Moyen-Orient (Reuters)
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a mis en garde mercredi contre un tournant au Moyen-Orient (Reuters)
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Publié le Samedi 28 octobre 2023

La proposition de garantie de la Turquie devrait être prise en compte

La proposition de garantie de la Turquie devrait être prise en compte
  • Le 7 octobre a marqué un tournant pour le Moyen-Orient, modifiant la dynamique de la politique étrangère turque ainsi que les équilibres régionaux
  • Les messages transmis par Ankara cette semaine ont clairement montré que la Turquie est prête à agir en tant que garant du côté palestinien

Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a averti mercredi que le Moyen-Orient se trouve «à un tournant» de son histoire, en ajoutant : «Nous nous dirigeons soit vers une guerre plus vaste, soit vers une paix plus grande.» Cette déclaration revêt une grande importance car une guerre plus vaste impliquant des États régionaux et des acteurs non étatiques serait tout bonnement désastreuse. Ainsi, les pays du Moyen-Orient se trouvent confrontés à une deuxième option: identifier des moyens d’instaurer une paix plus substantielle.

Dans ce contexte, Ankara a proposé l'une de ces approches. Le chef de la diplomatie turque s'est livré à une tournée au cours de la semaine écoulée, en visitant l'Égypte, le Liban, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar. Lors de son passage en Égypte, il a présenté une nouvelle proposition visant à mettre en place un mécanisme de garantie pour résoudre le conflit israélo-palestinien qui perdure depuis des décennies, en suggérant que la Turquie puisse être l'un des garants.

Cette proposition revêt une importance majeure, car elle semble être l'une des plus efficaces et concrètes avancée à ce jour, en particulier en raison des profondes divergences au sein de la communauté internationale concernant ce conflit. Alors que certaines parties attisent les tensions, d'autres s'efforcent d'obtenir un cessez-le-feu le plus rapidement possible pour éviter que la crise ne se propage davantage dans la région. La Turquie ainsi que les pays qui soutiennent positivement sa proposition de garantie appartiennent certainement à cette seconde catégorie. À ce jour, aucun autre pays n'a présenté une proposition aussi constructive.

Les messages transmis par Ankara cette semaine ont clairement montré que la Turquie est prête à agir en tant que garant du côté palestinien. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dans ses commentaires les plus fermes sur le conflit depuis les événements du 7 octobre, a déclaré que le Hamas n'est pas une organisation terroriste, mais un groupe de libération qui lutte pour protéger les terres et les Palestiniens. La déclaration d'Erdogan est intervenue après que plusieurs rapports ont affirmé qu'Ankara avait demandé aux membres du Hamas en Turquie de quitter le pays, des affirmations démenties par le côté turc.

Cette proposition revêt une importance majeure, car elle semble être l'une des plus efficaces et concrètes avancée à ce jour

Sinem Cengiz


Dans le premier groupe, certains acteurs attisent les flammes du conflit en cours, principalement les soutiens occidentaux d'Israël. La France, par exemple, a proposé d'élargir la Coalition mondiale contre Daech, créée en 2014, pour inclure également la lutte contre le Hamas. Il convient de noter qu'Israël ne fait pas partie de cette coalition. La proposition du président français Emmanuel Macron, formulée lors de sa visite en Israël, a pris de court les États de la région, de nombreux acteurs affirmant ne pas avoir été consultés. Sans compter que l'association du Hamas à Daech serait considérée comme inacceptable en Palestine et susciterait de vives réactions dans la région, a fortiori lorsque plusieurs acteurs sont impliqués dans des pourparlers avec le groupe concernant la libération d'otages et la résolution du conflit.

Le 7 octobre a marqué un tournant pour le Moyen-Orient, modifiant la dynamique de la politique étrangère turque ainsi que les équilibres régionaux. Ankara était en passe de normaliser ses relations avec Israël, et d'autres pays de la région envisageaient également une telle démarche. À titre d’exemple, Erdogan a déclaré avoir annulé un projet de visite en Israël en raison de sa guerre inhumaine à Gaza. De plus, on attend qu'Erdogan participe à un grand rassemblement à Istanbul samedi pour défendre les droits des Palestiniens.

Erdogan a également proposé la tenue d’une conférence internationale sur la paix pour le conflit israélo-palestinien. La Turquie avait déjà accueilli une conférence internationale similaire sur la Palestine à la fin de 2017, à laquelle tous les acteurs influents de la région avaient participé. Il est important de noter que la solidarité envers le peuple palestinien est très manifeste en Turquie, tant au niveau de l'État que de la population. La proposition de Fidan selon laquelle la Turquie pourrait agir en tant que garant de la paix s'inscrit dans cet esprit.

Erdogan a également proposé la tenue d’une conférence internationale sur la paix pour le conflit israélo-palestinien

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Il semble que la Turquie considère les États-Unis, qui sont également favorable à la solution de deux États, le candidat idoine pour assumer ce rôle, bien que Washington adopte actuellement une position très différente. L'implication d'un État occidental dans le processus diplomatique est essentielle pour parvenir à un cessez-le-feu et à un règlement acceptable par tous les acteurs. Bien que les efforts des pays de la région revêtent une grande importance, la participation des acteurs occidentaux – sous réserve qu'ils œuvrent pour apaiser les tensions plutôt qu'à les attiser - pourrait avoir un impact significatif.

Cependant, il serait naïf de miser fortement sur le monde occidental, étant donné ses positions contradictoires sur des questions telles que la Syrie, la Libye et d'autres. La plupart des politiciens occidentaux, par souci de préserver leurs intérêts politiques, ont offert un soutien inconditionnel à Israël, emboîtant ainsi le pas aux États-Unis. Toutefois, ce conflit en cours met en péril les intérêts des acteurs occidentaux, car son extension en une guerre régionale serait préjudiciable à leurs intérêts.

Par conséquent, la participation d'États occidentaux qui ont adopté une politique équilibrée à l'égard du conflit, tels que l'Espagne, l'Italie et la Grèce, est particulièrement important cette fois-ci, dans l'intérêt de la Palestine et de la région. La réunion de Fidan avec son homologue allemande, Annalena Baerbock, lors de sa visite en Égypte, est significative à cet égard. On peut supposer que Fidan a discuté de la proposition de garantie avec elle. Bien qu'il l’Occident n’ait pas manifesté un grand enthousiasme à l’égard de la proposition turque, la Russie s'est dite prête à discuter et à examiner l'initiative d'Ankara.

Le système de garantie comporte d'importantes responsabilités et obligations. Il nécessite un mécanisme de dialogue en cas de violation des règles par l'une des parties. Par conséquent, il est essentiel de déterminer qui assumera le rôle de garant une fois qu'un cessez-le-feu sera atteint. Bien que l'issue de la proposition de garantie demeure incertaine, il s'agit au moins d'une proposition qui pourrait devenir réalité si les acteurs occidentaux envisagent sérieusement d'y participer.

Sinem Cengiz est une analyste politique turque spécialisée dans les relations de la Turquie avec le Moyen-Orient.

X: @SinemCngz

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com